J'ai été jeune, moi aussi, tu sais.

Et con, oui. À peu près autant que toi.

Je l'ai cru, tout ça, à l'époque. Ce que disent tous ces gens très excités du haut de leurs estrades.

Comme quoi les choses sont simples. Que les problèmes de la Terre, et de ta vie, sont tous causés par telle ou telle catégorie de gens.

Que le Mal existe. Qu'il a un nom, un visage. Et qu'on peut le frapper.

Alors j'y suis allé. J'ai suivi les harangues. On est tellement heureux quand on pense soudain avoir tout compris. On a l'impression de voler. Jusqu'au bout du monde. Dans les villes qu'arpentait le Christ quand il était parmi les hommes. Là où la Terre elle-même est Sainte.

J'y suis allé dans la joie de la mission, avec la certitude du Juste. Pas pour la richesse, ni même pour la gloire. Pour le Bien, pour les autres. Pour sauver le monde l'épée au poing.

Tu vois où je veux en venir ? Tu imagines bien que je n'ai rien trouvé là-bas, ni gloire ni richesse, et encore moins de Bien. Mais j'ai gagné quoi alors ?

Je vais te le dire : du sang. Du sang frais ou chaud. Vieux et noirâtre, ou juvénile, pur comme une source de montagne. Du sang de guerrier. Du sang de citadin. Du sang que les larmes ne diluaient pas, mais épaississaient plutôt, au milieu des supplications de miséricorde. Du sang par bouillons, du sang par flots.

Du sang jusqu'à en gerber.

     CHEVALIER LAROUILLE

          SAISON 2

          2018