Jeudi 24 avril 1812, Netherfiel - partie 2
Pourtant, malgré mes craintes, quelque chose en moi me pousse à espérer. Peut-être, Lizzy, as-tu déjà remarqué des signes discrets, des indices qui trahissent des émotions plus profondes que la simple courtoisie ? Les gestes de l''amour véritable sont souvent silencieux, mais ils sont là, cachés dans les détails du quotidien. Tu as cette incroyable capacité à lire les cœurs, à comprendre ce qui se cache derrière leurs gestes et leurs paroles. Je suis certaine que, si quelqu'un peut démêler cette affaire, c'est bien toi. Et je sais que tu sauras guider Georgiana avec la délicatesse qui te caractérise, sans pour autant la pousser trop brusquement. Elle a besoin de toi, Lizzy, de ta sagesse et de ton soutien pour naviguer dans ces eaux incertaines.
Et par tous les Saints, je partage ton inquiétude et j'implore que nul mot concernant Georgiana ne vienne la souiller dans ces gazettes mondaines que je déteste tant ! Quelle horreur que de voir sa vie étalée au grand jour, en proie aux regards malveillants de la société ! Ces feuilles de rumeurs, si avides de scandale et de commérages, n'ont que faire de la vérité ou de l'honneur des personnes dont elles parlent. Elles s'empressent de répandre leurs fausses nouvelles comme un poison qui se déverse, laissant derrière elles des réputations en miettes. Rien n'est plus répugnant à mes yeux que de voir de si nombreuses vies déchirées par l''aigreur de quelques plumes viles et sans scrupules. N'est-ce pas là un péché des plus odieux, que de salir ainsi le nom de ceux que l''on ne connaît qu'à travers des on-dit ? Je frémis à l'idée qu'ils puissent un jour oser mentionner le nom de Miss Darcy. Elle, qui est la quintessence de la grâce et de l''innocence, serait une proie bien trop facile pour ces vautours de la presse.
Bien que, je le sais, nombre de secrets aient été révélés par ces mêmes gazettes, et parfois de manière juste, il n'en reste pas moins que l''idée même de salir une personne est un manque de respect total. Quel mépris du sentiment humain ! Comment peut-on oser jouer ainsi avec les vies des autres, sans la moindre considération pour la douleur que cela peut causer ? Et souvent, hélas, ce ne sont que de simples jalousies qui sont à l''origine de ces attaques. Que ce soit par envie d''un mariage heureux, d''une position enviée, ou d''une beauté qui échappe aux autres, ces plumes venimeuses se délectent de briser les vies des innocents.
Mais, je m'égare, et il me faut calmer cette montée de colère qui, je le crains, ne sied guère à mon état actuel. Quoi qu'il en soit, il est sage que je prenne un moment pour me reposer, avant de laisser mes sentiments m'emporter davantage. Je m'en vais me reposer et reviens vers toi rapidement.
Un peu plus tard.
Avant de reprendre le fil de notre conversation, il me faut absolument te partager une nouvelle des plus merveilleuses concernant ta petite nièce. Tout à l''heure, alors que je m'éveillais doucement de ma courte sieste il s'est produit un événement qui a fait bondir mon cœur de bonheur. En ouvrant les yeux, j'ai entendu un son doux et clair : « Maman ». Oh, Lizzy, je n'en croyais pas mes oreilles ! Je t'avoue que j'ai d'abord pensé que l''épuisement avait altéré mes sens et que mon esprit me jouait des tours. Mais non, c'était bien réel ! Eliza, encore à moitié endormie elle-même, m'a appelée de cette voix douce qui n'est qu'à elle, et en répétant à nouveau ce mot si cher, « maman ».
Tu imagines sans peine l''émotion qui m'a submergée. Mon cœur, comme pris d'une douce frénésie, a battu si fort dans ma poitrine que je craignais presque de ne pouvoir contenir cette explosion de joie. Ses premiers mots, Lizzy ! Des mots pleins de candeur, de simplicité, mais si chargés de signification pour moi. Je n'aurais jamais imaginé que ce petit mot, si souvent entendu dans la bouche des autres, puisse soudain résonner en moi avec une telle intensité. C'était comme si, en cet instant précis, elle m'offrait un trésor que nul autre ne pourrait jamais égaler.
La voir grandir jour après jour est un bonheur constant, mais entendre ce mot pour la première fois... c'était comme un doux rappel des liens que nous partageons, de cette tendresse infinie qui unit une mère à son enfant. Je ne peux m'empêcher de penser à ce que l''avenir nous réserve, à toutes ces petites premières fois qui continueront de ponctuer nos vies : ses premiers pas, ses premiers rires, ses premiers chagrins... Et aujourd'hui, ses premiers mots. Quelle bénédiction que d'assister à l''éveil de son esprit et de son cœur !
Oh, Lizzy, je me sens comme transportée, et j'en oublie presque la raison première de cette lettre. Mais comment pourrais-je ne pas partager avec toi un moment si tendre et joyeux ? Ce sont ces petites choses, ces petites merveilles du quotidien, qui illuminent nos vies, et je ne pouvais attendre plus longtemps pour te le dire.
Je reprends donc ma réponse, le cœur encore agité par toutes ces réflexions qui me viennent en pensant à Georgiana. Je comprends parfaitement que tu hésites à t'immiscer dans cette relation naissante, que tu préfères observer de loin avec prudence. Après tout, chacun doit être libre de suivre son propre chemin dans les affaires de cœur, et toute intervention excessive pourrait sembler maladroite ou intrusive. Cependant, je crains qu'il te faille, à un moment ou à un autre, offrir ton épaule à Georgiana pour la guider avec bienveillance. Elle a tant besoin d''un modèle, d''une sœur aînée en qui elle puisse avoir une confiance absolue. Cette pauvre enfant n'a pas eu, de par son passé douloureux et la perte prématurée de sa mère, l''exemple féminin dont elle aurait tant eu besoin pour naviguer à travers les méandres de la vie sentimentale et sociale.
Il me semble que, plus que jamais, Georgiana aura besoin de ton sens aigu de la justice et de ta tendresse, car il n'y a guère eu, hélas, de figures de femme assez fortes autour d'elle pour lui servir de boussole dans ces moments de doute. Certes, ma chère belle-sœur, même si je l''apprécie à sa manière, n'a pas toujours été la plus avisée dans ses conseils envers la jeune Miss Darcy. Elle manque parfois de cette finesse de jugement dont Georgiana aurait tant besoin. Mais toi, Lizzy, tu possèdes cet équilibre entre raison et sentiment, qui me laisse croire que tu seras d''un soutien inestimable pour elle. Elle te regarde avec une telle admiration, et je suis convaincue que tu sauras, en toute délicatesse, l''aider à éclairer son propre chemin sans pour autant la brusquer.
Ah, comme je me prends à rêver de voir Georgiana et le marquis se rapprocher ! Ils ont tous deux une profondeur de caractère et une expérience des douleurs du passé qui pourraient, si elles sont bien comprises et partagées, les amener à une relation des plus sincères et des plus belles. Je suis persuadée que, malgré leurs hésitations, ils pourraient se soutenir l''un l''autre et s'apporter ce qu'il y a de meilleur en eux. Je brûle d'impatience de voir comment cette idylle évoluera. Quelle merveille ce serait de les voir trouver le bonheur après tant de tourments !
Cependant, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour cette missive que Georgiana a reçue et que tu mentionne . Mon cœur se serre à l''idée qu'il pourrait s'agir de nouvelles fâcheuses concernant le marquis. Peut-être y a-t-il un obstacle que nous n'avons pas encore discerné, quelque secret qui pourrait entraver leur rapprochement. Oh, Lizzy, ne me laisse pas languir davantage dans cette attente ! La curiosité et l''anxiété m'emportent, et j'ai besoin de savoir ce que cette lettre contient. Quelles sont ces nouvelles qui planent au-dessus d''elle et qui pourraient affecter son bonheur ? Je t'en prie, écris-moi rapidement et éclaire-moi sur ce mystère !
J'attends avec impatience des nouvelles de toi, de Georgiana et de toute cette affaire, dans l''espoir que tu pourras dissiper mes craintes et que ce soit finalement une issue heureuse qui se profile pour eux.
Ta sœur qui t'aime,
Jane
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top