Chapitre XI - Se jeter dans la gueule du loup
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🏅 Si le nombre de votes se termine par 9, Jondo va passer un sale moment...
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🏅 (Remaniée par AdrianMestre75) Jondo en a marre qu'on le prenne pour une bille. Il part avec sa serfouette pour se mesurer au monstre, malgré son inexpérience au combat.
— Nous n'avons aucune chance au corps à corps ! Vous avez vu la taille de ce monstre ? vociféra Ignas.
— Vous avez mieux à proposer ? Une botte secrète de sauvageon, peut-être ?
— Allons, mes enfants, le combat à mener n'est pas entre nous. Mieux vaut faible accord que grosse querelle¹.
— Ah vous ! La ramenez pas avec vos adages à la noix !
Sophos tentait de calmer la chevalière et son disciple, en vain. Depuis leur rencontre, les deux se vouaient clairement une haine aveugle. Le vieux moine savait bien qu'il n'y avait rien en ce bas monde de plus destructeur et stupide.
— Nous devons faire diversion, attirer la bête au loin et fuir à ce moment-là, lâcha Ignas.
— Et bien allez-y ! Pourquoi ne pas avoir fait ça au lieu de vous terrer dans ce trou à rat ?
— J'ai déjà tenté, figurez-vous ! Mais cette chose revient toujours ! Et parfois pas seule, si vous voyez ce que je veux dire !
Ignas donna un coup de menton vers l'avant, comme pour désigner la chevalière. Cette dernière avança encore d'un pas. Leurs fronts étaient presque l'un contre l'autre. Sophos essaya à nouveau de s'interposer entre les deux, mais il n'avait pas la force de les arrêter. Il chercha Jondo du regard, pour demander assistance.
— Jondo ?
Le cultivateur de navets avait disparu.
— Avez-vous vu notre ami contadin ?
Les cris cessèrent aussitôt. Les querelleurs cherchèrent à leur tour le jeune paysan. Seul l'écho lointain d'une trappe sonna à leurs oreilles. Leur réponse fut unanime :
— Merde.
***
Jondo en avait sa claque. Enfin, les claques passaient encore, mais qu'on le prenne sans cesse pour un abruti fini commençait à lui taper sur le système. Il n'était pas plus con qu'un autre !
Il avait constaté la puissance destructrice de sa serfouette face au diablotin qui avait tenté à le gnaquer quelques jours plus tôt. Celui au-dessus n'était qu'une version plus grosse. Il lui suffirait de cogner plus fort.
Laissant le ramassis de glandus s'engueuler entre eux, il avait gravi les marches en ruminant. Sans chercher à faire dans la discrétion, il fit voler la trappe et s'en dégagea.
Devant lui, obstruant l'entrée du temple, la gigantesque masse sombre se dessinait. Alors que l'écho de la porte résonnait à travers la bâtisse éventrée, le diable tourna sa tête cornue. Dans la pénombre, une lueur fusa dans les petits yeux noirs de la bête. La mâchoire s'entrouvrit et fendit la face aplatie. Un à un, les pieux nacrés arborant la gueule du monstre se dévoilèrent derrière un rideau de bave. Jondo, binette appuyée sur l'épaule, ne se laissa pas pour autant intimider.
— Eh ! L'diabovin ! Viens-y voir un peu par-ci là !
Le cri du démon fit trembler les murs. Avec une lourdeur à en déloger les pierres du plafond, il se rua sur le petit fermier.
***
La chevalière en tête de cortège, les compagnons d'infortune gravirent les marches deux par deux. L'épée au clair, Sagrymor avait entendu la bravade du fermier et surtout la réponse tonitruante de la bête. Elle émergea du souterrain, mais c'était déjà trop tard.
Jondo se trouvait plus en avant, sa serfouette brandie comme un étendard. En un pas, le démon fut sur lui. Un revers énervé de son gigantesque bras, et voilà Jondo qui volait à travers le hall en ruine. Impuissants, tous regardèrent le corps du fermier passer au-dessus de leurs têtes pour disparaitre quelque part dans les décombres de l'étage. Pas le temps de s'apitoyer.
— Ma force, glaive des faibles ! hurla Sagrymor en brandissant son épée.
À peine put-elle faire trois pas en avant que le démon balaya ses griffes dans sa direction. Elle para le coup de son bouclier, mais la puissance la fit déraper sur le marbre ensanglanté du temple.
— Ma foi, bouclier contre l'obscurité, fit-elle en serrant les dents.
Elle vit Ignas longer le mur ouest, derrière le diable. Il ramassa une grosse pierre qu'il jeta en direction de la tête monstrueuse.
— Vous n'avez pas plus court comme devise, chevalière ? lança de sa voix rauque le jeune scarifié alors que le démon se tournait vers lui.
— C'est sûr qu'on n'a pas besoin de devise lorsqu'on se bat avec des cailloux !
Sagrymor profita de la distraction pour charger la bête. Les épaules contractées, elle envoya un puissant coup de lame dans la jambe du monstre. L'épée fendit la chair et les muscles, mais buta contre un tendon.
Rugissant de douleur, le démon se retourna et projeta une patte vers la chevalière à ses pieds. Plaquée au sol comme un vulgaire insecte, Sagrymor n'eut pas le temps de dégager son arme. Une griffe s'enfonça dans le marbre juste à côté du crâne de Sagrymor. Au travers de son heaume, la chevalière vit la gueule s'approcher d'elle. Un filet de bave éclaboussa son armure. Non loin, Ignas s'époumonait et des cailloux rebondissaient sans effet de la tête du monstre.
Rien à faire. Le démon n'était plus distrait. Il avait sa proie. Sagrymor était fichue. Elle espérait que l'odeur pestilentielle de la viande décomposée entre les immenses dents la ferait tourner de l'œil avant d'être croquée vive.
— Ma chair, étendard du dernier rempart, murmura la chevalière le souffle court.
C'est alors qu'un cri résonna à travers le temple en ruine. Un hurlement démentiel qui parvint à couvrir les grognements du démon.
Jaillissant de l'étage supérieur, Sagrymor vit Jondo, le crâne ensanglanté, surgir comme un endiablé. La serfouette, brandie à deux mains, crépitait d'étincelles bleutées. Un souffle d'espoir s'infiltra dans les poumons comprimés de la chevalière. Le paysan était juste au-dessus du monstre. Il ne pouvait pas rater sa cible. Le démon ne pourrait esquiver. Il lui suffisait d'assurer son saut.
Il suffisait.
C'était sans compter sur une pierre qui se délogea sous le pied du fermier au moment de bondir. Ses bras s'agitèrent et la binette vola dans les airs. Son saut épique se transforma en une chute en piquée. Tête première, il s'engouffra dans la gueule du monstre. Jondo disparut presque tout entier dans les ténèbres du pharynx. Seules ses jambes se mirent à danser une valse macabre avec la langue du démon.
Ce dernier se releva sous le choc. Sa trachée obstruée, il poussait des râles étouffés. Sa mâchoire claquait dans le vide, chatouillant les chevilles du paysan qui tapaient contre son palais. La bête chercha à comprimer sa gorge boursoufflée de ses mains griffues, mais ne parvint qu'à y lacérer la chair.
À peine redressée, Sagrymor vit Sophos sortir de l'ombre. Elle n'eut pas le temps de prévenir le vieux moine qu'il s'emparait déjà de la serfouette abandonnée. Aussitôt, des éclairs bleus jaillirent de l'outil et attaquèrent la peau de l'ancien. Son visage se tordit de douleur et l'odeur de chair grillée se répandit tout autour, mais le maester ne lâcha pas son emprise.
Serrant les dents à s'en faire éclater la mâchoire, il se précipita aux pieds du monstre. Avec toute la force dont il était capable, Sophos enfonça les pics de la binette dans la plaie causée par le coup d'épée de la chevalière. Les mains fumantes, le vieux moine tomba en arrière. Il fut rattrapé in extremis par un Ignas qui déboula de nulle part.
Sagrymor s'était attendue à ce que l'arme bénie fasse disparaitre le monstre en fumée. Qu'il n'en reste que des cendres comme cela avait été le cas pour le diablotin quelques jours auparavant. Pourtant, rien ne se produisit. Le sacrifice de Sophos avait été en vain.
Les yeux clos de douleur et paniqué par le manque d'air, le démon se mit à s'agiter dans le plus grand chaos. Il percuta des colonnes et s'écrasa contre les murs. De gigantesques fissures lézardèrent à travers la pierre. Tout autour, les craquements de la charpente s'intensifiaient et des blocs entiers tombaient du plafond.
— Il faut qu'on sorte d'ici ! hurla Sagrymor
Ignas hocha la tête. Il souleva Sophos dans ses bras et se mit à courir vers la sortie. La chevalière le talonnait. Le démon asphyxié les suivait, cherchant désespérément un peu d'air. Derrière eux tous, le dôme argenté du temple commençait à s'effondrer dans un vacarme tonitruant.
À la suite des deux moines, Sagrymor s'extirpa juste à temps. L'arche de l'entrée céda et s'écroula sur le diablotin géant. Le monstre voulut se redresser, mais le reste de la toiture vint le clouer définitivement au sol. Seule sa tête émergeait en partie des vestiges. Dans un ultime râle étouffé, le démon expira.
Sans perdre un instant, Sagrymor rebroussa chemin. Ignorant la poussière qui lui agressait les rétines, elle s'aida d'un morceau de poutre pour maintenir la gueule du diable ouverte. Faisant fi des relents de mort, elle agrippa les pieds du paysan et tira de toutes ses forces. Le reste du corps vint dans un écœurant bruit de succion. Entièrement recouvert d'une bave visqueuse et ensanglantée, Jondo gisait inconscient.
— Abruti !
Sagrymor ne put contenir sa colère et lança un coup de poing dans l'estomac du fermier. Ce dernier écarquilla les yeux et se cambra sous le choc. Il n'eut pas le temps d'emplir ses poumons que la chevalière lui souffla dans les bronches.
— Espèce de jeanfoutre demeuré ! Vous avez bien failli tous nous tuer !
Jondo n'arrivait pas à ouvrir les paupières. Les insultes pleuvaient autant que les coups sur son corps déjà meurtri. Soudain, une voix autoritaire tonna :
— Il suffit !
Le fermier parvint enfin à apercevoir la lumière à travers les larmes et la salive. Au-dessus de lui, Sagrymor avait jeté son heaume. Malgré son teint basané, la colère enflammait ses joues. Plus loin, Ignas était penché sur Sophos, lui-même adossé à un tronc d'arbre. Le vieil homme semblait à bout de souffle. Ses bras ballants fumaient et Jondo remarqua la noirceur de ses mains. Son visage était fermé. La bienveillance qui s'y affichait précédemment avait laissé place à une sévérité douloureuse.
— Cessez le combat pour l'amour de nous² ! Faire davantage de bruit ou nous entretuer ne nous mènera nulle part ! La nuit va tomber sous peu, il nous faut trouver un abri au plus vite.
Une brise humide fit tourbillonner le nuage de poussière qui les enveloppait. La nuit s'annonçait orageuse.
¹ proverbe danois
² citation de Jacques Amyot
Voici les choix pour le prochain chapitre. Il y a 3 éléments à choisir :
● ASKA
1. Ils abandonnent Aska.
2. Ils tentent de déterrer l'accès à la trappe pour la sauver.
3. Choix proposé(s) par les lecteurs (si vous proposez un autre choix un minimum cohérent dans l'histoire, je le rajouterai ici)
● LA SERFOUETTE DIVINE
A. Ils abandonnent la serfouette.
B. Ils cherchent à déblayer les ruines pour récupérer la serfouette.
C. (proposée par Daxiiaa) Jondo est "appelé" par sa serfouette et va finir par la retrouver avec l'aide notamment d'Eclair.
D. Choix proposé(s) par les lecteurs (si vous proposez un autre choix un minimum cohérent dans l'histoire, je le rajouterai ici)
● LE REFUGE
I. Ils récupèrent Éclair et Talion et tentent de construire un abri de fortune dans les ruines pour y passer la nuit.
II. Ils rejoignent Éclair et Talion à la rivière et continuent vers le sud autant qu'ils peuvent avant de s'installer dans les sous-bois pour la nuit.
III. Peut-être Ignas et Sophos connaissent-ils un abri dans les environs ? (À vous de me dire de quoi il s'agit : grotte, cabane de chasseur, etc.)
➺ (proposé par Garnath) chez un fidèle/patient habitant non loin
➺ (proposé par nelle_ousson) dans une chapelle abandonnée non loin
IV. Choix proposé(s) par les lecteurs (si vous proposez un autre choix un minimum cohérent dans l'histoire, je le rajouterai ici)
Fin des votes dimanche 08/11/2020 à 22h (UTC +2). Chapitre suivant le 11/11 au plus tard.
À vos votes !
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