Chapitre VII - Aller à vau-l'eau
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À quelques lieux au sud, au milieu d'une orée isolée, se trouve un temple de Phylae, déesse de la Protection, Prudence, Endurance et des Soins. S'il est toujours debout et habité, ce serait le lieu parfait pour soigner leurs blessures. Il faudrait au moins trois jours de marche pour le rejoindre.
Le soleil émergeait entièrement de l'horizon. Il s'étirait de tous ses rayons à travers la campagne et la douce chaleur de son bâillement matinal ne tarda pas à se faire ressentir.
Sagrymor replia sa carte ayant finalement opté pour le temple de Philae. Bien qu'il soit peu probable pour la bâtisse d'être encore debout, voire habitée, au moins éviteraient-ils ainsi les grands chemins. En empruntant une piste à travers la forêt, ils réduiraient considérablement leurs chances de mauvaises rencontres.
Elle s'attela ensuite à changer son bandage et faire un brin de toilette à la rivière. L'eau était fraiche et revigorante. La fatigue était emportée par le courant plus facilement que le sang séché. La plaie au coude saignait toujours, mais de manière moins abondante. Il lui restait encore trois jeux de bandes que Jondo lui avait fait bouillir la veille et qu'elle avait pris soin de ranger à l'abri dans une sacoche. Elle allait devoir les rentabiliser au mieux tout en évitant de les garder trop longtemps et de laisser la blessure s'infecter.
Une fois revêtue, Sagrymor partit à la recherche du fermier qu'elle n'avait pas recroisé depuis leur bref échange aux aurores. Elle doutait sérieusement qu'il ait empaqueté ses affaires comme elle lui avait ordonné. La chevalière se préparait déjà mentalement à devoir le maîtriser de force, peut-être même le ligoter et le trainer à l'arrière de Talion. Elle sourit. L'idée ne lui déplaisait pas tant.
Quelle ne fut pas sa surprise de voir le fermier sortir de la chaumière avec quatre énormes sacs en jute ! Sous ses hématomes bien violacés, il affichait un visage fermé et nota à peine l'arrivée de la chevalière.
Sagrymor n'en finissait pas d'être étonnée par le jeune homme. Il était capable un jour de charger tel un fou furieux un étalon de guerre qui avait eu le malheur de piétiner son champ et le lendemain, de plier affaire et lever le camp en abandonnant son fameux champ ainsi qu'une maisonnette qu'il n'avait à priori jamais quittée.
La chevalière préféra ne pas attirer le mauvais sort en remuant le couteau dans la plaie. Elle évita donc toute question sur sa soudaine volonté à partir et se concentra plutôt sur l'aspect pratique.
— Je vois que ça avance bien, Jondo. Toutefois, vous avez vu un peu gros là, non ? dit-elle en désignant les sacs qui faisaient bien la moitié du jeune homme en hauteur.
Jondo regarda les bagages, sans une once de réflexion sur le visage ni au fond des yeux. Il se contenta de hausser les épaules.
— Mon cheval, Talion, est blessé. Vous devez bien vous en souvenir, non ? Je ne vais pas le monter pour le laisser récupérer. Il est donc hors de question que vous chargiez tout cela sur son dos.
— Étalon, répondit simplement Jondo.
— De quoi « étalon » ?
— C't'un étalon vot' ch'val, po un « talion ».
Sagrymor écarquilla les yeux. Voilà qu'il se permettait de lui faire la leçon maintenant ! Elle sentit son sang ne faire qu'un tour et venir cogner contre ses tempes. Décidément, ce paysan lui tapait sur le système comme jamais une personne n'avait su le faire.
— C'est son nom... commença-t-elle en se contenant du mieux possible.
— Mais t'en fais-t'y donc po Sacrémort, l'interrompit Jondo. J'compte po farder ton canasson. J'vais y met' tout c'barda sur mon Éclair.
Retenant de peu une remarque sur son nom écorché à nouveau, Sagrymor se contenta de répéter :
— Éclair ?
— Et ouais ! Une b'en belle bête mon Éclair. Viens donc ! J'vais t'faire la présentation.
D'un geste de la main, il somma la chevalière de le suivre. Dubitative, elle lui emboita le pas. Il y avait après tout, une fosse à purin dans laquelle le fermier avait fait un plongeon la veille. Ce n'était donc pas étonnant qu'il possède une bête. Ce qui étonnait davantage Sagrymor était qu'elle n'avait rien entendu. Pas un hennissement, pas un ébrouement, pas un coup de sabot. Rien jusqu'au retour de Talion ce matin même.
Si Jondo avait finalement une noble monture, vive et puissante, comme le suggérait son nom, voilà qui serait un atout considérable pour leur quête !
Elle suivit Jondo jusqu'à l'arrière de la chaumière, sous une avancée de toit précaire, constituée de planches inégales et de paille macérée. Chacun de leur pas s'embourbait dans une mélasse brunâtre aux effluves particulièrement âcres. Sagrymor dégaina son bouquet aromatique et se le réinséra dans les narines tandis que Jondo ouvrait un panneau de bois faisant office de porte.
À l'intérieur, dans la semi-pénombre de cette petite annexe, se distinguait une créature. Ce n'était pas un cheval. Encore moins un étalon. C'était une chèvre.
Une vieille biquette grisâtre haute sur pattes, au teint aussi terne que le regard. Des touffes entières de crin manquaient à certains endroits de sa robe encrassée. Son poitrail paraissait puissant, mais son flanc laissait transparaitre ses côtes et ses hanches. Une seule corne noire et biscornue se dressait sur sa tête telle une girouette mal orientée. L'autre corne pendait au bout d'une corne usée autour de son cou. Un filet de bave coulait de sa bouche entrouverte sur une dentition aussi jaunie que celle son propriétaire.
— C'est ça « Éclair » ? parvint à souffler Sagrymor en évitant d'inhaler autant que possible la pestilence environnante.
Jondo se contenta d'opiner, un sourire aussi fier que niais en travers du visage. Sagrymor ferma les yeux, autant par douleur que par désespoir. Elle craignait déjà la réponse, mais elle devait savoir :
— Pourquoi, Jondo ? Pourquoi l'avoir appelé « Éclair » ?
— Bah pa'ce qu'son poil y est clair, t'vois ? fit-il en caressant l'animal, ratissant une nouvelle touffe de crins volatiles.
☆☆☆
Le soleil était déjà haut lorsque les deux compagnons d'infortune se mirent en route.
Jondo eut du mal à détacher son regard de sa chaumière et son champ. Ses sacs chargés sur le dos étonnamment résistant d'Éclair, il était resté un long instant sur le seuil de sa porte. Il caressait distraitement l'encadrement d'une main, tandis que ses yeux balayaient avec mélancolie le champ au loin.
Sagrymor avait patiemment attendu le fermier, respectant le silence dans lequel il s'était enveloppé. L'observant à distance, la chevalière fut presque touchée par la sincérité de la peine qui l'affligeait. Jondo ne laissait presque rien transparaitre, mais son regard valait toutes les larmes.
Elle se souvint l'émotion qu'elle-même avait ressentie lorsqu'elle avait quitté le monastère de l'Ordre des Chevaliers de l'Aube Rouge Écarlate. Elle y avait été déposée à la naissance et n'avait connu que l'univers sécuritaire niché au sein de ses murs. Lorsque dix ans plus tôt, elle avait dû laisser derrière elle ces murs, cela l'avait déchirée. La peur de l'inconnu s'était mêlée à l'excitation des quêtes à venir. Elle en avait été malade pendant des jours.
Après un ultime regard, Jondo se détourna de lui-même. Il donna un petit coup de brindille à sa chèvre qui supportait étonnement bien l'énorme charge sur son dos. Quatre énormes sacs en jute que son maître lui avait placé là, dans un équilibre précaire. Jondo guida Éclair jusqu'à Sagrymor, intégralement revêtue de son armure, aux côtés de Talion. Ce dernier avait conservé sur son dos la selle et les sacoches de voyage de la chevalière, ainsi que son bouclier qu'elle ne parvenait plus à porter en raison de son bras blessé.
Ensemble, et sans un mot, ils longèrent la rivière en direction du sud. À aucun moment, Jondo ne regarda en arrière.
☆☆☆
Malgré le retard pris au départ, ils avaient fait bonne route aux côtés de leurs montures. Jondo avait le pied ferme et une solide endurance. Il maintenait la cadence de Sagrymor sans peine.
Éclair s'avérait également bien plus en forme que de prime abord. La bête avançait sans broncher, sans jamais détourner le regard. Sa corne en collier balançait de gauche à droite à chacun de ses pas, dans un rythme d'une précision incroyable. Lorsqu'ils s'arrêtaient pour s'abreuver à la rivière, elle attendait. Là où Talion était distrait par quelque herbes bien vertes et grasses, Éclair, poursuivait son chemin, inlassable. On eût dit que l'animal était mort, mais qu'il n'en avait pas pris conscience.
Le silence se maintint toute la journée durant. Sagrymor, tous sens en alerte, n'avait rien fait pour tenter de le briser. Elle ne savait trop si c'était par prudence pour éviter tout danger ou pour s'épargner un nouveau mal de crâne.
Lorsque la nuit fut trop dense, ils s'installèrent à l'abri d'un sous-bois à proximité de la rivière. Jondo pêcha sans difficulté une belle truite avec un simple fil. Sagrymor s'en étonna.
— Vous m'aviez caché vos talents de pêcheur, dis donc !
— C'po mon truc la poiscaille, mais j'veux po trop y taper dans mes viatiques.
Sagrymor jeta un regard aux lourds sacs déchargés d'Éclair. Leur surface était parsemée de petits arrondis. Elle redoutait qu'ils ne soient intégralement emplis que de navets.
Ils partagèrent le poisson cru, Sagrymor refusant de faire un feu malgré l'incompréhension de Jondo. Ce dernier accompagna son plat de quelques navets, tout aussi crus. Cela ne semblait pas l'incommoder. Il en proposa à la chevalière, qui déclina poliment. Le fermier n'en fut nullement incommodé et refila la part de la chevalière à sa chèvre qui les dévora sans demander son reste.
Sagrymor monta la garde toute la nuit durant. Elle ne faisait pas confiance au fermier pour assurer une rotation. Depuis le temps qu'elle voyageait seule, elle s'était habituée à ne dormir que d'un œil. La fatigue s'accumulait, et les années passant n'arrangeaient cela en rien. Elle dormirait quand elle serait morte, se disait-elle en permanence.
☆☆☆
La nuit passa sans trouble. Toujours pas d'apparition divine pour Jondo, qui se réveilla avec de la mousse verte dans la bouche. Courtoisie de Sagrymor qui n'avait pas trouvé d'autre moyen pour faire cesser ses ronflements.
Ils échangèrent quelques mots en se remettant en route. Sagrymor, trop curieuse, tenta d'en savoir plus sur la raison de son départ volontaire la veille. Elle apprit que c'était l'Enfant-Rêveur qui l'avait menacé de détruire son précieux champ de navets s'il n'acceptait pas de suivre la chevalière.
Elle n'eut pas à cœur de lui avouer que les Dieux n'avaient pas ce genre de pouvoirs sur les éléments naturels. Cela était du ressort des esprits et des anciennes croyances. Quand bien même les Dieux auraient eu ce type de pouvoir, ils n'étaient actuellement guère en mesure de mettre ces menaces à l'œuvre. Ils n'avaient plus la force d'entreprendre quoique ce soit d'autre que la survie en ces temps obscurs.
Le mensonge pieux justifiait ici les moyens. Faute de mener, l'Élu suivait de son plein gré la quête qui lui avait été confiée et c'était là l'essentiel.
La journée se prolongea sans déconvenue, au rythme de l'eau qui s'écoulait dans la rivière et au son des sabots s'enfonçant dans les berges ensablées. De temps à autre, la rive se rétrécissait au profit d'une végétation dense, obligeant les voyageurs à contourner par les bois qui n'avaient eu de cesse de s'épaissir.
Le silence était toujours de mise, et semblait même s'être accentué depuis la veille. Aucun piaillement d'oiseau, aucun bruissement de feuillage au passage d'un animal fuyant. Rien. Les sens aiguisés de Sagrymor étaient à l'affût d'un bruit suspect et n'avaient pas remarqué l'étrangeté du silence. Lorsqu'un frisson lui parcourut l'échine, il était déjà trop tard. Elle n'eut pas le temps d'avertir Jondo qui se trouvait juste devant elle.
Alors qu'ils venaient de délaisser la rivière pour s'engouffrer à nouveau dans les bois, une silhouette surgit des fourrés.
À la lueur des quelques rayons de soleil qui perçaient la canopée, la pointe d'un carreau d'arbalète scintillait dans l'obscurité. Sagrymor n'eut guère le temps d'empoigner le manche de son épée qu'une voix trembla dans le sous-bois.
— Apsta-jies ! Nomiet irocus !
Au bout de l'arbalète de poing, une jeune femme, à peine plus âgée que Jondo à priori, se tenait devant eux. Elle arborait les marques des Maraudeurs : des scarifications rougeâtres aux formes arrondies sur la peau et un pentacle tailladé sur le front. Au travers de ses quelques mèches emmêlées et crasseuses, son teint luisait de lividité. Cela contrastait fortement avec la couleur pourpre de ses tatouages. Elle avait les yeux cernés, le regard fatigué et semblait affamée. En un instant, Sagrymor comprit qu'il y avait danger.
Les Maraudeurs ne se retrouvaient seuls que pour deux raisons : soit ils étaient mourants, soit ils passaient leur rite initiatique. S'ils survivaient à ce rite, en rapportant une forme de quelconque de gloire pour leur clan, ils devenaient un guerrier reconnu par tous. Dans un des cas, cette fille était seule, dans l'autre, son clan n'était pas loin.
Restait à savoir dans quelle catégorie se trouvait cette jeune femme.
Voici les choix pour le prochain chapitre. Vous pouvez choisir une réaction pour Sagrymor et une pour Jondo :
1. Sagrymor tente de calmer la Maraudeuse par la parole, bien qu'elle ne semble pas parler la même langue.
2. Sagrymor pousse Jondo pour éviter qu'il ne se prenne le carreau, quitte à se mettre en danger elle-même.
3. Sagrymor tire son épée pour attaquer, et prendre le risque que le carreau touche Jondo.
4. Sagrymor lève doucement les mains et demande à Jondo de faire de même.
A. Jondo ne fait rien, à son habitude.
B. (proposée par Chapent) Jondo râle et essaye de simplement contourner la Maraudeuse.
C. (proposée par Garnath) Jondo n'aime pas trop l'idée qu'on vienne menacer ses précieux sacs de navet. Il se prépare à attaquer cette intruse à grands coups de serfouette !
D. (proposé par DanielleLikhana) Jondo parvient, sûrement bien malgré lui, et Dieux savent comment, à charmer cette jeune femme...
5 ou E. Choix proposé(s) par les lecteurs (si vous proposez un autre choix un minimum cohérent dans l'histoire, je le rajouterai ici)
Fin des votes dimanche 11/10/2020 à 22h (UTC +2). Chapitre suivant le 14/10 au plus tard.
À vos votes !
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