Chapitre 6 - Thomas es-tu là ?
Août 1940
« Thomas,
Dis-moi, es-tu là ? Thomas, es-tu en vie ? Je me languis de toi, voilà maintenant deux mois que je n'ai plus de nouvelles. Je t'ai écrit une lettre dans laquelle je te disais avoir rejoint Antoine dans le sud de la France. J'ai quitté le village avec mes parents et nous nous sommes séparés à la gare. A l'heure où je t'écris, ils doivent certainement être à l'abri chez un cousin de mon père. Je ne sais pas quand je les reverrai eux aussi mais je m'inquiète pour toi. J'ai entendu à la radio que l'Allemagne prévoyait de réduire Londres à feu et à sang. J'ai entendu qu'ils prévoyaient de s'attaquer à l'Angleterre. Dis-moi Thomas, es-tu encore là-bas ? As-tu vu Georges ? Oh Thomas, dis-moi que tu vas bien. J'en ai besoin. Besoin de savoir que mes lettres te parviennent. C'est la deuxième que j'envoie à cette adresse et j'ai cette terrible impression que tu ne me répondras pas.
Je crains le pire.
Depuis que je suis arrivée dans le sud, depuis que j'ai rejoint Antoine, je ne cesse d'apprendre ici. Mon rôle de fermière me manque et je suis, à mon grand regret, devenue infirmière. J'aide ici et là. Les hommes partent au petit matin, pour faire sauter un train et reviennent une main en moins, ou pire. Ce que j'ai longtemps voulu fuir, j'y suis maintenant confrontée et ça me fait peur. Je vois l'horreur. Je vois la terreur.
On dit qu'hier soir, dans le village voisin, dans la pénombre de la nuit, ils sont venus enlever des gens. Ceux que l'on accuse. Ceux que l'on pointe du doigt. Thomas, je suis devenue quelqu'un que l'on pointe du doigt. Viendront-ils pour moi aussi ? Je chasse cette idée de mon esprit dès que je me vois partir, embarquée de force, accusée d'aider mon pays. Accusée de me battre pour la liberté.
La France sera libre Thomas. Bientôt. J'en suis sûre.
Tu sais, depuis l'époque où nous nous battions dans les champs, Antoine est devenu un autre homme. Il est... Différent. Comment ne pas devenir différent avec tout ça ? Cela me rappelle que tu disais exactement la même chose dans une de tes lettres, il y a de cela quelques mois.
Il y a quelque chose que je dois t'avouer également. Quelque chose d'important. Quelque chose qui me tient à cœur.
J'ai besoin de te dire pourquoi ça a été toi. Pourquoi pas un autre de ces gars.
Pourquoi je suis tombée amoureuse de toi.
J'ai besoin de te le dire maintenant car j'ai la terrible impression, que je n'aurai pas une nouvelle occasion. Ou pas avant la nouvelle saison.
Je suis tombée amoureuse de toi à cause de ton rire Thomas. De ce rire qui éblouit. De celui qui vous réchauffe le cœur. Tu étais et tu seras toujours quelqu'un de particulier dans le mien. Je suis tombée amoureuse du garçon et de l'homme que tu es devenu à cause de ton rire Thomas. Je m'en moquais de tes petits bras et de tes cheveux toujours désordonnés. Tout ce qui comptait, c'était de voir à chaque nouvelle journée ce rire que tu avais. C'était ce qui me tenait le plus à cœur.
C'est ce souvenir que je garde de toi. Du garçon dormant dans la paille en se vautrant. De celui me portant sur son dos à chaque fois que j'avais mal aux pieds. Le souvenir de ce garçon, qui, de ses grands yeux marron, me regardait comme si j'étais la chose la plus importante et la plus précieuse pour lui. Je suis tombée amoureuse de toi, simplement pour ça. C'est bête n'est-ce pas ?
Mais tu sais, le cœur a ses raisons. Je n'ai pas choisi. Je n'ai pas commandé au vent. Je suis tombée amoureuse de toi simplement comme ça. D'un claquement de doigt. D'ailleurs l'idée que tu puisses être tombé sous le charme de l'une de ces infirmières de camp me rend un petit peu jalouse car que vaut la fermière que je suis comparée aux jeunes femmes belles et jolies ? »
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