Chapitre 42 - Sombres pensées

Aout 1942,

Élise,

Il s'est passé quelque chose. Quelque chose de grave.

Georges est porté disparu.

J'ai appris cela tôt dans la matinée tandis qu'un petit groupe de gars était parti en mission. On ne veut pas m'en dire plus. On ne veut pas m'en parler. Personne ne veut m'en parler. Ils sont partis une vingtaine et ne sont que six à être revenus. Six sans Georges.

Élise, j'ai peur qu'il lui soit arrivé malheur. J'ai peur que Georges...

Ma main tremble et mon coeur s'emballe dans les pensées les plus sombres que je puisse avoir et le courage qu'il me reste t'est destiné. À toi et à cette lettre faisant office d'information. Élise, j'ai peur que Georges ne soit...J'ai peur qu'ils lui soit tombés dessus. Sur lui et sur tous les autres gars. J'en connaissais quelques-uns. D'autres n'étaient que des noms sur un visage, mais Georges Élise ! Putain, c'était Georges ! C'était mon petit frère. C'était mon ami. C'était le gamin du village que l'on a toujours cherché à protéger.

J'ai échoué. Lamentablement.

J'ai échoué Élise.

Je n'ai pas su garder Georges à l'abri de toutes ces conneries et j'ai l'impression de l'avoir tué. Je n'aurai jamais dû l'encourager. Je n'aurai jamais dû approuver ce choix. J'aurai dû tout faire pour l'en dissuader. Il était trop jeune ! Trop jeune pour ça ! Trop jeune pour l'horreur.

Il était...Trop jeune pour mourir ainsi.

Il ne méritait pas ça. Pas lui. Je lui avais promis ! Promis de le ramener chez lui. Chez nous.

Je lui en avais fait le serment en lui disant que quoi qu'il puisse se passer, ça irait. Je serais là. Je veillerais sur lui.

Mais j'ai failli.

J'ai failli à ma mission.

Ô Élise comme je me sens coupable. Georges n'était qu'un gamin. Un gosse, tu comprends ? On n'en voit pas des gamins à la guerre. C'est n'importe quoi. On n'envoie pas des gamins faire le travail des hommes.

Mais où va le monde, dis-moi ? Depuis quand sommes-nous prêts à ce genre d'idioties et d'absurdités ? Depuis quand tous les moyens sont bons pour la victoire ?

À quel prix l'aurons-nous cette prétendue victoire ?

Quel prix allons-nous encore devoir payer ? Quel tribu ?

Nous n'avons plus rien. On nous a absolument tout prix, si ce n'est encore nos vies.

Est-ce ça la guerre ?

Georges ne reviendra pas, est-ce que cela fait de moi quelqu'un de méritant ? Est-ce que je mérite de revenir ? Je ne sais pas si je pourrais un jour me le pardonner. L'avoir abandonné à son sort.

L'avoir laissé mourir. Seul.

Pourrais-je vivre avec un tel poids sur la conscience pour le reste de ma vie ? Le supporterais-je ?

Ô Élise, mes paroles vont te paraître bien horribles, morbides, mais je préférerais encore mourir. Je veux partir moi aussi. Dans de rares moments de folie, j'y pense.

Est-ce que je mérite de vivre plus qu'un autre ?

Georges est mort, sans doute.

Bientôt viendra mon tour et alors, je pense, être en mesure de pouvoir accueillir la mort les bras grands ouverts.

Je veux partir Élise. Vraiment. Je veux que ça cesse. Je veux que ces pensées, cette torture mentale que l'on s'inflige nous-mêmes cesse. Je veux que les cris que j'entends le soir, cessent. Je veux que l'horreur qui se déroule sous mes yeux, cesse.

Je veux que la guerre cesse.

J'en ai marre Élise. Marre de tout ça. Comprends-moi, je t'en conjure.

Thomas.

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