Chapitre III - Observer de loin

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Égalité !

"Attendre et observer" a cependant obtenu ses votes en premier.

🏅Toujours aussi impassible, Jondo préfère rester où il est et voir comment la chevalière s'en sort. Au besoin, il agira, mais qu'en dernier recours.

Les diablotins heurtèrent la chevalière avec la puissance d'un ressac.

En un battement de cil, ils étaient partout. Leurs cris hystériques caquetaient de toute part en une véritable cacophonie étourdissante. Ils agrippaient, mordaient et lacéraient sans aucune distinction. Sagrymor en vit un fermer sa mâchoire sur le bras maigrelet d'un autre, qui lui-même éventrait de sa deuxième main, un de ses voisins lui barrant le chemin.

Depuis son arrivée dans les terres du Valvert, Sagrymor n'avait eu de cesse d'affronter ces petites saloperies stupides et vicieuses, mais c'était la première fois qu'elle en voyait autant réunies. Sûrement avaient-ils été attirés par la désignation de l'Élu.

À cette pensée, et entre deux coups d'épée, Sagrymor jeta un œil en arrière. À travers une main griffue et une gueule béante se précipitant sur elle, elle aperçut le fermier. Les joues cramoisies, appuyé sur son outil, il n'avait pas bougé de son emplacement plus haut sur la colline. A priori, aucun diablotin ne s'intéressait à lui pour le moment.

Le nombre était la force de ces petites créatures démoniaques. Pas l'intelligence. Ils se ruaient sur la première proie en vue, sans stratégie aucune si ce n'est le déferlement en masse. Sagrymor le savait bien et faisait de son mieux pour ne pas se retrouver submergée. Sa lame fauchait de part en part, laissant dans son sillage une vague de sang noir, une averse de viscères arrachés et une pluie de membres estropiés.

Elle utilisait tout autant le tranchant de son écu pour briser les jambes de ses adversaires que sa surface pour repousser leur progression. Les corps s'accumulaient à ses pieds. Ses manœuvres étaient de plus en plus limitées et son équilibre précaire.

À un moment, son bouclier resta fiché dans un pelvis. Afin d'éviter que son bras ne fût arraché, elle dut l'abandonner. Le balancement de l'épée avait fatigué son bras droit, aussi profita-t-elle d'une brève accalmie pour inverser son arme. Elle s'empara de la lame de ses deux mains gantées et se servant de la garde comme d'un marteau, elle entreprit de fracasser tous les crânes à portée.

Une enfance entière à s'entraîner au monastère des Chevaliers de l'Aube Rouge Écarlate. Des années d'apprentissage pour acquérir les parfaites techniques de combat transmises depuis la nuit des temps par les premiers chevaliers de l'Ordre et perfectionnées pendant les décennies qui suivirent. Des années de souffrance à parfaire et intégrer chaque position, chaque mouvement. Des années d'acharnement pour savoir déceler les infimes signes de l'adversaire, à anticiper le moindre de ses gestes. Des années d'abnégation pour que son corps développe une intelligence propre, un réflexe martial des plus aguerris afin de pouvoir contre-attaquer en un éclair. 

Tout ça pour rien.

Tout ça pour en arriver à ce moment de boucherie. Un carnage chaotique. Aucune allure, aucun style, aucune technique. Un simple bras de fer de nombre contre force. De sauvagerie affamée contre volonté de survivre.

Gravissant les corps morts ou vivants de ses frères dans la plus grande indifférence, un des diablotins sauta sur le visage de Sagrymor. La dernière chose qu'elle vit fut ces petits yeux noirs vicieux surplombant une gueule de crocs acérés.

Aveuglée, elle ressentit davantage encore toutes ses griffes qui cherchaient frénétiquement une faille dans son armure. Sa seule défense. L'unique frontière entre la salvation et une mort affreuse. Sans cette armure intégrale, elle n'aurait pas survécu plus de deux battements dans cette marée enragée de corps entremêlés.

Pourtant, les grattements métalliques et les dents grinçantes sur l'acier étaient insoutenables. Sagrymor se sentait prise au piège, cloîtrée dans un sarcophage de fer exigu, sans aucune échappatoire possible. Déjà, elle éprouvait les griffes qui s'immisçaient dans les creux et jointures de l'armure. Cette protection serait à la fois son tombeau et le plateau éventré sur lequel son corps serait offert en pâture.

Sagrymor sentait à divers endroits, la chaleur de son sang se mêler aux ruisseaux de sueur. Sa mâchoire crispée lâcha un premier cri. Quelque chose venait de s'enfoncer profondément dans l'interstice de sa cubitière, perforant sûrement de part en part son coude gauche. Une griffe avait également trouvé une faille à l'arrière de son épaule droite. En un mouvement sec, Sagrymor arracha la dague naturelle du doigt de son porteur qui hurla à son tour. La griffe, elle, resta fichée juste au-dessus de l'omoplate de la chevalière exténuée.

Sans savoir comment, la créature sur sa tête était morte. Son cadavre glissa du heaume, permettant à Sagrymor d'y voir clair à nouveau. C'était comme une bouffée d'air. Une renaissance. Elle était en vie !

La vue troublée par les mélanges de liquides, elle réalisa enfin l'ampleur du charnier autour d'elle. Les diablotins n'étaient plus si nombreux. Toutefois, elle s'était bien écartée du sommet de la colline. Plantant son poing ensanglanté dans la face d'une des rares créatures encore debout, la chevalière chercha le paysan du regard.

Son cœur s'arrêta un instant.

Une dizaine de diablotins, sûrement moins stupides que tous leurs congénères morts, s'étaient lancés à l'assaut du fermier.

Sagrymor grogna. Elle n'arriverait pas à temps pour intervenir. Alors, elle siffla trois fois.

☆☆☆

Jondo ne savait pas quoi penser de tout ça.

Autant l'image de cette grande femme chargeant l'ennemi, lame tirée, avait créé au fond de lui une certaine émotion. Autant la suite le laissait dubitatif. On eût cru un animal malade se démenant avec obstination contre une bande de rats affamés. C'était moche à regarder et d'une certaine manière assez pitoyable.

Il se dit qu'il avait bien fait de rester là, à observer. Il n'aurait voulu participer à ce bain de sang pour rien au monde. Non pas que ça le dégoûtait ou l'effraie, puisque rares étaient les choses pouvant lui faire sentir une aversion ; non, c'était tout simplement de l'ennui.

Trop d'énergie dépensée pour rien.

Lassé du spectacle et voyant que la chevalière allait sûrement succomber au même titre que les quelques monstres restants, Jondo tourna les talons, prêt à partir. La journée était bientôt finie et il avait à peine entamé le désherbage du champ !

Ce fut à ce moment que certaines créatures le remarquèrent. Non pas qu'il ait cherché à se cacher, mais soit elles ne voyaient pas clair, soit elles l'avaient juste ignoré depuis tout ce temps.

Elles s'élancèrent et en quelques battements, ne furent plus qu'à quelques pas. Se mettre à l'abri n'était plus une option. S'enfuir non plus, elles étaient bien trop rapides. Une inquiétude comme Jondo n'en avait jamais ressenti, germa en lui.

Trois sifflements, suivis presque aussitôt par un bruit de sabot derrière lui, l'extirpèrent de sa stupeur. Le cheval noir ébène de la chevalière, qui avait disparu depuis que la foudre était tombée, déboula de nulle part. Il soulevait de grosses mottes de terre à chacun de ses pas.

L'animal chargea les diablotins sans une once d'hésitation. Deux créatures furent aussitôt piétinées, leurs cages thoraciques cédant sous le poids de l'équidé. Une troisième fit un vol plané de vingt pas avant d'atterrir dans un craquement sourd, qui ne laissa aucun doute quant à l'angle mortel de sa nuque. Le cheval roua les monstres restants d'une série de coups de sabot, brisant les ossatures telles des brindilles.

Les diablotins tentèrent une vaine résistance. L'un d'eux parvint même à entailler assez profondément la croupe de l'animal avant qu'une ruade lui fasse ravaler l'intégralité de ses crocs et sa mâchoire en prime.

Seule une des créatures échappa à la tornade noire. Le diablotin se précipita sur Jondo, qui ne sachant quoi faire d'autre, leva sa binette et chargea.

À dix pas, la créature sauta. Jondo agita son arme improvisée pour que les deux pics servant à déraciner les mauvaises herbes soient pointés vers la bête.

L'impact fit tomber Jondo à la renverse. Les griffes du monstre se refermèrent sur son bras droit, tandis que les pics de la binette s'enfoncèrent dans le petit torse du diablotin. Sa mâchoire tremblota un instant, se rapprochant du bras, pour en mordiller ne serait-ce qu'un morceau. Puis le monstre se dissolut dans les airs en un nuage de cendres. Comme si un feu intérieur sans flamme l'avait consumé en un instant.

Il n'en restait rien.

Jondo graillonna en se relevant. De la cendre était tombée dans sa bouche et le goût était atroce.

— Y'est allé jusqu'à m'y pourrir l'fond d'ma glotte c'te raclure d'bidet !

☆☆☆

— De rien, hein ! clama Sagrymor en claudiquant tant bien que mal le long de la colline.

Elle avait le souffle court, le bras gauche tout engourdi à partir du coude et atrocément mal au niveau de son omoplate droite. Un sillage noir et visqueux teintait l'herbe derrière la chevalière.

Sagrymor avait tout suivi de loin et malgré sa raillerie, elle était stupéfaite.

D'abord par la puissance de cet outil dérisoire que les dieux avaient dû bénir en une arme de destruction absolue. Son pouvoir était terrifiant.

Mais surtout, stupéfaite de ce fermier : il n'avait pas tremblé. Il avait chargé le diablotin sans une once de peur sur le visage.

Talion vint frotter son nez contre sa main ensanglantée. Elle le caressa distraitement en vérifiant sa blessure à la croupe. C'était superficiel, il boitait pour se faire plaindre comme il aimait le faire si souvent. Néanmoins, il vaudrait mieux l'épargner le temps qu'il se rétablisse.

Sagrymor se retint de le gronder pour s'être enfui suite au coup de tonnerre. C'était la seule phobie du cheval, elle ne le savait que trop bien.

Sa monture avait su rappliquer lorsqu'elle avait sifflé, risquant sa peau pour sauver ce gueux. C'était l'essentiel. Elle soupira et le gratifia d'une petite tape.

Reportant son attention au fermier, elle réalisa que ce dernier prenait congé, l'air de rien !

— Hé ! Non mais vous allez où comme ça ?

— M'casse ! répliqua-t-il sans se retourner.

— Ah non mais non ! Vous êtes l'Élu, oh !

— M'en cogne les meules ! fit-il en accompagnant ses mots d'un geste vulgaire du bras.

— Mais attendez voyons ! rétorqua Sagrymor en le poursuivant sur l'autre versant de la colline.

Devant, le fermier s'arrêta subitement. L'arrêt était trop brusque. Cela déstabilisa Sagrymor qui s'immobilisa à son tour, les sens en alerte.

Rien. Elle ne perçut rien aux alentours de particulier. Seul un champ à flanc de colline, un peu plus en contrebas, juste avant la rivière qui bordait la butte. Le terrain semblait avoir été piétiné lourdement par... des sabots.

Le fermier se retourna. L'impassibilité dont il avait fait preuve jusque-là avait fait place à un visage déformé par une haine viscérale. Les veines gonflées, les doigts blanchis autour de son arme agricole divine, Sagrymor entendit ses dents grincer d'où elle se tenait.

La foudre, Talion qui s'enfuit, le champ saboté. Tout ça ne faisait qu'un.

Le fermier était désormais plus dangereux qu'il ne le réalisait lui-même. Talion était en danger, peut-être même elle aussi.

Il fallait agir. Vite.

Voici les choix pour le prochain chapitre :

● Sagrymor tente de calmer Jondo par la parole, en gardant ses distances pour éviter de se faire pulvériser par cette arme incongrue.

● Sagrymor claque la croupe de Talion pour l'ordonner de fuir, quitte à attirer sur elle la fougue du fermier.

● Peu confiante et fatiguée, Sagrymor se positionne entre Jondo et Talion, faisant barrage de son corps. Elle ne souhaite pas blesser l'Élu de son arme, mais se prépare à tout.

● Sagrymor commence à en avoir ras-le-bol ! Elle tire à nouveau son épée ensanglantée pour tenter de désarmer l'Élu et s'emparer de sa binettte magique. Si c'est bien l'Élu, il saura se défendre et sinon elle relèvera la mission divine. (Choix plus radical donné par Garnath)

● (proposée par DanielleLikhana) Malgré les blessures de Talion et l'état de Sagrymor, cette dernière tente de monter à cheval afin de fuir pour le moment.

● (proposée par coolcamomile) Sagrymor décide de sortir sa binouze (dont ne sais où !) et de se soûler la gueule parce que les dieux font chier.

● Choix proposé(s) par les lecteurs (je veux vous donner plus de pouvoir 😊 si vous proposez un autre choix un minimum cohérent dans l'histoire, je le rajouterai ici)

Fin des votes samedi 19/09/2020 à 22h (GMT +2). Chapitre suivant le 23/09 au plus tard.

À vos votes !

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