Chapitre XVIII - Entre deux eaux
On revient côté Jondo pour ce chapitre, en attendant de voir au prochain chapitre ce qu'il adviendra des autres personnages dans la bibliothèque :)
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Choix des lecteurs :
🏅(Proposé par @ThomasSat) Jondo se plante et rempli en partie le puits avec autre chose que de l'eau...
Quelle heure était-il ?
Jondo n'en avait aucune idée.
Au fond de sa grotte, penché au-dessus du puits, aucune lumière pour indiquer au fermier s'il faisait jour ou nuit. Une année aurait pu passer qu'il n'en serait pas étonné. Quand l'unique mesure de temps se résumait au va-et-vient incessant entre un tablier enchanté et un trou dans le sol, il devenait nécessaire de pouvoir compter au-delà de quelques milliers.
Hélas, le cultivateur ne savait-il tout juste compter jusqu'à dix.
Avec une main occupée, il dut s'aider de ses orteils aux ongles terreux. Les pieds ainsi à nu, il avait bien tenté d'enchainer les dizaines, mais que faire à partir de dix dizaines ? Nul autre choix que de recommencer !
Il en était désormais à dix dizaines de dix dizaines, deux dizaines et quatre. Ou était-ce trois ?
— Ah foutredieu ! J'm'renberlificote !
L'exclamation tonna dans la cavité, faisant sursauter le nomade chargé d'éclairer le paysan au moyen d'une torche. La flamme manqua de justesse un saut périlleux dans les ténèbres du puits. Non loin, Éclair se contenta d'un léger ébrouement.
Les yeux encore lourds de sommeil, le jeune nomade leva un regard interrogateur vers cet être miraculeux qui leur apportait eau et vivres.
— Rien, rien... J'coince une bulle et j'm'y remets, t'cauchemardes pas.
Quand bien même le veilleur aurait parlé le communien, il est fort à parier qu'il n'aurait rien compris dans tous les cas. Jondo balaya son air dubitatif d'un vague signe de la main. Sans succès. Le nomade semblait encore plus perplexe. Il désigna Jondo, puis le puits, avec un petit hochement de tête aussi souriant qu'explicite.
— Cornegidouille !
Le fermier leva les bras au ciel en exaspération. Il réalisa à quel point sa main gauche était fripée et blanchie par l'eau. Cette soudaine constatation déclencha en lui une irrépressible envie d'uriner. Il se relâcha en un profond soupir.
— M'en va pisser.
Toujours cette mine incompréhensive affichée sur le nomade. Qu'il était usant d'être entouré de gens qui ne captaient rien !
— M'en va à la lisbroque ? Arroser les pissenlits ? Vider l'écluse ? Pleurer le borgne ? Lâcher le filet ? Lansquiller ? Mouiller le mur ? Moutraver ? Tenir le cochon par la queue ? Non, rien ? T'piges ?
De toute évidence, le veilleur n'avait pas compris un traitre mot. Jondo coupa court avec un geste évocateur de la main au niveau de l'entre-jambes, accompagné d'un sifflement. Le jeune nomade, embarrassé, lui indiqua le tunnel d'entrée.
Jondo le remercia d'un hochement de tête. Il savait déjà où se trouvaient les latrines. Drôles de latrines d'ailleurs. Un étroit, mais long passage, perpendiculaire au tunnel principal de la mesa, menait à une cavité aux multiples petites aérations. Tapissant une fosse, toutes sortes de courtes plantes à épines semblaient s'abreuver des différentes déjections. « Dans le désert, rien ne se perd », avait dit Sophos.
Rien ne se perd sauf la décence ! pensait Jondo. Foutus barbares !
Il croisa quelques chasseurs nomades en route. Les jeunes hommes, munis de leurs lances aux pointes brûlées, rentraient de l'extérieur et se dirigeaient à priori vers le puits pour se désaltérer après une longue nuit de chasse. Ils s'écartèrent pour laisser place à celui qu'ils prenaient pour une sorte d'esprit suprême de l'eau, s'inclinant respectueusement le temps que Jondo passe.
Barbares, mais polis. C'était la base. Tout n'était peut-être pas perdu pour ces arriérés, se dit le cultivateur en arrivant à l'embranchement des latrines.
— Oh foutre puterie d'enculure d'gosselin mort-né dans le tas d'bourrier d'une sous-cabouine enviandée goîtreuse crevée à bouffer par l'torche-cul poissard d'un goret muselé !
À peine engagé dans le goulot, il dut ravaler de justesse un abominable haut de cœur. Malgré toutes les ouvertures taillées dans la roche, la pestilence du lieu était fétide ! Comment pouvait-on vivre dans une telle porcherie ? Foutus sauvages !
Jondo remonta sa chemise de lin sur son nez. La subtile odeur terreuse de navets et le doux fumet de sueur étaient des plus réconfortants. En partie en apnée, le fermier se hâta. Tout à son affaire, il nota à quel point le soleil matinal perçait d'ores et déjà les aérations de la grotte de ses ardents rayons. Quel affreux climat ! Tout ce foutu pays n'était qu'un vaste cauchemar ! Sa chaumière lui manquait tant...
Resserrant la cordelette autour de ses chausses, Jondo s'attarda sur l'heptagramme sur sa paume droite. Maudite marque ! Tout était de sa faute ! Il s'essuya les mains sur les hanches et repartit en direction du puits. Plus vite il en aurait fini, plus vite il serait rentré.
En sortant du goulot naturel, le fermier tomba à nouveau sur les jeunes chasseurs croisés précédemment. Cette fois ils ne s'écartèrent pas de son chemin ni ne le saluèrent. Au lieu de cela, ils ricanaient et marchaient de manière erratique. L'un d'eux bouscula d'ailleurs Jondo dans l'épaule, provoquant de nouveaux gloussements dans le groupe.
Foutus tarés, pensa le cultivateur en les dévisageant.
Jondo déboucha dans la salle du puits, le rire des chasseurs résonnant derrière lui. Il se repositionna au bord du fossé et enfonça sa main dans le tablier, prêt à se remettre au travail. C'est à ce moment qu'il nota le seau devant lui. Il était aussi plein que la tasse du veilleur assis à côté. Le jeune homme dévisageait Jondo avec un léger strabisme, un sourire niais pendu sous le regard trouble.
— D'quoi qu'est-ce ?
Le nomade ne répondit rien et se contenta de lui tendre la chope dans sa main. Brusqué, le liquide éclaboussa Jondo, rajoutant quelques taches humides sur ses chausses.
Le fermier scruta le veilleur. Il sentait que quelque chose clochait, mais n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Tout comme il n'arrivait pas à choisir sur quel œil loucheur accrocher son regard. Du coup, il haussa les épaules et accepta volontiers le verre offert.
Il porta le récipient en terre cuite à ses lèvres et but d'un seul trait son contenu.
Un frisson rampa à travers sa peau. Son gosier s'enflamma. Il sentit le liquide couler dans sa trachée, jusqu'à son estomac. Une chaleur presque douloureuse. La splendide limite entre souffrance et plaisir. Juste de quoi se requinquer.
Les yeux fermés pour mieux apprécier, Jondo estimait une culture ensoleillée qui apportait une certaine rondeur. Une sucrosité nourrie par une dominante de variété jaune boule d'or. Un tonnelage mi-saison, procurant une maturité brute au caractère bien trempé. Une parfaite gnôle de premier choix.
Perdu dans sa rêverie, le fermier ne remarqua pas le retour des chasseurs, accompagnés par une dizaine de jeunes nomades. Tous armés de gobelets qu'ils ne tardèrent pas à plonger dans le seau. Le récipient fut rapidement à sec et rechargé au fond du puits.
Les rires résonnaient à travers la grotte. Un chasseur s'écroula, inconscient. Un autre chercha à frapper le veilleur, qui lui para le coup d'un fabuleux jet de vomi. En seulement quelques battements, un chaos cacophonique emplissait la salle. Un maelström de ricanements, de sons gutturaux, de charabia inarticulé et de vociférations en tous genres.
— Pff ! Buveurs d'chambre ! Même po ça tient sa chopine, railla Jondo avec désapprobation.
C'est à ce moment précis que le fermier réalisa. Eau. Eau-de-vie. C'était amusant comme juste un peu de vie pouvait à ce point tout changer.
C'est aussi à cet exact instant qu'une voix tonna à travers le tintamarre ambiant. L'ancien fit irruption dans la caverne, encadré de deux nomades imposants et armés. Il n'avait pas l'air content. Du tout.
— Une p'tite goutte, l'vioque ?
1. L'Ancien banni Jondo pour outrage. Il réalise qu'il n'est pas un esprit de l'Eau mais un usurpateur, plus certainement un esprit malin.
2. D'abord furieux en entendant tout ce bruit, bruit sacrilège en journée puisqu'il peut attirer les démons, l'Ancien accepte malgré tout un verre. Comme tous les nomades, il ne tient absolument pas l'alcool et tous se bourrent la gueule joyeusement !
3. (proposée par Garnath) Les méchants attaquent pile à ce moment, Jondo se retrouve à tenir la buvette pour tout le monde.
4. Choix proposé(s) par les lecteurs (si vous proposez un autre choix un minimum cohérent dans l'histoire, je le rajouterai ici)
Fin des votes dimanche 14/02/2021 à 22h (UTC +2). Chapitre suivant le 17/02 au plus tard.
À vos votes !
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