Chapitre IX - Parle à mon cul, ma tête est malade

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Choix des lecteurs :

🏅Sagrymor décide de ligoter la maraudeuse et malgré ce qu'elle avait promis à Talion, de la placer sur son dos. Ils s'en vont tous ensemble, Sagrymor soutenant Jondo.

Tout était flou.

Cela n'avait jamais été très net dans sa tête, mais là, c'était comme si Jondo avait abusé de la gnole de navet. Il se rappelait avoir posé sa main sur le front de la maraudeuse et d'avoir suivi les directives de la chevalière. Puis tout se mélangeait sous un voile bleuté. Seul son corps se remémorait une souffrance comme jamais le fermier n'en avait ressenti auparavant.

Il se vantait d'être solide, de ne pas avoir mal facilement. Il n'avait jamais compris pourquoi d'autres créatures avaient le visage tordu lorsqu'elles étaient blessées. Il ne saisissait pas pourquoi ces êtres poussaient alors des cris à vous en décoller les tympans. Le choc en avait été d'autant plus violent. C'était donc ça la douleur.

Cette sensation de faiblesse absolue. Ces frissons de chaleur envahissants. Ce crâne qui se refermait sur les tempes, tel un étau. Ce sang qui pulsait dans les veines, propageant l'agonie dans chaque muscle tétanisé. Cette vue qui s'obscurcissait. Ces membres qui flanchaient et ces sons qui résonnaient au loin. Si loin.

La douleur avait été d'autant plus exacerbée par une autre sensation que Jondo ne connaissait pas, mais dont il avait déjà été témoin : la peur. La peur de mourir.

Ses paupières en frémissaient encore alors qu'il cherchait à les ouvrir. C'était un effort éreintant. Il se sentait si las. Faire le point sur ce qui l'entourait le fatigua davantage. Du vert se diluait dans des tons terreux. Des troncs d'arbres se dessinaient au-dessus, tandis que s'esquissaient des pierres aux côtés de sa tête. Avec peine, il entreprit de se relever. Un grognement s'échappa bien malgré lui et il vit aussitôt une silhouette s'approcher. Sagrymor.

La chevalière s'était allégée de son armure, mais son visage était empreint d'inquiétude. Elle sembla hésiter un instant, mais finit par poser sa main délicatement sur l'épaule du paysan.

— Ne bougez pas. Vous êtes encore affaibli.

Jondo secoua la tête et la releva brusquement.

— Mes navets ? s'écria-t-il.

Face à lui, le visage de Sagrymor s'illumina d'un sourire épuisé.

— Vos navets n'ont rien, voyez.

En suivant le doigt tendu de la chevalière, le regard de Jondo se posa un peu plus loin sur Éclair. La bête portait toujours sur son dos le lourd chargement du fermier.

— Il semblerait que votre étrange chèvre se prenne pour un chien de garde, s'amusa Sagrymor. Elle n'a pas quitté notre invitée des yeux depuis que nous nous sommes arrêtés ici.

En effet, devant l'impassible Éclair, Jondo aperçut une autre silhouette. Cette dernière était camouflée par l'épaisse ombre que projetaient les arbres en cette fin de journée, mais Jondo la reconnut sans mal : la maraudeuse.

Elle remuait comme un poisson pris dans un filet et mugissait tel un cerf en rut. La vue de Jondo se rétablissant petit à petit, il parvint à distinguer la corde qui enlaçait la jeune femme et le bâillon bien enfoncé dans sa bouche.

— Qu'est-ce c'est-y qu'elle fout z'y là, c'te folingue ? C't'elle qui m'a tirée d'ssus ! Pis qu'a usé d'une foutredieux d'diablerie sur moi !

— Pas de blasphème Jondo ! le menaça Sagrymor en levant la main.

Jondo ignora l'avertissement et poursuivit dans son affolement :

— Pourquoi c'est-tu donc qu'tu l'as pas bigornée et laissée pourrir dans ses fourrés ?

— Ce ne serait pas moral Jondo. Elle a beau avoir attenté à votre vie, une fois inconsciente et inoffensive il m'était impossible de la tuer. Cela va à l'encontre des valeurs de ma Déesse et de mon ordre.

— Mais bon sang ! Elle a ben tenté de m'y refroidir tout d'même !

— Allons, cette blessure ne parait même pas vous affecter, fit Sagrymor en désignant l'épaule du fermier.

Le carreau d'arbalète avait disparu. Au lieu de cela, Jondo reconnut les restes d'une de ses vieilles chemises dont il avait fait des bandages pour la chevalière. Il sentait une certaine gêne, mais rien d'aussi douloureux que ce qu'il venait de vivre. Sagrymor sembla avoir suivi son raisonnement et poursuivit :

— Ce n'est pas le carreau qui vous a affecté, mais bien ce qui s'est passé lorsque vous avez posé votre main sur le front de cette fille. Et je ne pense pas qu'elle y soit pour quoi que ce soit...

La chevalière s'empara du poignet droit de Jondo et observa l'heptagramme taillée dans la paume. Son regard se voila de tristesse l'espace d'un instant.

— J'espère que l'Enfant Rêveur viendra vous visiter cette nuit. Nous avons cruellement besoin de réponses concernant les pouvoirs que renferme cette étoile.

Sagrymor termina sa phrase en un soupir, se releva et délaissa Jondo. Elle s'installa à quelques pas, au bord d'un petit trou creusé à même la terre d'où une timide flammèche venait lécher l'air nocturne. Le soleil avait disparu derrière les branches, laissant place à un ciel de nuages noirs aux remous fantomatiques. La fumée du feu se perdait dans l'obscurité. La faible lueur parvenait tout juste à éclairer leurs visages.

La nuit tombée, la forêt se réveilla. Tout autour, les hululements firent écho aux bruissements de feuilles portées par le vent. Le craquement d'une brindille écrasée par une patte égarée était vite interrompu par la friction d'une griffe affamée. Seul le mugissement constant de la maraudeuse venait briser la mélodie agitée de la nature.

Jondo la dévisagea. La fille donnait des coups de tête virulents vers Éclair. La chèvre unicorne, en parfaite opposition, ne lui consacrait qu'un regard morne dont elle avait le secret, tout en mâchouillant nonchalamment un brin d'herbe.

La maraudeuse prenait visiblement cette impassibilité comme une provocation. Tous ses muscles étaient tendus et saillaient à travers sa peau. Elle s'épuisait contre ses liens, à tel point que ses nombreuses scarifications, en cercles de toutes tailles, rougissaient sous l'effort. Certaines s'entrecoupaient ou s'imbriquaient les unes dans les autres. Son œil droit était d'ailleurs emprisonné dans l'une de ses grandes cicatrices, dont la coupure longeait l'aile du nez.

Son teint paraissait bien plus vif et sain que lors de leur rencontre quelques heures auparavant. La sueur qui perlait de son front et du côté droit de son crâne, entièrement rasé, brillait sous la lumière orangée du feu. Sur la gauche de sa tête, les mèches de sa longue tonsure brune venaient se coller aux habits de cuir détrempés.

De toute cette scène de furie enflammée, ce sont les yeux de la maraudeuse qui captivèrent le plus Jondo. Ils étaient d'un noir abyssal, sans l'ombre d'une étincelle. Une noirceur dans laquelle s'agitaient des tourments insoupçonnables, à l'instar du ciel orageux au-dessus de leurs têtes. Le paysan était bien incapable de mettre des mots pour définir ce regard, mais il le ressentait au plus profond de son être.

Toutes ces nouvelles sensations l'épuisaient. Qu'est-ce qu'il regrettait déjà son chez lui !

Sagrymor capta son regard. Elle le somma de se rallonger et de dormir. Il ne se fit pas prier.

***

— Jon...

Devant le fermier se tenait Elpos, le dieu enfant. Il avait les yeux fermés et se pinçait l'arête du nez à s'en faire blanchir le bout des doigts.

— Jon, Jon, Jon...

Le jeune paysan allait pour ouvrir la bouche, mais il fut aussitôt arrêté par un brusque geste du garçon.

— Non ! Laisse-moi deviner : tu ne te souviens de rien, c'est ça ?

Jondo referma la bouche et avec hésitation secoua légèrement la tête.

— Mais bordel de dieux ! Fais un effort, on va jamais s'en sortir là !

— Blasphème... murmura Jondo

— Quoi ?

— C'que t'as dis là, c't'un blasphème et c'po b'en y parait-il.

Un éclair sembla traverser le ciel d'azur qui était enfermé dans les prunelles de l'Enfant Rêveur.

— Foutue tête de navet ! tonna le garçon d'une voix bien trop puissante pour un gamin de cinq printemps. C'est la quatrième fois que je te rends visite. La quatrième ! À chaque fois, je te répète les mêmes choses et à chaque fois, t'oublies tout ! T'as été fini à l'alcool et la pisse pour avoir aussi peu de jugeote, c'est pas possible !

Jondo fit une moue. Il hésita à répliquer, mais intimidé par cette voix caverneuse, il se contenta de marmonner entre ses dents et de détourner le yeux. Elpos vint se placer juste sous son regard et claqua des doigts pour le rappeler à l'ordre.

— Écoute bien mon gros bouseux, et grave ça quelque part au fond du tas de fumier qui te sert de cervelle : barrez-vous. Le temple est compromis. Dis à Sagry qu'il faut que vous partiez au nord, pas au sud. Il n'y a plus rien par là. Les moines de Phylae survivants n'en ont plus pour longtemps, vous ne pourrez rien pour eux. C'est bon t'as pigé cette fois ? Nord ! Pas le sud ! T'arriveras à répéter mon grand ?

Le ton narquois du gamin ne lui plut pas du tout, mais Jondo hocha la tête bien malgré lui.

— Extra ! la voix d'Elpos reprit son timbre fluet et candide. Bon, maintenant, explique-moi c'est quoi ça.

De son petit doigt, il désigna le bandage à l'épaule du fermier.

— C'est l'aut'fille là qu'm'a plantée.

Devant le regard interrogateur de l'Enfant Rêveur, Jondo se lança dans l'explication du peu qu'il avait compris : la maraudeuse malade, l'apparition de son pouvoir de guérisseur qui avait bien failli le tuer et la capture de la jeune scarifiée par Sagrymor, qui n'avait pas voulu l'achever.

— Bon, ce n'est pas très malin de vous encombrer d'une maraudeuse, mais on ne pourra rien y faire. Sagry est une disciple de Virtae et elle ne tuera jamais sans honneur. Pis, si vous la relâchez maintenant, vous allez avoir tout son clan aux fesses. C'est ce qu'a dû se dire Sagry...

L'enfant fit une pause, comme s'il réfléchissait à la situation, puis reprit de plus belle, l'air de rien :

— Ce qui est extra, c'est que ça y est ! Tes pouvoirs se réveillent ! Même si ta mémoire de merlan frit ne fonctionne pas, ton instinct comble ton manque d'intelligence. C'est excellent !

— Mouais, 'fin ça m'fait un mal de chien vot' diablerie là.

— C'est pas faute de te l'avoir répété Jon. On t'a filé une partie de nos pouvoirs, mais on parle de pouvoirs divins là, hein ? Pas d'un lapin sorti du cul d'un lépreux, hein ? C'est puissant ces choses-là, tu sais ? Même pour un gars aussi solide que toi ! Alors leur utilisation t'en coûtera d'une manière ou d'une autre...

Jondo resta impassible.

— Bon ! J'ai compris ! s'agaça de nouveau Elpos. On reprend, pour la quatrième fois ! Ouvre bien les feuilles de navet qui te servent d'oreilles Jon. Les pouvoirs qu'on t'a filés sont...

***

— Jondo ! Réveillez-vous, on y va.

Sagrymor était penchée au-dessus du fermier et le secouait avec douceur. Les rayons du soleil avaient à peine débuté à transpercer la nuit. Une nuit qui avait été longue et éprouvante pour la chevalière.

La douleur s'était accentuée tout au long de sa garde, tel un poison qui s'écoulait lentement dans les veines. Elle avait senti ses forces la quitter petit à petit, cédant à une fièvre pugnace. Plusieurs fois, elle avait piqué du nez, bien malgré elle. Par chance, le ciel était resté voilé toute la nuit et pas une goutte de pluie n'était tombée. Cela lui permit de risquer un petit feu afin de se réchauffer tant bien que mal.

Au petit matin, elle se sentait nauséeuse. Tout juste sur pied, elle eut un haut-le-cœur et se retint avec peine de rendre son maigre repas de la veille. Jetant un œil sous le bandage, c'est avant tout une odeur putride qui l'accueillit. La plaie commençait à pourrir. Elle n'avait pas su endiguer l'infection.

La chevalière avait utilisé son dernier bandage pour soigner le fermier. Sa blessure macérait donc depuis plus d'un jour dans la sueur, le sang et le pus. Sous son armure revêtue avec peine, Sagrymor sentait la glaciale sudation perler le long de ses membres frissonnants. Si elle voulait s'en tirer et poursuivre sa quête, elle allait devoir guérir, et vite.

Elle refusait toutefois de demander l'aide de Jondo. Il avait certes soigné la maraudeuse sans le vouloir, mais à quel prix ? Le voir souffrir de la sorte lui avait retourné l'estomac. Qui sait s'il n'aurait pas de séquelles ou si un usage répété ne le tuerait pas ? Non, il valait mieux reprendre le chemin au plus vite afin d'atteindre le temple de Phylae.

Toute la nuit, elle n'avait cessé de prier les Dieux pour que le monastère ait été épargné et que des prêtres de la Déesse de la Guérison puissent la sauver. Par acquit de conscience, elle demanda au fermier si l'Enfant Rêveur l'avait visité dans ses songes. Jondo avait hésité un instant, mais avait finalement avoué n'avoir aucun souvenir d'un quelconque rêve.

La maraudeuse s'était évanouie de fatigue au cours de la nuit. Bien qu'elle ne fût pas bien lourde, Sagrymor poussa un grognement lorsqu'elle la souleva pour la coucher en travers de Talion. Le baume cicatrisant avait fait des merveilles pour l'animal. Sa plaie paraissait saine et en bonne voie de guérison. Il semblait aussi récupérer de sa vigueur. La chevalière s'en réjouit.

Sagrymor reboucha ensuite le trou où il ne restait que des cendres et effaça du mieux qu'elle put leurs traces au moyen d'une branche feuillue. Ils reprirent alors leur chemin vers le sud, en longeant toujours la rivière.

***

La journée de marche fut pénible pour Jondo.

Il ne dormait pas bien depuis quelques jours et le réveil avant les aurores ce matin-là n'avait rien arrangé. En ouvrant les yeux, il avait voulu contester auprès de la chevalière, mais un coup d'œil à son visage l'avait fait taire. Elle avait vraiment une sale gueule. Sûrement avait-elle, elle aussi, mal dormi, se dit Jondo.

Leur route avait été lente et laborieuse. La maraudeuse s'était vite réveillée et ne cessait de s'agiter. Malgré quelques bousculades de la part de Sagrymor, elle se démenait comme une diablesse. À bout de nerfs, la chevalière finit par l'assommer d'un violent coup de poing en travers de la mâchoire.

Instinctivement, Jondo caressa sa joue mal rasée. Son oreille résonnait encore des coups que Sagrymor lui avait affligés lors de leur rencontre, mais au moins ses hématomes semblaient désenfler.

Lorsqu'ils aperçurent de la pierre entre les branchages, le soleil n'était qu'au trois quarts de sa course. Sagrymor qui soufflait bruyamment depuis un moment déjà et transpirait à grosses gouttes fit signe de s'arrêter. Jondo en déduit qu'ils étaient arrivés. Ces pierres devaient être les murs du fameux temple qu'ils cherchaient.

Le fermier sut qu'il aurait dû se réjouir. Si c'était là l'enjeu de leur voyage, il pourrait bientôt rentrer chez lui. Pourtant, une étrange sensation faisait hérisser les poils de sa nuque. Le regard souriant de la maraudeuse, à nouveau éveillée, mais anormalement calme, n'aidait en rien.

Voici les choix pour le prochain chapitre. Vous pouvez en choisir 2, un pour ce qui se passe dans ce fameux temple et un pour la réaction de notre équipe de champions :

1. Les forces démoniaques ont envahi le temple.

2. Les maraudeurs ont envahi le temple.

3. Le temple est désert, mais un danger rôde...

4. (Proposée par DanielleLikhana) Le temple est envahi par des plantes.

5. (Proposée par LuizEsc) Le temple paraît normal, les prêtres les accueillent, mais en réalité, ils ont été corrompus !

6. Choix des lecteurs (si vous proposez un autre choix un minimum cohérent dans l'histoire, je le rajouterai ici)

A. Fuir, malgré l'état de Sagrymor (en abandonnant la maraudeuse ou non, à vous de me dire !).

B. Inspecter le temple tous ensemble et avec prudence.

C. Envoyer la maraudeuse en éclaireuse, tout en la gardant en joue avec sa propre arbalète, bien caché dans les sous-bois.

D. Choix proposé(s) par les lecteurs (si vous proposez un autre choix un minimum cohérent dans l'histoire, je le rajouterai ici)

Fin des votes dimanche 25/10/2020 à 22h (UTC +2). Chapitre suivant le 28/10 au plus tard.

À vos votes !

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