30 janvier 2011

- Nous allons embarquer dans une heure, faites ce que vous voulez mais soyez à l'heure sur le bon quai, annonça Speaks, en s'éloignant avec les autres entraineurs.

Les quatre recrues restantes, Julian, Caleb, Kim et Nastia échangèrent un regard réjoui. Ils se trouvaient à Londres, à l'aube du quatre-vingt-quinzième jour du programme d'entrainement. Il ne leur restait plus que cinq jours ! Ils avaient été autorisés à se laver un minimum avant d'aller l'avion vers leur destination pour ne pas attirer l'attention. Vêtu en civils, ils avaient l'air de jeunes comme les autres. Qui aurait pu penser qu'ils revenaient tout droit de l'enfer et étaient rompus aux méthodes de survie ?

Mackenzie avait quitté le programme peu de temps après Lou. Etre sans binôme était beaucoup trop dur pour elle, sans le soutien moral de son ami. Une mauvaise chute et une dispute avec Speaks n'avaient rien arrangé. Seule la moitié avait survécu à l'entrainement. Du moins, pour le moment, tout n'était pas encore terminé.

Nastia se faisait une joie de prendre l'avion. Son seul souvenir remontait plus de deux ans auparavant, où de Londres, elle avait pris avec son père et sa sœur l'avion pour se rendre en Pologne. A cette époque, elle était maussade, triste de quitter sa grande maison pour aller vivre dans un pays inconnu. Sa sœur, Yulia, avait été plus optimiste qu'elle mais avait rapidement déchanté en arrivant.

Yulia avait toujours été plus joviale que Nastia, plus extravertie, tandis que sa sœur était plus facilement capricieuse. La Russe avait le sentiment d'avoir beaucoup changé en deux ans, surtout depuis son arrivée à CHERUB en fait. Elle se sentait plus sûre, plus mature ; cela lui procurait un sentiment étrange.

Les familles réunies dans l'aéroport, certaines se séparant, d'autres se retrouvant, lui avaient souvent provoqué de l'émotion. Depuis qu'elle avait perdu son père, voir des enfants avec leurs parents était une épreuve pour elle. Maintenant, grâce à CHERUB, Nastia en souffrait moins, comme si ses amis avaient compensés ce manque. Néanmoins, la fillette s'efforçait de ne pas trop regarder les passants, qui lui semblaient comme étrangers avec les cent jours traversés. Depuis le début du programme, elle n'avait pas eu le temps de véritablement penser et se retrouver ainsi désœuvrée, à peu près propre dans un endroit civilisé lui procurait un sentiment étrange.

En passant devant des vitrines de magasin, Nastia s'arrêta net devant son reflet. Elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de se regarder dans la glace depuis le début du programme et elle eu du mal à se reconnaitre. Le reflet renvoyé était celui d'une fille fatiguée, mais moins frêle qu'avant. La fillette restait très fine mais elle se sentait moins faible et avait le sentiment de faire plus âgé. Discrètement, elle glissa un regard vers Julian. Lui aussi semblait avoir changé, il avait pris du muscle et lui semblait plus beau. Nastia rougit à cette pensée : « Mais à quoi je pense moi ?! C'est juste un ami c'est tout. Caleb aussi a bien changé ! » se dit-elle avec véhémence.

Toute troublée, elle fut tirée de ses réflexions par un coup de coude de Kim :

- Tu fais quoi Nastia ? Caleb a proposé qu'on fasse un tour pour aller voir les avions ! Tu ne veux pas venir ?

- Euh si, désolé, j'étais plongée dans mes pensées, s'excusa la fillette avec un sourire.

- C'est pas le moment de flancher, il ne reste plus beaucoup de temps, commenta Julian.

A cette pensée, Nastia se sentit revigorée. Les quatre enfants firent le tour de l'aéroportpuis ils s'aperçurent que trois quarts d'heure s'était déjà écoulé. Ils avaient eu le temps de faire quelques achats symboliques : du moins uniquement les filles qui s'étaient précipitées sur la boutique de souvenirs accompagnées de garçons qui se moquaient gentiment d'elles. Après avoir vécu en Pologne deux ans, la fillette conservait cette impression d'être une touriste en Angleterre. « Me sentirais-je un jour chez moi ? » se demandait encore Nastia.

Rapidement, ils rejoignirent les entraîneurs dans la classe affaires. La Russe tenta de voir la destination de l'avion mais sans succès. Aucun indice ne leur était donné et elle savait pertinemment que Kazakov et les autres ne lui répondraient jamais. Julian rentra en premier et la fillette lui emboîta le pas pour aller s'asseoir à coté de lui. Kim s'assit quant à elle à coté de Caleb, légèrement déçue de ne pas pouvoir parler avec Nastia.

- Décidément tu ne me quittes plus ! s'exclama Julian d'un air moqueur.

- Te fais pas des idées, c'est juste parce que tu es mon binôme, répondit Nastia en rougissant.

Elle détourna rapidement le regard, plus troublée qu'elle ne l'aurait voulu. La fillette avait l'impression que quelque chose avait changé entre elle et le garçon mais elle n'aurait pas su dire quoi.

- Nous voila parti pour une dizaine d'heures de vol, ne tentez pas de deviner où on va, le pilote a gracieusement accepté de faire des détours ! annonça Kazakov, posté à l'avant de l'avion.

- Profitez-en pour faire ce que vous voulez car après mon allez souffrir mes petits ! commenta Speaks.

- Je vous conseille surtout de dormir, le coupa Kazakov.

Dormir ? Même si elle était épuisée, Nastia ne se sentait pas en état d'y parvenir. Ses souvenirs vagabondaient ; une vague d'émotions la submergea en pensant à ce dernier voyage, lorsque son père était encore vivant. Elle sentit quelque chose d'humide sur sa joue. « Une larme ?! » Elle l'essuya vite d'un revers de manche, sous le regard interrogateur de Julian. La fillette fit mine de ne pas avoir remarqué et le garçon n'insista pas, perdu dans ses pensées.

Lors du décollage, son excitation reprit. Autant Julian semblait blasé, autant Nastia s'était redressée sur son siège, cherchant à voir le sol s'éloignant d'eux.

Installés en classe affaire, les recrues pouvaient profiter d'une bonne nourriture, de boissons mais aussi de télé et même de consoles de jeu ! Les sièges étaient confortable, un confort irréel par rapport au camp d'entrainement. Rapidement, les enfants s'intéressèrent à la nourriture distribuée et à la télé. Cela entraîna quelques disputes de choix de chaines mais les instructeurs imposèrent rapidement le silence en leur donnant des écouteurs.

Plus rapidement qu'elle ne l'aurait cru, Nastia sentit ses paupières la brûler, bercée par les mouvements légers de l'avion.

***

Le père de Nastia se tenait devant la porte de l'avion sur une piste polonaise. Nastia était avec sa sœur, Yulia et se préparaient à embarquer.

- On va retourner en Angleterre les filles !

Nastia ne comprenait pas, elle pensait que son père était mort mais il se trouvait en ce moment même devant elle. Il semblait qu'ils étaient en Pologne. Tout cela n'avait été qu'un rêve ? Sa sœur l'entraînait vers les sièges au fond, lui laissant même la place près du hublot.

- Papa ? Tu viens ? demanda Yulia, alors que l'avion commençait à vrombir.

Pourquoi leur père ne montait pas ? Il avait promis de les accompagner pourtant. Les deux fillettes, n'entendant plus leur père, commencèrent à s'inquiéter. Finalement, il arriva et se jeta sur un siège tandis que l'avion décollait. Yulia ne semblait pas s'en faire et parler avec animation. Nastia cherchait du regard son père, vérifiant qu'il était bien installé. Après, son regard fut attiré par le hublot : le ciel, auparavant ensoleillé, était maintenant noir et des éclairs apparaissaient. L'avion fit une embardée et la peur l'envahit.

Yulia se mit à pleurer, tandis qu'elles entendaient une hôtesse affolée disant que l'avion allait être électrocuté et qu'il fallait évacuer.

- Papa ! Papa ! Papa ! se mirent à crier les petits jumelles, apeurées.

Leur père ne leur répondit pas, ouvrit on ne savait comment la porte et sauta. Au même moment, sous les cris et les pleurs des petites filles, l'avion chuta.

***

- Euh... Nastia ça va ?

Nastia ouvrit les yeux d'un coup, le cœur battant. Julian la regardait avec inquiétude, attendant sûrement la réponse à une question dont elle ne se souvenait déjà plus. Des brides de son cauchemar lui revinrent. Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait rêvé que son père les avait abandonnées elle et sa sœur dans un crash d'avion. Les secousses avaient été tellement effrayantes... La fillette avait le cœur noué et se rendit compte avec horreur que son visage était maculé de larmes. « Pourquoi ça arrive juste avant les épreuves finales ? Je croyais être guérie... » songea-t-elle.

- Tu pleures... Tu as fait un cauchemar ? lui demanda doucement le blond, conscient de sa détresse.

C'était la première fois qu'il la regardait avec autant de gentillesse et de compréhension. La plupart du temps, il lui réservait un tout autre air. Nastia ouvrit la bouche pour prendre une inspiration, la gorge sèche.

- J'ai fais un mauvais rêve, c'est tout... répondit-elle en essuyant ses larmes d'un revers de manche.

Pour toute réponse, Julian haussa les épaules, pas dupe. Elle crut voir de la déception sur son visage pendant quelques secondes mais cette impression disparut vite. Le garçon rétorqua :

- Appelle-ça comme tu veux, je pensais que tu pourrais me raconter.

« Mince, je l'ai vexé ! » réalisa Nastia. Elle n'était vraiment pas douée avec les gens, surtout avec les garçons. Les souvenirs de son rêve étaient maintenant moins vifs et elle se sentait mieux. Timidement, elle effleura la main de Julian en s'excusant :

- Désolé... C'était un cauchemar et il y avait mon père et ma sœur dedans... On était dans un avion et il y avait beaucoup d'orage. Et je ne me souviens plus... C'était idiot de ma part de rêver d'eux dans un moment pareil.

- Non ce n'était pas idiot, (le garçon sourit en parlant) je pense qu'on fait tous des rêves sur nos parents, même après plusieurs années.

Nastia, rassurée, retira sa main de la main du garçon, ne sachant pas pourquoi elle avait fait ça. Elle détourna vite le regard, se demandant quoi faire pour ne pas montrer sa gêne. Heureusement, Caleb et Kim, en pleine partie de Mario Kart, ne les avaient pas entendu parler et ne semblaient pas avoir vu les larmes de la fillette. Pendant quelques instants, la fillette se demanda si elle pouvait se permettre de questionner Julian sur son passé. Elle n'avait pas osé demander à Tiffenn car celle-ci devenait bizarre dès que son ami été mentionné et elle n'avait pas non plus interrogé Kiko, car elle craignait que son amie se fasse des idées.

- C'est vrai que tu as une sœur jumelle ? reprit Julian, désireux de changer du sujet « parents ».

- Oui, s'étonna Nastia, Quelqu'un te l'a dit ?

- Tiffenn m'en a parlé, elle va te rejoindre à CHERUB ?

La fillette sentit une once de surprise l'envahir en sachant qu'il s'était « renseigné » à son sujet. « Et moi qui pensait qu'il ne m'aimait pas au début ! » pensa-t-elle.

- Oui, enfin j'espère...

- Elle sera peut être là à ton retour, pour te féliciter d'avoir obtenu ton T-shirt gris !

- Rien n'est encore fait, gloussa Nastia, de meilleure humeur après cette discussion.

Elle se demandait si Julian faisait parti des gens trouvant les jumeaux étranges ou encore les trouvant géniaux. Depuis toute petite, les deux jumelles avaient du faire face à des questions autant embarrassantes qu'invasives et à des regards un peu trop insistants dans la rue. D'un coté, Nastia les comprenait car elle aussi aurait regardé avec curiosité des jumeaux mais, de l'autre coté, elle trouvait ça énervant de se faire fixer ici à la longue. Néanmoins, elle n'aurait échangé sa sœur pour rien au monde.

Julian consulta alors sa montre et lui proposa après avoir vu ce que faisaient Caleb et Kim :

- Bon, je ne pense pas que j'arriverais à me rendormir, ça te dit de rejoindre les deux autres pour une partie de Mario ?

- Avec plaisir ! s'exclama Nastia.

PS: J'ai tenté de mettre plus d'émotions et de sentiments dans le personnage de Nastia, j'espère que ça rend bien et que ça se voit ! o: Je voudrais aussi remercier ceux qui lisent cette fic car elle a dépassé les 200 vues ! Merci beaucoup <3