Chapitre 7 - Pauvre Georges
Août 1940
« Chère Élise,
Tu auras cette lettre tardivement, je ne saurais te dire quand exactement. Je m'en excuse. Il s'est passé quelque chose ici. Quelque chose de grave. Cette nuit Londres a été bombardée. J'aimerais te dire que tout le monde va bien mais...ce n'est pas le cas. Comme tu me l'as conseillé, je me suis rendu, alors que j'étais en permission, chez Georges. Je suis allé le voir et tu avais raison à son propos, c'est presque devenu un homme. Je pense que le fait qu'il soit resté derrière l'a gravement froissé. Georges veut s'engager Élise. Georges veut aider.
Et étrangement, je ne l'en ai pas dissuadé. Je pensais sincèrement que je le ferais dès qu'il aborderait le sujet mais je ne l'ai pas fait. Ô Élise, ne m'en veux pas mais comprends-moi : la guerre est là et nous avons besoin de bras.
J'étais donc chez lui quand nous avons entendu ces sirènes sifflant dans le ciel. Celles qui nous disaient : « Attention ! ». Comme la plupart des gens, on s'est précipité dans un abri, la cave de l'immeuble. C'est petit et étroit, surtout quand on se retrouve à trente-deux à l'intérieur. Néanmoins, je suis descendu avec Georges tandis que sa mère partait chercher la grand-mère habitant en face de chez eux. Il n'y avait qu'un palier séparant les deux appartements. Il n'y avait qu'un palier à traverser et, étrangement, par je ne sais quelle volonté divine, c'est cette façade de l'immeuble qui a pris. Pourquoi ? Comment ? Je ne saurais l'expliquer.
Alors, j'ai demandé une permission un peu plus longue, exceptionnellement, pour soutenir Georges dans cette épreuve. Je ne resterai pas éternellement avec lui mais je pense qu'il quittera Londres pour s'installer ailleurs. Plus au nord. Je l'enverrai chez un cousin d'un de mes camarades de dortoir. Ils ont une ferme eux aussi et les hommes étant à la guerre... Cela lui permettra certainement, pour un temps, de pouvoir faire son deuil. Tu sais Élise, quand je repense à la mère de Georges, je me sens triste. Elle qui nous faisait souvent de si bons gâteaux, elle qui nous laissait garder les chevaux. Elle était si douce et si gentille. Pauvre Georges.
Encore un malheureux de plus à rajouter à la longue liste qui compose ce vaste et sombre monde.
Pour en revenir à toi Élise, je ne te dirai pas que cela me ravit de te savoir là-bas, mais si Antoine veille sur toi, je présume que cela devrait m'apaiser la conscience. Il pourra le faire, lui. Moi, je ne le peux et je le regrette.
De plus dans ta lettre, tu m'énonces la raison si particulière qui t'a fait tomber amoureuse de moi et ça m'a rendu tout fier. Je ne sais pas pourquoi. J'ai souri comme un idiot. En lisant tes mots, j'ai souri comme un idiot, oui. Au fond, je suis peut-être encore ce petit garçon.
Je l'espère.
Je me rappelle encore quand je te disais que je ne m'éterniserais pas en Angleterre. J'ai été fou de le croire. Il faut se l'avouer, je suis apparemment ici pour encore un petit moment. Chaque fois que l'on pense partir, ils nous disent « On a besoin de vous » alors on reste. On reste, on attend et on part sur-le-champ. On monte dans un avion, la peur au ventre, priant tous les Saints de bien vouloir nous laisser revenir.
Nous ne sommes plus que treize sur la centaine, peut-être plus, de départ. Des amis, j'en ai perdus.
Mais toi, je ne te perdrai pas, n'est-ce pas ? Promets-moi de ne pas suivre Antoine dans toutes ses folles idées ? Il a toujours été téméraire, trop téméraire, pour moi et je ne veux pas qu'il t'arrive malheur. Je ne le lui pardonnerais pas. Je ne m'en remettrais pas. J'ai encore besoin de toi.
J'ai encore besoin d'entendre ta voix à travers tes mots.
J'ai encore besoin de t'entendre me dire que tu m'aimes. »
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