17. Fort Alamo


-On est piégés, lâcha Mike en se baissant à couvert. Quelle merde!

Il jeta son chargeur vide sur le sol avant d'en sortir un nouveau de son gilet pare-balles. D'un mouvement fluide il l'introduisit dans le fusil d'assaut et tira rageusement le levier placé sur la culasse, faisant pénétrer une nouvelle munition à l'intérieur de l'arme.

L'attaque du fast-food avait été foudroyante. L'agent avait à peine eu le temps de voir des ombres bouger au bout de la rue qu'une grenade incapacitante avait atterri au milieu de la salle, sans doute lancée depuis le toit...

Heureusement pour lui, il avait eu le réflexe de se couvrir les yeux, se protégeant ainsi du flash de lumière censé l'aveugler. Il fut donc parfaitement capable de voir les silouhettes qui prenaient position de l'autre côté de la rue, se déplaçant à couvert, bougeant d'une épave de voiture à une autre. L'instant d'après, les assaillants commençaient à tirer.

Le cerveau noyé par un brusque aflux d'adrénaline, Erwan et Mike avaient aussitôt riposté, alors qu'une pluie de projectiles s'abattaient à l'intérieur du fast-food. Les tireurs n'étaient qu'à une dizaine de mètres les uns des autres, et les billes de peinture sifflaient à leurs oreilles comme de vraies balles. Ils avaient tous allumés les lampes de combat fixées à leurs fusils, autant pour éclairer leurs adversaires que pour tenter de les aveugler.

La fusillade était si intense et son coeur battait si vite qu'il fallut plusieurs secondes à Mike pour se souvenir de l'existence de son VIP. Roulé en boule sur le sol, ce dernier avait été en protégé par une table renversée, mais il risquait à tout moment de prendre un tir perdu.

-Couvre moi! aboya l'agent en se redressant, tirant au jugé vers les assaillants avant de foncer vers Samuel.

À l'autre extrémité de la salle, Erwan se leva à son tour et vida son chargeur pour obliger leurs adversaires à garder la tête baissée. Cette diversion permis à son coéquipier de traîner leur VIP en sécurité derrière le comptoir, la seule partie du fast-food un tant soit peu épargnée par la fusillade. Mike vida ses dernières munitions sans savoir s'il avait touché quoi que ce soit, puis il se baissa à couvert pour recharger en jurant. Même en tirant au coup par coup pour économiser, les trente cartouches de son chargeur étaient parties dangereusement vite.

Il se tourna vers Sam, couché sur le ventre à côté de lui, qui semblait à la fois choqué et désorienté, ce qui n'avait rien d'étonnant la première fois qu'on se trouvait au milieu du chaos d'un combat.

-Tu n'as pas été touché? Reste baissé, ordonna-t-il à son protégé avec une tape sur l'épaule, espérant le faire revenir à la réalité.

Tout en parlant, Mike réfléchissait à toute vitesse. Leurs assaillants bloquaient la rue avec au moins deux ou trois tireurs, soit l'équipe complète en comptant celui sur le toit qui leur avait jeté la grenade. Si Erwan et lui tenaient leur position assez longtemps, Peter et Émilie pourraient sans doute prendre ces adversaires par le flanc...

L'agent leva prudemment la tête au dessus du comptoir pour jeter un coup d'oeil à la situation, mais une bille de peinture le frôla avant d'exploser à quelques centimètres de son casque, et il dut se remettre à l'abri sans avoir rien vu.

-Erwan, ça va!? cria-t-il pour se faire entendre malgré le claquement sec que produisaient les fusils en tirant et le vacarme des projectiles s'écrasants un peu partout à l'intérieur du fast-food.

-Nickel, je me fais des nouveaux potes! répondit ce dernier sur le même ton.

Rassuré sur la situation de son camarade, Mike longea le comptoir jusqu'à son extrémité la plus proche de la porte donnant sur la rue et se redressa, son arme calée contre l'épaule. Sa nouvelle position était plongée dans l'ombre, dans l'angle mort de la plupart des tireurs adverses.

L'un d'entre s'était positionné derrière le capot d'une épave et arrosait copieusement la position d'Erwan. De là il faisait une cible facile pour Mike, qui visa soigneusement et fit feu à trois reprises. Le garçon poussa un cri de douleur et de surprise avant de disparaitre derrière la voiture.

Mais l'agent n'eut pas le temps de se féliciter d'avoir fait mouche; un grand fracas retentit soudain derrière lui, le faisait instinctivement pivoter vers le fond du fast-food.

Couvert de sa tenue pare-balles noire, un nouveau venu avait franchit la porte arrière en courant et trébucha sur une chaise, manquant de s'étaler. Mike faillit lui tirer dessus par réflexe, mais une rafale venue de l'autre côté de la rue faucha sa cible avant qu'il ne presse la détente.

-Bordel! jura Émilie, touchée par plusieurs projectiles en plein torse.

L'adolescente tomba lourdement sur le dos. Grognant de douleur, elle rampa péniblement derrière le comptoir tandis que ses deux coéquipiers tiraient vers la rue pour la couvrir. Samuel l'aida à franchir le dernier mètre en la trainant par le bras remarquant au passage que son gilet pare-balles était maculé de tâches de peinture là où elle avait été touchée.

-On s'est fait surprendre sur le parking, annonça-t-elle avec une grimace de souffrance derrière la visière de son casque. Peter essaie de les tenir à distance, mais il est coincé... Merde ça fait mal!

-Si on va tous à l'arrière, on peut passer en force? demanda Mike en vérifiant les munitions qui restaient dans son chargeur.

-Il y en a au moins trois, bien installés à couvert, en tir croisés. On y arrivera jamais sans que le VIP soit touché, conclut sa coéquipière. J'ai déjà eu de la chance d'atteindre la porte. Enfin de la chance... Saloperie de munitions simulées!

-Avec ceux de devant, ça fait minimum six agents. Bordel comment ils peuvent être aussi nombreux!? C'est plus une mission d'escorte c'est Fort Alamo!

Tandis qu'il parlait, il remarqua que les tirs adverses diminuaient peu à peu d'intensité, et finirent soudain par s'arrêter.

Ils ont dut voir qu'on ne ripostait plus, déduisit l'agent.

Le fast-food était encerclé et l'effet de surprise avait fait long feu, continuer de gaspiller des munitions en espérant toucher quelqu'un ne servait plus à rien. Les assaillants attendaient probablement qu'un de leurs adversaires sorte pour l'abattre d'un tir précis, ou profitaient du répit pour gagner du terrain...

Mike tenta de nouveau de jeter un oeil à la situation, mais une volée de projectiles salua aussitôt sa sortie. Heureusement, le tireur était en pleine course vers l'épave la plus proche de la vitrine du restaurant, et il rata sa cible. Cette nouvelle position était à moins de trois mètres d'Erwan, mais dans son angle mort.

-Ils avancent! cria Mike à ses équipiers en lâchant une rafale au jugé par dessus le comptoir, sans même sortir la tête pour regarder où il tirait. Émilie, c'est toi la plus gradée, tes ordres!?

On apprenait à tous les agents de CHERUB à réfléchir vite, mais c'était un talent variable selon les recrues. Heureusement pour l'équipe Delta, Émilie faisait partie des meilleures dans ce domaine.

-On a récupéré des fumigènes tout à l'heure... Foutus pour foutus tentons une sortie, finit-elle par lâcher.

Son coéquipier acquiesça et se tourna vers Samuel. Alors qu'il le traînait à couvert, ce dernier s'était accroché au sac de matériel comme si sa vie en dépendait. Mais avait-il embarqué celui ramené par Erwan et Émilie? Une chance sur deux...

Il s'écoula plusieurs secondes tendues durant lesquelles le garçon fouilla dans les équipements à la recherche des fameuses grenades fumigènes. Les assaillants étaient si près que Mike entendit le crachotement d'un talkie-walkie. C'est là que l'évidence le frappa comme un coup de poing à l'estomac.

Deux équipes. On est attaqués par deux équipes qui travaillent ensembles, c'est pour ça qu'ils sont si nombreux!

Mais avant qu'il ne puisse le dire à haute voix, Samuel sortit deux cylindres métaliques du sac à dos. Émilie s'empara de la première grenade et la dégoupilla avant de la lancer par dessus le comptoir. La cartouche de gaz roula sur le sol puis émit un sifflement tandis qu'elle diffusait une épaisse fumée grisatre dans le fast-food. Une puissante odeur de poudre piquait le nez et les yeux des défenseurs, mais l'engin remplissait remarquablement son rôle: en quelques secondes on n'y voyait plus à deux mètres.

Mike éteignit sa lampe de combat et se déplaça jusqu'à ses équipiers pour réccupérer la seconde grenade qu'il dégoupilla et lança au jugé par dessus le comptoir, espérant qu'elle traverserait la vitrine pour rouler jusque dans la rue.

Quelques projectiles tirés à l'aveugle filèrent à travers le brouillard artificiel, mais les assaillants renonçèrent vite à ce gaspillage de munitions. Saisissant l'occasion, Erwan rejoignit ses coéquipiers.

-Sam tu prends le sac, accroches toi à l'arrière de mon gilet et ne me lâche pas. On bouge, ordonna Mike à voix basse.

L'agent fléchit les genoux pour se redresser sans s'exposer au dessus du comptoir et recula prudemment, son canon dirigé vers la rue. Son protégé avait saisit une des poches fixée à l'arrière de son gilet, et les Delta reculaient lentement, à petits pas prudents, faisant le moins de bruit possible. Erwan couvrait sa gauche tandis qu'Émilie protégeait leurs arrières, suivant le rythme comme elle pouvait malgré la douleur d'avoir été touchée.

Ils contournèrent doucement le comptoir et commençèrent à s'avancer au milieu du mobilier criblé d'impacts de peinture. L'intérieur du fast-food était noyé dans la fumée artificielle, qui était devenue si dense qu'on discernait à peine ses propres pieds. Étrangement, bien que la fusillade ait pratiquement cessée, Mike entendait son sang battre à ses tempes à une cadence affolée. La peur d'être touchée était devenue bien plus insidieuse qu'un déluge de projectile: elle était partout et nulle part à la fois, tapie dans le brouillard des fumigènes.

Soudain, le bruit métalique de la porte en alluminium se fit entendre, et la lumière d'une lampe tactique apparue devant eux à droite, bien visible même à travers la fumée. Mike pressa la détente sans hésiter, bien qu'il ne soit sans doute qu'à deux mètres de son adversaire. Un cri de douleur et la disparition de la lueur lui apprit qu'il avait touché sa cible.

Les tireurs placés dans la rue ripostèrent aussitôt, mais aucun de leurs projectiles ne fit mouche.

Accélérant la cadence, l'agent continua sa progression, et franchit la porte du fast-food. Une silouhette carapoçonnée de noir était adossée à la façade, juste à côté de l'issue.

-Vous n'avez pas respecté les règles, gémit le blessé en levant les mains. Je n'étais pas à trois mètres!

Mike haussa les épaules. Tous les agents piétinaient allègrement cette règle, et le garçon lui aurait sans doute tiré dessus s'il ne l'avait pas fait en premier.

-Ils sont où!? appela une voix féminine au dessus de leur tête, sans doute celle de l'agent qui avait lancé la grenade aveuglante un peu plus tôt.

Son coéquipier hésita sans doute à répondre, mais le fusil braqué sur lui par Erwan le réduisit au silence.

Un grand fracas se fit soudain entendre au fond du fast-food. Mike tourna brièvement la tête, découvrant plusieurs lumières à travers le brouillard, signe que plusieurs agents pénétraient à l'intérieur du restaurant. Manifestement, les assaillants avaient finis par venir à bout de Peter... Il était vraiment temps de partir.

-Courez! ordonna Émilie avant de poser un genou à terre et de vider son chargeur vers les nouveaux venus.

Plus question d'être discrets et d'avancer avec prudence. Mike envoya sa main libre derrière lui et attrappa Sam par la manche, le faisant passer sans ménagement devant lui tout en commençant à courir. Les premiers mètres étaient noyée dans la fumée, mais elle était moins dense qu'à l'intérieur et ils émergèrent presque aussitôt à l'air libre, éclairés par la lumière douce des étoiles.

-Reste baissé! ordonna-t-il sèchement à son VIP, qu'il força à rester plié en deux tout en continuant sa course.

Au milieu de la rue, ils faisaient des cibles faciles, et l'agent entraîna son protégé vers une épaves placée à l'opposée du fast-food. Il entendait courir juste derrière lui, et des projectiles se mirent à siffler à ses oreilles.

Contournant le capot de la voiture, Mike poussa Samuel à couvert et se retourna vers le fast-food, épaulant son fusil d'assaut. Erwan se plaça aussitôt à côté de lui, mais Émilie ne les avait pas suivi et des silhouettes menaçantes émergeaient déjà du fumigène en tirant vers eux. Grillant les dernières munitions de leurs chargeurs, les deux agents ripostèrent aussitôt.

Soudain, Mike sentit un choc prodigieux sur le côté de son casque, comme si on l'avait frappé à pleine vitesse avec un marteau. L'impact le projeta en arrière et le fit tourner sur lui même, mais il se sentit à peine percuter le sol en béton de la rue. Ses oreilles sifflaient, et il avait l'impression que sa tête allait d'exploser. Avec un gémissement de douleur il essaya de se remettre debout, mais ne parvint qu'à tébucher piteusement à quatre pattes. Sévèrement sonné, il sentit qu'on le tirait par le bras, et entendit vaguement qu'on lui criait quelque chose.

Au bout de quelques secondes, Mike finit par réussir à se lever et se laissa entraîner par celui qui l'avait aidé. La douleur était si forte que l'agent ne pouvait même pas lever la tête ou réfléchir. Le sol de la rue défilait devant ses pieds et il s'efforçait d'avancer le plus vite possible, soutenu par le sentiment d'urgence et l'adrénaline du combat. Son pas étaient trébuchant, mais il parvenait à avancer en s'appuyant sur son équipier. C'était l'essentiel.

Au bout de quelques mètres, ils entrèrent dans un bâtiment. Mike s'embroncha dans le pas de sa porte et s'affala, faisant presque tomber avec lui celui qui le soutenait.

À genoux, il saisit son arme, qu'il n'avait conservé que grâce à la sangle passée autour de son torse. On le tira à nouveau par le bras pour qu'il se redresse.

-Faut bouger! lui cria Erwan en pénétrant à son tour dans le couloir sombre où se trouvaient ses équipiers.

Soutenu par Samuel, Mike se leva aussi vite qu'il le pouvait. Derrière lui, il entendait Erwan tirer pour tenir à distance leurs poursuivants, encore dans la rue. Le vacarme des projectiles frappant sur les épaves de voiture et la façade du bâtiment où ils venaient d'entrer semblait résonner dans son crane douloureux.

Suivant le seul chemin possible, le trio s'enfonça dans le bâtiment. Le couloir faisait un coude vers la droite au bout de quelques mètres, et sans la lumière des étoiles, il faisait un noir d'encre. Erwan avait allumé sa lampe, les éclairant d'une lumière bleutée qui bougeait au rythme de sa course. Il y avait des portes de part et d'autre du couloir, mais les agents n'avaient pas le temps de les ouvrir, seulement assez d'avance pour fuir.

Les tirs avaient brusquement cessés derrière eux, remplacé par les bruits des rangers de leurs poursuivants. Ils n'avaient que quelques secondes de retard...

Le trio franchit un nouveau coude, et soudain une sortie apparue au bout du couloir, éclairée par la pâle lueur des étoiles.

Erwan s'arrêta soudain en route, et désigna une porte défoncée.

-Entrez là dedans! ordonna-t-il à voix basse avant de revenir sur ses pas.

Son équipier n'eut pas le temps de protester, car Sam l'entraîna aussitôt à l'intérieur. Il s'agissait d'une salle carrée sans fenêtres, plongée dans les ténèbres. Pas de sortie ni de cachette... Sans se concerter, les deux garçons s'adossèrent à la cloison qui les séparaient du couloir, le plus loin possible de la porte pour être les moins visibles possible. Mike était le plus proche de l'unique accès, et avait donc un petit angle de vue sur le couloir.

Les claquements sec d'une rafale retentirent, puis Erwan passa en trombe devant la porte, la lumière de sa lampe éclairant brièvement le sol de la pièce, couvert de restes de grenades et d'étuis de munitions. De là où il était, son coéquipier ne fit qu'entrevoir son dos avant qu'il ne disparaisse.

L'instant d'après, la salle était à nouveau plongé dans l'ombre.

Mike serra sa main sur la crosse de son fusil d'assaut, cherchant à contrôler sa respiration qui lui semblait assourdissante sous son casque. Il avait chaud, et une douleur lançinante lui martelait l'intérieur du crane. L'assaut n'avait commencé que quelques minutes plus tôt, mais il lui avait semblé durer des heures.

Trois ou quatre secondes s'écoulèrent en silence avant que des pas précéipités ne se fassent entendre. Les faisceaux bleutés des torches d'assaut de leurs poursuivants apparurent soudain, balayant le couloir.

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