Mardi 29 avril 1812, Netherfiel - partie 1

Ma très chère Lizzy,

Je suis submergée de joie à l'idée que ta famille s'apprête à s'agrandir de nouveau ! Quelle merveilleuse nouvelle ! Mon cœur déborde de bonheur pour toi et pour Darcy, et j'imagine sans peine le bonheur qui emplit votre foyer à cette perspective. Ce moment est si précieux, Lizzy, et je ne saurais trouver les mots pour te dire combien cette nouvelle m'a réchauffé l'âme. Imaginer un autre petit être, un fruit de votre amour, prêt à rejoindre ce monde empli de promesses... quelle bénédiction !

Et cela ne me surprend guère que Darcy t'encourage déjà, et avec tant d'insistance, à te reposer. Je vois bien là la même vigilance tendre et presque intransigeante que celle que je connais de la part de mon propre époux. Les voilà, ces hommes qui, sous leurs apparences parfois sévères et réservées, dissimulent une tendresse et un souci pour nous si profonds qu'ils se traduisent souvent par un désir presque excessif de nous protéger. Peut-être est-ce leur manière de montrer l'immensité de leur amour et de leur attachement. Ils ne pourraient tolérer que le moindre mal ou le plus petit inconfort nous atteigne, surtout dans une période aussi délicate et sacrée.

Oh combien cela me réjouit de penser que nos enfants à venir et Eliza, pourront grandir ensemble ! Ah, Lizzy, qu'il est doux de les imaginer partager les mêmes joies et jeux que nous chérissions tant dans notre jeunesse. Je m'imagine déjà les voir courir dans les jardins, inventer des histoires, et rire de cette manière insouciante qui n'appartient qu'aux enfants. Qui sait, peut-être échangeront-ils leurs propres confidences à voix basse, tout comme nous le faisions, dans ces heures paisibles où tout semble possible et où l'amitié se tisse comme un lien indissoluble.

Je tiens à te remercier du fond du cœur pour ces adorables petits boutons que tu m'as envoyés. Quelle délicatesse, quelle finesse ! Ils sont tout simplement ravissants, et je ne peux m'empêcher de sourire chaque fois que mon regard se pose sur eux. J'imagine déjà ce que je vais concevoir avec et me réjouis de te montrer, dès que possible, ce que je parviendrai à réaliser avec ces boutons.

Je m'inquiétais profondément de l'état de Georgianna, de cette fragilité qui semble peser sur son esprit comme un voile d'ombre. Mais jamais je n'aurais imaginé que la situation en viendrait à ce point, au refus de la demande en mariage du marquis de Lashdrew. Lui qui faisait fit des commérage de cette odieuse Lady Catherine. Quel terrible déchirement pour elle, et quelle peine pour nous toutes, qui avions espéré que cette union lui apporte enfin le bonheur et la stabilité qu'elle mérite tant.

Mon cœur se serre à l'idée de la douleur qui doit l'accabler en ce moment. Refuser un tel engagement n'est jamais facile, encore moins pour une âme si délicate et sensible que Georgiana. Elle a dû faire preuve d'une force admirable pour prendre cette décision, malgré les tourments que cela a certainement causés dans son cœur. Imaginer cette pauvre enfant, déchirée entre le poids de ses doutes et le désir de suivre son propre chemin, me remplit d'une tristesse infinie.

Je t'ai joint une lettre pour elle, une humble tentative de ma part pour lui apporter un peu de réconfort dans cette période si troublée. J'espère de tout cœur que mes mots sauront apaiser ne serait-ce qu'une partie de son chagrin, et qu'elle y trouvera la force de surmonter cette épreuve. Transmets-la-lui, je t'en prie, et dis-lui combien elle est chère à mon cœur. Je souhaite ardemment qu'elle comprenne qu'elle n'est pas seule, que nous sommes là, toutes deux, pour l'entourer de notre amour et de notre soutien.

Je ne puis m'empêcher de m'interroger : pourquoi, mais pourquoi Fitzwilliam n'a-t-il pas pensé à te consulter avant d'entreprendre cet entretien ? Lui, qui connaît mieux que quiconque la sagesse de ton jugement et la douceur de tes conseils, aurait trouvé en toi un précieux soutien pour aborder une situation si délicate. Il m'est incompréhensible qu'il ait agi sans te confier ses intentions, et j'imagine combien cela a dû te peiner de t'être retrouver dans une telle situation. Oh, ma chère sœur, comme cela a dû être terriblement dur pour toi. Être contrainte d'assister, impuissante, aux tourments de cette jeune fille sans pouvoir intervenir ni la rassurer... Quelle épreuve pour ton cœur et ton esprit ! Je frémis à la pensée de l'angoisse que tu as dû ressentir, de ce tourment intérieur qui a certainement mis tes nerfs à une épreuve des plus rudes. Oh, Lizzy, quelle cruauté que de te laisser spectatrice de sa souffrance, réduite au silence dans un moment où elle avait le plus besoin de ta présence rassurante !

Cette situation me révolte, et elle illustre parfaitement les injustices auxquelles nous sommes, nous les femmes, trop souvent confrontées. Qu'on nous force à demeurer en retrait, à garder nos pensées pour nous-mêmes alors même que le bonheur de nos proches est en péril... Quelle injustice ! J'imagine sans peine combien cela a dû te ronger de ne pas pouvoir agir. Chaque instant d'attente a dû te sembler interminable, chaque mot prononcé sans ta voix à ses côtés a dû sonner comme une trahison de l'amitié et de l'amour profond que tu lui portes. Sache, Lizzy, que je partage ta peine et ton indignation. Rien n'est plus éprouvant que d'être privée de la possibilité de réconforter ceux que l'on aime. Mon cœur se serre à l'idée des pensées sombres qui ont dû l'envahir, et je ne puis m'empêcher de ressentir une profonde tristesse mêlée d'amertume à l'idée que cette situation ait été amenée par l'esprits mesquin de Lady Catherine et des commérages qu'elle propage.

Dans la soirée

Pardonne moi, j'ai dû m'astreindre à une pause car la grossesse m'épuise. J'espère que pour toi, aucun désagrément de ce genre viendra t'ennuyer durant les mois à venir.

Quitter Londres en plein cœur de la saison... quelle idée ! Je ne puis m'empêcher de frémir en pensant aux murmures que cette décision suscitera parmi les gens du beau monde. Quelle réputation cela donnera de Miss Darcy, alors que tant de jeunes filles se pressent chaque soir pour être vues, pour être admirées et, peut-être, pour attirer l'attention d'un prétendant digne de ce nom ! Ce départ soudain ne risque-t-il pas de jeter une ombre sur son nom, de faire croire à un manque d'intérêt pour les convenances ? Les commérages risquent de se répandre comme une traînée de poudre dans les salons, et je m'inquiète, je l'avoue, de l'effet que cela pourrait avoir sur ses perspectives futures. Je ne doute pas une seconde que cette décision vienne de Georgiana elle-même, et je comprends bien que son désir de se retirer des mondanités puisse la pousser à fuir Londres. Elle est si douce, si réservée, et peut-être aussi plus sensible aux regards qu'on lui porte depuis ces derniers événements. Mais il me semble presque incompréhensible que son frère, avec tout l'attachement qu'il lui porte, ait accepté une telle demande, surtout en cette période cruciale. Fitzwilliam sait mieux que quiconque l'importance de la saison pour une jeune femme de son rang. Se pourrait-il que, par amour pour elle, il soit prêt à risquer les regards sévères et les murmures des bien-pensants ? Cela lui ressemble tant, à vrai dire, de se soucier plus du bien-être de sa sœur que des apparences ! Pourtant, une part de moi ne peut s'empêcher de penser qu'il y a des moments où il faut justement faire face, rester fort et laisser les choses se tasser.

Oh, Lizzy, je vois bien que tu fais de ton mieux pour chercher des avantages à ce départ précipité, et je t'en félicite sincèrement. Ta capacité à toujours percevoir la lumière, même dans les moments les plus troublants, est l'une des qualités que j'admire le plus en toi. Mais pardonne-moi si mon esprit est moins enclin à l'optimisme aujourd'hui. Peut-être est-ce là un héritage de notre chère mère ? Peut-être ai-je hérité de cette disposition à me tourmenter pour ce qui pourrait n'être, au fond, qu'un simple retrait temporaire. Et pourtant, je ne puis m'empêcher de me dire que l'apparence compte tellement dans notre monde, où chaque geste, chaque absence est disséquée, interprétée, amplifiée jusqu'à en perdre tout sens véritable. Que pensera-t-on de Georgiana ? Que sa santé est trop fragile pour supporter la saison ? Ou, pire encore, que ce refus soudain d'apparaître en société cache une déception amoureuse, une fuite précipitée face à un engagement non désiré ? Ces interprétations hasardeuses sont si promptes à se répandre, et les langues acérées de Lady Catherine et de ses semblables trouveront sans nul doute un plaisir certain à spéculer sur ce retrait inattendu.

Peut-être m'inquiété-je en vain, et peut-être ce séjour loin des lumières de Londres lui offrira-t-il le répit dont elle a tant besoin. Mais je prie pour qu'à son retour, elle retrouve l'estime et l'admiration qui lui sont dues, et non l'ombre de commérages injustes. Lizzy, dis-moi que je me trompe, et rassure-moi en me disant que tout cela n'est que le fruit de mes craintes et de mon attachement pour Georgiana.


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