Chapitre 47 - Là-bas...

Décembre 1942,

Ici, règne en maître le blanc immaculé.

Là-bas s'étale le sang tâché.

Une énième année semble se terminer, touchant à sa fin et Thomas n'est toujours pas rentré. Thomas n'est pas encore arrivé. Tous les jours depuis le début du mois, j'attends des heures durant sous le porche enneigé de la maisonnée. J'attends d'apercevoir une jeep militaire. J'attends de voir Thomas au bout de l'aller pour lui courir droit dans les bras.

Mais Thomas ne semble pas arriver et Noël approche à petit feu.

"- Élise viens voir ! Vite !"

Au loin, sur la colline, voilà qu'un véhicule vert semble s'avancer à allure moyenne vers la ferme.

"- C'est Thomas !"

Thomas est là. Thomas arrive.

Il me revient enfin.

Je jette la couverture dans laquelle je m'étais enroulée près de la cheminée et me précipite dehors, pieds nus, dans les graviers gelés. Étrangement, je n'ai pas froid. Mon cœur brûle et mon impatience me réchauffe.

Je suis la trajectoire de la voiture des yeux et chaque seconde me paraît être une éternité.

Thomas est là, comme il me l'avait promis.

Et puis, voilà qu'elle s'arrête devant le portail et je ne peux m'empêcher de courir en sa direction. Je ne peux m'empêcher de me précipiter à peine la portière s'est-elle entrouverte.

Je vais le revoir.

Mais ce n'est pas Thomas qui en descend. C'est un autre jeune homme.

Ce n'est pas Thomas. Où est-il ?

"- Vous êtes mademoiselle Élise ?

- C'est moi..."

C'est un anglais au vu de son accent, mais il maîtrise notre langue. C'est étrange.

"- Peut-on discuter ?

- Où est Thomas ?"

Je le cherche du regard à l'intérieur du véhicule, mais le chauffeur que j'aperçois détourne son regard de moi. Il l'abaisse. Se cache derrière son volant.

Thomas n'est pas là.

"- Je crains fort que Thomas ne vienne pas."

Non.

Non.

Non.

Non.

"- Alors que nous étions en permission, Thomas et deux autres gars de la compagnie ont eu un accident. Aucun d'eux n'a survécu. Je suis désolé."

Le choc de la nouvelle me noue la gorge et aucun son ne semble s'en émettre.

"- Selon le protocole et les dernières volontés de ce dernier, nous vous remettons ses effets personnels ainsi que cette boîte."

Ça ne se peut...Pas lui...Pas lui...Pitié s'il y a Dieu là haut...Ne me le prenez pas.

Pas mon Thomas.

"- Nous sommes navrés."

La jeep repart aussi sec et je reste là, au sol, effondrée.

Thomas ne reviendra pas.

"- Élise ! Élise ! Élise que se passe-t-il ?"

Un cri de douleur m'échappe tandis que la boîte que l'on venait de me confier vole devant moi, jetée sans ménagement. Plusieurs lettres s'en échappent, s'étalent dans la boue de la neige fondue.

"- Élise !!

- Th...Tho....Thomas est..."

J'ai l'impression de voir disparaître un bout de moi. Une moitié que l'on m'aurait brutalement arrachée. Vais-je donc tous les perdre ?

Thomas n'est pas mort à la guerre. Il est mort dans cette rue. Il est mort ici, au pays. Thomas est un enfant de la guerre n'ayant pas eu assez de temps pour raconter son histoire.

Thomas ne reviendra pas.

Ici, règne en maître le blanc immaculé.

Là-bas s'étale le sang tâché.

Et enfin, juste là, devant moi, s'écoulent les larmes d'une jeune fille abandonnée.

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