39. Opération Midas

Le mois de septembre n'était pas encore là, mais le soleil se cachait déjà derrière des nuages gris, émergeant par intermittence pour éclairer la campagne britannique.

Les allées du campus étaient pleines d'agents en uniforme qui allaient et venaient, vaquant à leurs occupations. Beaucoup d'entre eux étaient bronzés, signe qu'ils avaient profité des cinq semaines de vacances à la résidence d'été que possédait CHERUB sur une île de la méditerranée. Mais la rentrée approchait à grands pas, et avec elle le retour de la grisaille.


Observant ce spectacle familier par la fenêtre du bâtiment principal, Mike avait du mal à réaliser qu'il était passé à un cheveux de ne jamais le revoir. Pourtant son reflet dans la vitre était là pour le lui rappeler; un épais pansement rectangulaire couvrait sa joue gauche, là où la balle du tueur de Rouge 17 l'avait frôlé, à peine deux jours plus tôt. L'envie d'effleurer la compresse blanche le tiraillait, mais il se forçait à ne pas le faire. La blessure était encore sensible, et y toucher ne l'arrangerait pas.


Cherchant une distraction, l'agent se retourna balaya la pièce du regard. Comme souvent il avait dédaigné les bancs de la salle d'attente, qui semblaient pourtant confortables, préférant patienter debout, mains croisées dans le dos. Ses yeux s'arrêtèrent brièvement sur la porte du bureau de la directrice de CHERUB, toujours close, puis glissèrent jusqu'aux vitres de celui abritant sa secrétaire, qui tapait frénétiquement sur son ordinateur, l'air concentrée. Finalement l'adolescent finit par fixer son attention sur la seule autre personne présente dans la pièce avec lui.


Assise sur un fauteuil, bras croisées et ses jambes étendues devant elle, Émilie s'était assoupie. Cela n'avait rien d'étonnant; depuis qu'il avait été blessé, la jeune fille n'était parvenue à dormir que quelques heures durant le voyage de retour depuis Paris. Ils avaient d'abord pris un avion pour Londres très tôt dans la matinée avant de rouler directement jusqu'au campus. Mais à peine arrivés ils avaient reçu ordre de se mettre en uniforme pour aller voir Zara.

La jeune fille avait pourtant pris le temps d'attacher ses longs cheveux noirs en un chignon sommaire, mais quelques mèches rebelles encadraient encore son visage. Ses yeux verts d'ordinaires intimidants étaient fermés, et Mike observa le visage détendu de sa coéquipière durant de longues secondes. Malgré lui il se mit à sourire doucement. Le sommeil calme de la jeune fille l'apaisait.


La porte du bureau s'ouvrit soudain, rompant le charme. Émilie se réveilla aussitôt et se leva d'un bond, juste à temps pour voir une femme à l'apparence très étrange arriver dans la pièce, suivie par la directrice de CHERUB.


-Merci encore Zara, lâcha son invitée, une vieille dame très petite et vêtue d'une horrible jupe violette et d'une pèlerine écossaise. Vous êtes vraiment une alliée précieuse pour l'UFLT.

-Tout le plaisir est pour moi docteur Dee, répondit l'intéressée avec chaleur en serrant la main noueuse que lui tendait l'autre. Je suis toujours ravie de pouvoir vous aider dans votre tâche.


L'agent avait suivit l'échange sans bouger, remarquant au passage l'accent américain du ''Docteur D''. Il la suivit du regard tandis qu'elle se dirigeait vers le hall du bâtiment principal, pensif.


-Désolée de l'attente, s'excusa la directrice de CHERUB en faisant pénétrer les deux adolescents dans son bureau. Un rendez-vous que je ne pouvais pas remettre s'est un peu prolongé...

-Pas de problème, assura Émilie avant de réprimer un bâillement.


Tandis qu'ils entraient, Mike balaya machinalement les lieux du regard. La pièce était à moitié occupée par un bureau anguleux et des placards bourrés de dossiers, tandis que l'autre partie se composait de sofas en cuir installés autour d'une cheminée décorative, vers laquelle se dirigea Zara.


-Mettez vous à l'aise. Je sais que vous venez de rentrer, attaqua-t-elle en s'asseyant, mais je voulais vous voir le plus vite possible. D'abord, Mike comment va ta blessure?


L'adolescent s'installa en face d'elle, imité par Émilie.


-Je dois voir le docteur Kessler tout à l'heure, mais ça va.


L'éraflure était profonde et encore douloureuse, mais s'en plaindre n'aurait pas servit à grand chose.

La nuit où il avait été blessé, Jason et lui s'étaient rendus chez un médecin qui travaillait à l'ambassade britannique. Plus gravement blessé, l'officier du GCHQ avait dut être admis dans un hôpital de la capitale sous une fausse identité, alors que Mike et le reste de l'équipe retournaient en Angleterre dès le lendemain.


-Disons que je ne verrais plus les missions risque faible du même œil... ajouta-t-il pour détendre l'atmosphère. Ces français sont plutôt dangereux.

-Ravie que ton sens de l'humour n'ai pas été touché, lâcha la directrice avec un soupir. Mais surtout, je suis heureuse que tu ailles bien. Je n'aime pas voir mes agents exposés à de tels risques... Malheureusement on ne peut pas tout prévoir.


Elle se courba légèrement, comme sous l'effet d'une charge invisible, et resta un instant silencieuse avant de se reprendre.


-D'abord je tenais à vous informer que Jason est bien soigné et va se remettre, poursuivit-elle d'un ton plus professionnel. Anthony Gaudry a été retrouvé cette nuit, errant dans la rue. Il a été drogué par ses ravisseurs, mais il devrait pouvoir sortir de l'hôpital rapidement. J'imagine qu'après que son frère ait échappé à leur tueur, ceux qui le retenaient ont prit peur et ont préféré le relâcher... Les deux Gaudry sont ensembles, et des agents du MI6 veillent discrètement sur eux.


Mike acquiesça, soulagé. Après la fusillade, Sarah avait emmené le jeune hacker dans une planque de l'Intelligence Service, où il avait été pris en charge et débriefé. Les deux agents n'avaient même pas eu le temps de lui dire au revoir, et peut-être était-ce mieux ainsi. De toute façon, les missions d'infiltration finissaient souvent ainsi; on disparaissait, tout simplement. Sans adieux.


-Et le tireur? demanda Émilie.


Zara croisa les jambes, l'air contrarié.


-Quand les policiers français sont arrivés il avait disparu.


Mike se raidit, serrant instinctivement les poings.


-Il était gravement touché quand on l'a laissé, il n'a pas put s'échapper seul, lâcha-t-il catégorique. On doit les retrouver.

-C'est aux français de s'en charger maintenant, répondit calmement Zara. De toute façon ce n'était sans doute qu'un homme de main, payé pour effectuer le sale boulot. Pour ce qui nous concerne, vous avez récupéré le programme de Thomas Gaudry, empêché que Rouge 17 fasse disparaître les témoins et rapportés de précieuses informations sur leurs méthodes. Quoi qu'ils aient prévu de faire ils ont échoué et c'est ça qui importe. Désormais ils vont devoir trouver un trou très profond pour espérer nous échapper...


La directrice se leva et marcha jusqu'à son bureau.


-Vous avez tous les deux agit avec beaucoup de sang-froid, d'adaptation et pris des décisions difficiles rapidement. Sarah m'a fait l'éloge de votre travail de terrain, et en tant que directrice de CHERUB, je joint mes félicitations à vos dossiers. Sans vous, Thomas et Anthony Gaudry seraient sans doute mort à l'heure qu'il est, sans parler des dégâts que Rouge 17 aurait put causer à l'économie du pays grâce au programme.


Les deux agents échangèrent un regard étonné. Finalement la contrôleuse de mission devait avoir passé sous silence certaines erreurs...

Durant cet échange muet, Zara avait tiré un paquet plastifié d'un de ses tiroir, et revenait maintenant vers eux.


-Mike, lança-t-elle. Tu as frôlé la mort en affrontant seul une situation difficile, et ça mérite un peu plus que des félicitations. À partir de maintenant tu peux porter le T-Shirt bleu marine. Encore bravo.


Les deux agents quittèrent le bureau quelques instants plus tard. L'adolescent avait le symbole de son nouveau grade sous le bras, dans son enveloppe plastifiée intacte.

Ils arrivèrent dans le hall du bâtiment principal, mais n'y saluèrent personne. Leurs amis étaient encore à la résidence d'été pour quelques jours, profitant de leurs vacances.


-Tu devrais monter te reposer, suggéra Mike à sa coéquipière en se dirigeant vers la sortie. T'as l'air crevée.

-Je préfère t'accompagner. Ça ne te dérange pas?


L'agent ne répondit pas, se contentant d'un hochement de tête, incapable de décider si la présence d'Émilie lui était agréable ou s'il aurait préféré rester seul. Plongé dans ses pensées, il sortit par l'arrière du bâtiment et se dirigea vers la longue ligne droite goudronnée qui menait à l'infirmerie.


Le temps était frais, mais encore agréable. Une brise soufflait doucement sur les pelouse bien entretenues du campus, faisant s'agiter le feuillage des arbres plantés ici et là.


-C'est drôle... lâcha soudain la jeune fille alors qu'ils passaient devant la piscine, rompant le silence.

-Quoi? demanda aussitôt Mike.


Elle le scruta quelques instants avant de répondre.


-Pour quelqu'un qui vient de recevoir son T-Shirt bleu marine je te trouve bien silencieux. Quand Peter et moi on a reçu les nôtres, c'était... Wahou. Il s'était même mis torse nu devant la directrice pour l'enfiler plus vite!


Sans qu'il sache vraiment pourquoi, la comparaison avec son meilleur ami agaça Mike.


-Je ne suis plus un gamin et ce n'est qu'un bout de tissu, répondit-il sèchement.


La jeune fille sembla surprise de sa réaction et baissa la tête, le visage fermé. L'agent regretta aussitôt son ton cassant et prit une grande inspiration.


-Désolé, lâcha-t-il.


Émilie haussa les épaules sans le regarder.


-De quoi? Puisque c'est ce que tu pense...


Mike soupira. C'était sa façon de lui dire qu'elle avait bien comprit que quelque d'autre le travaillait. Certes l'adolescent accordait moins d'importances à la couleur des T-Shirts que la plupart des agents de CHERUB. Mais, au fond, ce n'était pas cela qui l'empêchait de se réjouir de sa promotion.


-Rouge 17 court toujours et leur tueur aussi, libres de nuire, lâcha-t-il finalement après un silence. Zara a beau dire, j'appelle ça un échec. Alors ce T-Shirt...

-... Tu as l'impression de ne pas le mériter? demanda Émilie.

-Un peu. Ou même carrément qu'il me rappelle que je me suis planté.


Mettre des mots sur ce qu'ils ressentait n'avait pas fait diminuer la mauvaise humeur de Mike, au contraire, et il serra les mâchoires, maintenant franchement en colère. Mais l'adolescente posa soudain une main apaisante sur son épaule.


-Tu réfléchis trop. On a fait au mieux.

-J'aurais put... commença l'agent.

-Tu as failli mourir en poursuivant leur tueur, le coupa durement la jeune fille en rompant le contact. Qu'est-ce que tu voulais faire de plus? Zara a raison. On a ruiné leur opération et sauvé les Gaudry; quelqu'un d'autre finira le travail un jour ou l'autre.

-Et si ce n'est pas le cas? s'entêta son coéquipier.


Émilie passa devant lui, le forçant à s'arrêter. Il s'attendait à ce qu'elle le sermonne, mais elle lui dit en souriant:


-Tu prends toujours les choses trop à cœur... C'est quelque chose que j'aime bien chez toi.


Désarmé par cette dernière remarque, Mike se sentit légèrement rougir et détourna le regard, ce qui fit rire la jeune fille. Elle lui lui infligea une pichenette au milieu du front, le faisant grimacer.


-On est de retour chez nous, alors passe à autre chose, conseilla-t-elle en reprenant son sérieux.


L'adolescent se frotta les cheveux, fixant toujours le sol avec gêne. Émilie avait raison, mais il ne savait pas trop comment lui dire à quel point elle l'avait aidé...

Pris d'une subite inspiration, il déchira l'emballage de son T-Shirt neuf et l'enfila par dessus celui qu'il portait déjà. Sa coéquipière lui offrit son plus beau sourire, et il en fit autant.


-C'est déjà mieux, lâcha-t-elle. Il te va bien en plus!

-Merci. Le tiens aussi, répondit l'agent.


Les deux adolescents reprirent leur marche. Le silence entre-eux était devenu agréable, complice.


-Tu viens à la sortie à Londres demain? demanda soudain Émilie, changeant soudain de sujet.

-Oui, je dois passer me faire couper les cheveux, répondit Mike. Pourquoi?

-Au cas où tu voudrais m'inviter quelque part, répondit-elle du tac au tac.


L'agent sourit malgré lui. Il aurait dut être stressé ou gêné, mais la conversation lui semblait s'enchaîner de façon parfaitement naturelle.


-Comme à voir un film au ciné? proposa-t-il.

-Mmmm. Ça ferait vachement rencard.

-Mais tu viendrais quand même?

-Si tu me laissais choisir le film... Peut-être, glissa-t-elle d'un air amusé.


Tandis qu'ils parlaient, les deux agents étaient arrivés devant l'infirmerie. Mike s'arrêta à quelques mètres de l'entrée.


-Alors on se voit demain, conclut-il en guise d'au-revoir.


Mais avant qu'il ne puisse réagir, Émilie embrassa sa joue intacte.


-À demain! lança-t-elle tout en s'éloignant rapidement.


Mike la regarda partir, un sourire aux lèvres. Il ne savait pas au juste ce qu'il faisait, mais il se sentait bien. Il devrait parler à Peter, ça risquait d'être explosif, mais tant pis. Il avait frôlé la mort de trop près pour ne pas se montrer un peu égoïste pour une fois. Émilie avait fait son choix, il devrait bien l'accepter...


Dans la même idée, il décida de faire attendre le docteur Kessler encore quelques minutes et dégaina son smartphone avec l'intention de vérifier les derniers films sortis. Il se connecta à internet et lança sa recherche. Une icône apparut soudain.


Il s'agissait de l'application gérant son numéro français, qu'il n'avait pas encore eu le temps de désactiver. Il s'était débarrassé de la carte SIM bien sûr, mais les messages se redirigeaient encore vers son téléphone d'agent dès qu'il se connectai à internet.


L'écran affichait un appel masqué, ainsi qu'un message vocal associé laissé quelques heures plus tôt, dans la nuit. L'adolescent soupira. Peu de gens avaient ce numéro... Ce devait être Thomas.

Normalement à la fin d'une mission, les agents devaient cesser tout lien avec les personnes rencontrées, sous peine d'être renvoyés de CHERUB. Mais écouter ce que l'adolescent avait à lui dire ne contredisait pas cette règle, tant que lui ne contactait pas le hacker.

Bien sûr son ''ami'' pouvait lui avoir laissé une tonne de reproches, de questions sans réponses ou même d'insultes. Mais Mike désirait vraiment savoir ce qui avait put lui arriver, et le résumé de Zara avait été loin de le satisfaire.


Résolu, il enclencha la boite vocale et colla le téléphone à son oreille.


-Bonsoir Mike, lâcha une voix masculine en français.


L'agent reconnu l'auteur du message et se raidit instinctivement.


-J'ignore pour qui vous travaillez exactement, poursuivit l'homme. Mais je n'ai plus confiance en mes supérieurs, et vous êtes ma meilleure chance d'éviter que toute l'affaire finisse enterrée avec moi. Bientôt pas mal de gens vont se lancer à ma recherche, et je ne suis pas sûr de leur échapper...


C'était lui. Le tueur de Rouge 17. Mais comment...

La pyramide. Émilie avait dit son prénom, devant lui. L'autre l'avait probablement retrouvé dans le répertoire des Gaudry.


-Je m'appelle Roan. Jusqu'à ce soir, j'étais un agent de cellule Alpha, une unité de tueurs des services secrets français. Mais mon supérieur, le colonel Charles Turange, m'a trahi.


Mike réfléchissait à toute vitesse. L'homme qu'il avait affronté était un tueur, sans aucun doute, mais un agent français? Il avait du mal à le croire...


-En plus de notre unité, Charles dirigeait une cellule chargée de traquer l'argent des terroristes, poursuivit l'intéressé, sans se soucier d'apporter plus de détails sur qui il était. Un de ses ingénieurs, Richard Masse, s'intéressait particulièrement à la City de Londres où des investisseurs peu scrupuleux blanchissaient massivement de l'argent sale appartenant à des groupes qu'on surveillait. C'est en étudiant leurs méthodes qu'il a eu l'idée de l'Opération Midas. Le roi maudit qui transformait tout ce qu'il touchait en or...


L'homme marqua une pause tandis que son auditeur se souvenait de ce vieux mythe grec, que l'équipe avait étudié avant la mission sans rien y trouver d'utile.


-Il y a quelques années les terroristes écologistes de Sauvez la terre avaient utilisé leurs attentats pour faire plonger le cours de certaines sociétés, expliqua Roan. Pendant ce temps leurs associés de la secte des Survivants rachetaient les actions au plus bas ou vendaient à découvert, réalisant des bénéfices énormes. Mais Masse avait imaginé une autre méthode, plus ambitieuse: lancer une attaque informatique de grande ampleur sur les logiciels de trading, et ainsi frapper toute la City en faisant s'effondrer les cours avant de ramasser le pactole.


Mike manqua de lâcher un juron. Depuis tout ce temps ils se creusaient la tête pour comprendre ce que visait vraiment Rouge 17, mais la réponse était la plus simple qui soit: l'argent. Cela expliquait aussi la facilité avec laquelle le hacker échappait au GCHQ; c'était lui même un membre des services secrets, connaissant toutes les ficelles du métier.


-Je comprends pas vraiment la partie technique, mais il avait besoin de ressources et d'un coupable à accuser ensuite pour masquer son opération aux autorités, continua le tueur. Le colonel Turange lui a fournit les deux: un groupe terroriste inventé de toute pièce, Rouge 17, et un accès aux fonds secrets de la cellule alpha. L'opération Midas allait transformer quelques centaines de milliers d'euros des caisses noires de la DGSE en milliards...


Les changer en or, comprit l'agent. Midas, bien sûr! Comment on a put rater ça!?


-Leur machinerie était bien faite, mais un grain de sable a commencé à bloquer. Anthony Gaudry, un ingénieur en cybersécurité rechignait fournir le logiciel nécessaire pour lancer l'opération. Ils auraient put l'obtenir ailleurs, mais le colonel a pensé qu'il ferait un bouc émissaire idéal pour incarner Rouge 17. Et s'il n'était plus là pour nier ce serait l'idéal; voilà pourquoi il m'a envoyé moi.


Mike avait totalement oublié où il se trouvait. Comme un puzzle, l'opération Midas apparaissait de plus en plus clairement dans son esprit au fur et à mesure que Roan lui livrait les pièces manquantes.


-J'avais reçu de faux ordres, désignant Anthony Gaudry comme le cerveau d'un réseau terroriste, mais après l'avoir kidnappé et interrogé dans une de nos planques, j'ai eu des doutes. Ce type n'avait rien d'un extrémiste. Quand Turange m'a soudain envoyé traquer son frère, un gamin, et esquivé mes questions j'ai décidé de trouver des réponses... Mais au lieu de ça je suis tombé dans votre embuscade, et bien failli y rester. J'ignore qui vous êtes et quel était votre rôle dans ce merdier, mais j'ai cru que vous travaillez pour mon ordure de patron. Une erreur qui m'a été bien utile.


Ainsi Thomas et CHERUB avaient été les éléments imprévisibles qui avaient fait exploser toute la belle machinerie des deux comploteurs qui se cachaient derrière Rouge 17.


-Alors j'ai fait ce qu'on m'avait appris; échapper à la police malgré mes blessures, me planquer et retrouver quelques forces avant riposter, dur et vite. Localiser le colonel n'a pas été difficile, pas plus que de le mettre au frais pour une petite conversation. Je lui ai à nouveau posé mes questions mais de façon plus... Persuasive. Il a finit par tout me raconter, donc il ne sert plus à rien.


Une supplique étouffée se fit entendre, suivit de deux bruits sourds. Des douilles tintèrent sur un sol dur, levant les derniers doutes de Mike. Mais Roan venait-il vraiment d'assassiner son supérieur ou n'était-ce qu'une mise en scène?


-Pour les traîtres dans son genre, il n'y a qu'une sanction, avait reprit la voix du tueur, sans trahir la moindre émotion. De toute façon il avait sûrement prévu que j'aurais un ''accident'' une fois les Gaudry éliminés. Bref, voici toute l'histoire, ce que j'en sais. À vous de voir quoi en faire; moi je vais aller me planquer quelque part où me remettre de mes blessures, le temps que l'orage passe...


Bien sûr, l'adolescent n'avait aucune preuve que tout était vrai, mais il en avait l'intime conviction. L'homme qui avait bien failli le tuer se révélait finalement être la clé de toute cette histoire... Dans tous les cas il fallait faire entendre ce message à Sarah et aux autres au plus vite.

L'agent se mit en route vers le centre de contrôle des missions, téléphone toujours à l'oreille. Sa joue devrait attendre; son travail n'était pas encore terminé.


-Je ne sais pas si vous bossez pour la CIA, les russes, freelance ou je ne sais qui, et je m'en fiche, reprit Roan. Mais soyez prudents Émilie et toi; ce boulot est bien trop dangereux pour des gamins.

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