Chapitre XVII - Rat de bibliothèque

Votes : 10

🏅 Si le nombre de votes se termine par 0, pas de grands bouleversements. Peut-être un moment de répit dans cette folle aventure ?

Choix des lecteurs :

(J'ai finalement tronqué les choix pour limiter à un seul, sinon le chapitre était bien trop long... On verra pour comment ils retournent chez les nomades et ce que fabrique Jondo un peu plus tard).

🏅 4. Capella n'est pas là (et comme suggéré par Garnath , le lieu est piégé, parce que sinon c'est quand même bien moins drôle ^^)

La chevalière emboita le pas au vieux moine. Ensemble, ils s'engouffrèrent dans la porte arrondie et les ténèbres qui hantaient la modeste bâtisse.

Le couloir d'entrée exigu déboucha sur une vaste salle circulaire. Sept rayons de lumière se frayaient avec peine un chemin au travers d'étroites fentes percées à même le plafond en dôme. De hautes bibliothèques bordaient les murs de toute part. Sur les étagères s'entassait une multitude de livres et étuis à parchemins. Les couvertures en cuir tanné ne dévoilaient au regard que leurs tranches, impeccablement alignées. Pas un feuillet ne dépassait, pas un bibelot ne trainait au sol. Même le bureau au centre de la pièce soutenait une pile de rouleaux entreposés en une parfaite pyramide. Hormis la danse de quelques poussières dans les rayons du soleil, aucun mouvement. L'odeur de renfermé renforçait l'impression que le lieu était inhabité. Un frisson parcourut la chevalière. La fraicheur de la nuit demeurait prisonnière entre ses murs.

— Capella ?

La voix de Sophos se perdit dans la salle, comme étouffée par les livres qui ne pouvaient souffrir d'une présence autre que scripturale en ce lieu.

— Nous serions-nous trompés d'endroit ?

— Non, non... c'est bien la bibliothèque de Capella. Du moins, il me semble... La mémoire est une cruelle maîtresse avec qui il nous faut apprendre à valser ¹. Cela me parait familier, mais étranger à la fois...

Le vieil homme jetait des regards comme on donne l'aumône : avec une joie embarrassée. Sa gêne était palpable. C'était celle de ceux qui retrouvent ce qu'ils ont égaré il y a longtemps. C'était le trouble de celui qui regagne sa maison après l'avoir quittée pendant des années. Le foyer pouvait être parfaitement inchangé ; la mémoire s'était chargée d'en modifier le souvenir, si bien qu'on ne s'y sentait plus véritablement chez soi.

— Quelle idée de construire une bibliothèque en plein milieu d'un désert, murmura Sagrymor.

Alors qu'elle cherchait à s'accommoder de l'obscurité, scrutant la moindre menace possible, la chevalière ne voulut pour autant briser le silence du lieu.

— L'homme qui, du désert connaît le secret, ne peut vieillir ². Tout comme cet homme, les livres trouvent bonheur dans ce climat aride.

Sophos parlait avec douceur, mais non sans passion et émerveillement. Son regard caressait avec amour chaque ouvrage entreposé autour de lui. Une étincelle de gourmandise pouvait même s'y lire malgré la pénombre environnante.

— Ici nulle humidité pour ternir leurs encres, nulle querelle pour détruire leurs reliures, nul mauvais esprit pour dérober leurs pages. Lieux rares et méconnus, ces quelques bibliothèques du désert sont les archives de l'humanité. Vestige d'une mémoire universelle et intemporelle.

Sagrymor frissonna à nouveau. On l'avait entrainée à être à son aise sur un champ de bataille, l'épée au clair, pas entourée de feuillets inanimés. Elle qui savait tout juste lire, se sentait étrangère en ce lieu. Elle en ressentait presque une culpabilité. Brigand dans un sanctuaire. Chaque endossure d'ouvrage était autant de regards qui la jugeaient, la méprisait du haut de leur érudition élitiste. La chevalière s'ébroua et chercha à occulter cette sensation oppressante par la parole :

— Et cette Capella, s'est réveillée un bon matin en se disant : « tiens, et si j'allais m'enterrer au fin fond des dunes avec mes bouquins pour seule compagnie » ?

— Rien n'est plus insondable que le système de motivations derrière nos actions ³. Contrairement à ce que votre ton semble indiquer, celles de Capella sont toutefois sûrement plus proches de vos propres motivations, chère chevalière.

— J'en doute, marmonna Sagrymor scrutant la table à la recherche d'un indice quelconque. Encore faudrait-il qu'on le trouve, cette Capella ? C'est bien l'objet de notre venue, non, maester ?

Elle avait accompagné ces derniers mots d'un petit coup de coude dans l'épaule du vieux moine. Celui-ci parut émerger d'un doux et plaisant rêve. Ses yeux clignèrent à plusieurs reprises comme pour retenir les poussières de songe éveillé qui s'évanouissaient déjà.

— Oui, oui... tout à fait, vous avez raison, mon enfant. Un troupeau sans berger est voué à l'oubli. Il est étrange que Capella ne soit pas là...

— Ce que je trouve encore plus étrange, fit Sagrymor en sondant quelques alcôves et renfoncements entre deux étagères. C'est qu'il n'y ait absolument aucun signe de vie : nulle couchette, nulle nourriture, nulle source d'eau, nulle empreinte. Rien.

Sophos marmotta dans sa longue barbe blanche une réponse inaudible. Sagrymor sentit qu'il ne lui divulguait pas tout, mais choisit de ne pas le presser davantage. Le vieil homme avait sans nul doute ses raisons, ce qui n'empêchait pas la chevalière d'avoir la main à l'épée.

— Une seule certitude suffit à celui qui cherche ⁴. Nous trouverons bien un indice ici quelque part. Alors, cherchons.

Sagrymor allait se saisir d'un rouleau de parchemin, lorsque Sophos interrompit brusquement son geste.

— Veillez toutefois à ne toucher à rien, ma chère. Strictement à rien.

Son attention possédait la même intensité que sa poigne. Sagrymor s'en libéra en supportant le regard de l'ancien.

— Vous dissimulez bien mal votre méfiance, maester.

— Disons que prudence est mère de sûreté ⁵, conclut Sophos en se détournant.

Sagrymor l'observa s'éloigner un instant. Sans être de nature curieuse, elle espérait que le vieux sage lui aurait donné quelques informations supplémentaires. Ce fut en vain : le moine était déjà tout affairé à étudier le contenu d'une bibliothèque.

Chez les loups, comporte-toi en loup. Le vieil adage de son maître d'armes lui revenait des méandres d'un passé qui lui paraissait une éternité. Dans ce milieu qui n'était pas le sien, inutile de chercher querelle. Sophos était familier avec cet univers, alors autant écouter ses conseils et rester prudente.

Elle décida de se concentrer sur l'aile opposée du maester. Son regard parcourut les livres sans s'attarder. Bien que variables en taille et en épaisseur, bien que différents dans l'état et la teinte de leurs couvertures, aux yeux de la chevalière, ils étaient tous identiques et sans intérêt. Elle marqua un temps devant un interstice entre deux bibliothèques. Un objet plat était appuyé contre le mur au fond. Un tableau peut-être ? Dans cette obscurité, impossible de voir plus clairement ce dont il s'agissait.

Se retournant pour trouver de quoi l'éclairer, Sagrymor nota qu'un des fins rayons perçant le plafond tombait non loin. Elle tira silencieusement son épée et vint trancher la lumière de sa lame. À bout de bras, elle guida le faisceau réverbéré vers sa cible. Les ténèbres se retirèrent avec solennité. Il ne s'agissait pas d'un tableau. De surprise, la chevalière manqua de peu de lâcher son arme.

Un bouclier trônait dans cet interstice, sans éclat aucun, mais non moins sans splendeur. Un bouclier arborant une ligne droite d'où émergeait un demi-cercle aux sept rayons. Le soleil levant de Virtae. L'emblème de l'Ordre des Chevaliers de l'Aube Rouge Écarlate. Son Ordre.

C'était un bouclier identique en tout point à celui qu'elle avait laissé accroché à la selle de Talion.

— Comment... susurra-t-elle.

Oubliant tout avertissement, ignorant toute prudence, Sagrymor tendit une main vers l'écu tapi dans l'ombre.

À peine son gantelet avait-il effleuré l'objet, qu'un grondement sourd retentit. Des filets de poussière chutèrent du plafond.

— Qu'avez-vous fait ? s'alarma Sophos derrière elle.

¹ citation de Kate Morton

² citation de Tahar Ben Jelloun

³ citation de Georg Christoph Lichtenberg

⁴ citation d'Albert Camus

⁵ proverbe français

Voici les choix pour le prochain chapitre :

1. Tout se transforme en sable et s'effondre sur eux !

2. Un gigantesque sable-mouvant vient d'être activé !

3. Tout explose (carrément ^^') !

4. Tout prend feu !

5. (proposée par nelle_ousson) Un passage secret se dévoile qui promet une descente dans les entrailles de la terre. Sagrymor et ses amis partent à la découverte de ces couloirs, ces escaliers. Seulement attention, ce labyrinthe souterrain est truffé de pièges. Mais que cachent/protègent tous ces "boum-j't'attrape"?

6. Choix proposé(s) par les lecteurs (si vous proposez un autre choix un minimum cohérent dans l'histoire, je le rajouterai ici)

Fin des votes dimanche 31/01/2021 à 22h (UTC +2). Chapitre suivant le 03/02 au plus tard.

À vos votes !

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