1: Messe rouge
Les mains brandirent haut le calice. Le récipient de fer, encrassé de marc séché, refléta les lueurs instables des lampes à huile éparpillées sur l'autel. Les points scintillants formaient d'étranges constellations sur ce firmament noir et pourpre.
"De même à la fin du repas, il prit la coupe, en te rendant grâce il la bénit."
La voix du prêtre se propagea lentement dans l'édifice, atteignant chaque rang de l'assemblée l'un après l'autre. Têtes baissées, les fidèles répondirent à la récitation. Leurs prières se confondaient en une rumeur sourde.
"...hé... haa...haar... Hooo..."
Un épais tonneau trônait au milieu de l'estrade formant le chœur de l'église. Quatre lampes posées à chacun de ses points cardinaux en illuminaient les flancs, inscrits à la craie de psaumes en latin, d'une écriture hésitante et hachée. Quelques mouches tournoyaient autour du sommet. Le couvercle ouvert laissait entrevoir un liquide épais, sombre, à la surface duquel quelques îlots de moisissures dérivaient mollement.
Le prêtre se présenta face à la barrique. Les flammèches éclairèrent sa robe tachée de mauve. Son visage restait voilé dans la pénombre de la pièce. Il tint un instant la coupe à bout de bras devant lui, laissant la rumeur exaltée s'éteindre progressivement dans son dos. Puis il plongea le calice tout entier dans le liquide. Il le ressortit, se retourna, et le présenta à la salle, ruisselant. Le haut de ses manches collait à ses avant-bras.
"Tu es béni, Dieu de l'Univers, toi qui nous donnes ce vin, fruit de la terre et du travail des hommes. Nous te le présentons, il deviendra le vin du Royaume éternel."
A nouveau, un murmure fervent lui répondit.
"...hé... haa...haar...haar... ...hé...haar... hooo...."
Le prêtre reposa le récipient sur l'autel. Un fin cercle pourpre se forma autour de la base sur la nappe de bure. L'officiant observa la salle, sa noirceur sans fenêtres ; le bâtiment de bois tenait plus de la grange que d'un véritable lieu de culte. Il leva sa main droite vers la congrégation, et écarta les doigts avec lenteur. Le silence se fit soudain absolu.
Sa paume se couvrait d'un entrelacs inextricable de cicatrices sur cicatrices. Une large boursouflure, mosaïque de blanc et de rose, déformait la chair au centre de la toile de scarifications. Quelques entailles récentes étaient encore encroûtées. Du pus suintait par les plus profondes.
La main gauche saisit un couteau, faisant racler l'acier sur l'autel, et en amena la pointe vers l'amoncellement de tissus meurtris. Le prêtre poursuivit son geste sans temps d'arrêt, sans marquer la plus courte hésitation. Le métal pénétra sous la peau, ajoutant une marque à l'enchevêtrement douloureux. Les doigts se serrèrent.
"Prenez, et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang."
"...hé... haa...haar...hoir... ...hé...hoir... fooo...."
Une goutte vermeille apparut au bas de son poing. Elle se détacha, et s'abîma dans le vin du calice. L'officiant pressa plus fort sur la coupure, et d'autres larmes rouges vinrent troubler la surface sirupeuse.
"Le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés !"
"...hé... haa...hoir...hoir... ...hé...hoir... hou hooo !"
L'agitation des fidèles montait en un crescendo extatique. Le prêtre saisit de nouveau la coupe, et la levant au-dessus de sa tête, couvrit une dernière fois de sa voix le chant des fidèles.
"Le Sang du Christ. Versé pour vous."
Le tumulte de la pièce enfla comme une tempête.
"...hé... haa...hoir...hoir... ...hé...a hoir... hou fooo !"
"...sé... a hoir hoir hoir... ...sé... a hoir... nou fooo !"
"...sé... à hoir à hoir à hoir... ... sé... à hoir qu'il nous faut !"
"c'est... à boire à boire à boire, c'est à boire qu'il nous faut !"
"C'EST À BOIRE À BOIRE À BOIRE, C'EST À BOIRE QU'IL NOUS FAUT !!!"
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