Jeudi 16 avril 1812, Netherfiel - partie 1


Ma très chère Lizzy,

Quelle bonheur de recevoir ces si belles nouvelles de Sanditon House ! Mon cœur s'emplit de joie à la simple pensée de ce lieu si cher à vous deux, que je n'ai pas encore eu l''honneur de visiter. Comme je regrette amèrement de ne pouvoir me joindre à vous en ces jours si remplis de bonheur et d''effervescence. Ah, si ma condition me le permettait ! Mais, hélas, ma grossesse me contraint à rester ici, dans l''attente patiente de l''arrivée de notre enfant, Charles veillant sur moi avec une vigilance presque exagérée depuis que nous avons appris la nouvelle. Il ne veut guère me voir prendre le moindre risque, si infime soit-il. Il m'enveloppe de toute son affection, mais comme tu le sais, son empressement à me protéger frôle parfois l''excès. Je me dois donc d'écouter ses recommandations, bien que je soupire intérieurement à l''idée de manquer ces moments précieux avec toi. Mais ce n'est que partie remise, et une fois la libération de cette attente venue, nous pourrons rapidement vous rendre visite.

D'ici là, je ne peux qu'espérer que Georgiana trouve enfin la sérénité et le courage de dépasser ses appréhensions quant au mariage. Ah, ce mariage ! Quelle épreuve de cœur et d''esprit pour tant d''entre nous, surtout à une époque où le bonheur d''une femme semble si souvent lié à ce seul engagement. Mais j'ai foi en elle ; sa douceur, son intelligence et son caractère raffiné sauront l''aider à trouver la voie qui la mènera à la paix, peut-être même à l''amour sincère que nous lui souhaitons tous. Peut-être que le temps passé auprès de toi, contribuera à dissiper ses doutes et à raviver la flamme dans son cœur.

Je me rends compte que je me laisse emporter par mes émotions ; cela est si facile, lorsque je pense à tout ce que tu vis ! Revenons à ton courrier et savourons chaque détail.

Concernant la dentelle exquise que tu m'as gracieusement envoyée, je dois avouer que je comprends parfaitement pourquoi elle a capté ton attention. Elle est d''une finesse rare, d''une brillance éclatante et je suis certaine que les lumières s'y reflètent avec encore plus d''intensité. Chaque fil semble tissé avec le soin que l''on réserve aux objets les plus précieux, et je n'aurais jamais imaginé quelque chose de plus digne de toi, ma tendre Lizzy. Cette dentelle est le reflet de ton élégance et de ta grâce naturelle.

Comme je te comprends lorsque tu évoques Miss Loyd et ses appréhensions. Je peux presque la voir, avec son regard baissé et ses mains agitées d''un léger tremblement à l''idée de recevoir la cour d''un gentleman. Ce moment où une jeune femme est exposée à l''attention particulière d''un homme peut sembler à la fois exaltant et terrifiant. N'est-ce pas là une épreuve de chaque cœur en fleur, qui se trouve pris dans un tourbillon de rêves, de doutes et d'espérances ? Et comme tu le dis si bien, cela est d''autant plus impressionnant quand on se trouve dans la fleur de l'âge, dans cette période où tout semble si incertain et où le moindre regard ou geste peut sembler porteur d''un avenir inconnu. Oh, je me rappelle si bien des réserves et des craintes que nous avons, nous aussi, éprouvées à une époque. Comment ne pas penser à Mary, qui encore aujourd'hui redoute de ne pas être à la hauteur des attentes d''un bon époux ? Comme tant d'autres jeunes femmes, elle porte sur ses frêles épaules tout le poids de ces attentes, ces injonctions de perfection qui pèsent si lourd sur les choix que nous avons à faire. Un mari, dans notre société, n'est pas seulement un compagnon de vie, il est aussi celui qui assure notre avenir, notre statut social, et parfois même, notre sécurité financière. Le moindre faux pas semble être un risque démesuré à prendre, et l''on ne peut blâmer Miss Loyd de se retirer devant tant de considérations. Ne ressens-tu pas, toi aussi, cette pression qui nous pousse parfois à la prudence, à la retenue, à la peur de l'échec ?

Je me dis, Lizzy, que peut-être tu pourrais aborder ce sujet délicat avec elle. Miss Loyd doit trouver en toi une confidente pleine de sagesse et d''empathie, et qui mieux que toi pourrait apaiser ses craintes ? Penses-tu qu'elles échangent comme nous jusque tard dans la nuit avec Miss Hall et Miss Darcy ? Ah, comme j'aime à me souvenir de ces nuits interminables où, après les bals, nous nous glissions dans nos chambres, nos pieds encore endoloris par la danse, pour échanger à voix basse. Quel doux et précieux souvenir ! Je me prends à rêver, Elizabeth, que nos enfants, un jour, puissent tisser entre eux des liens aussi forts que ceux qui nous unissent. Qu'ils partagent à leur tour ces longues veillées pleines de rires et de confidences, qu'ils soient pour les uns les autres cette source de réconfort et de complicité que nous avons toujours été. Quel bonheur ce serait de voir cette nouvelle génération, élevée dans l''affection et la tendresse, trouver des refuges semblables à ceux que nous avons connus. N'était-ce pas, en vérité, dans ces moments partagés, que nous trouvions la force de faire face aux réalités de notre condition de femmes dans ce monde parfois si rigide ? J'espère sincèrement que Miss Loyd trouveras le réconfort et l''appui dont elle aura besoin et je te sais suffisamment altruiste pour t'en charger.

Je dois te quitter car la fatigue me gagne. Mère m'a expliqué que cela arrive parfois en début de grossesse mais j'avoue que cette épuisement me lasse parfois... 

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