Chapitre 4 - Ils sont là

Juin 1940

« Cher Thomas,

Ils sont là. Tout le monde en parle, tout le monde a peur. Nous sommes piégés à l'intérieur. Le sais-tu ? L'Italie aurait déclaré la guerre à la France, elle aussi. Nous sommes seuls à présent. Seuls avec eux.

J'ai fait suivre ta dernière lettre à l'ensemble des villageois. Georges est parti avec sa sœur et sa mère, il y a de cela une semaine maintenant. Normalement à l'heure où je te parle, ils devraient tous être en Angleterre. Peut-être devriez-vous vous voir si l'occasion se présentait ? Plus les jours passent et plus il disait vouloir être comme toi. Tu es son modèle, son héros.

Il ne reste plus beaucoup de personnes dans le village, la plupart ont fui mais pas nous. Nous, nous sommes restés et nous n'abandonnerons pas des années de travail à cause d'eux. Avec un peu de chance, tel un orage, ils passeront à côté. Tu dis que tu as peur Thomas mais tu sais, je crois que nous avons peur tous les deux. Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais plus que faire en fait. Je tourne en rond en me disant qu'une solution se présentera, qu'un miracle nous tombera sur le nez, mais je n'ai pas l'impression que ce soit le cas.

Je ne sais quoi te raconter d'autre Thomas. Je n'ai pas le cœur à te conter toutes mes aventures. Je pourrais te parler de la ferme mais tu en rigolerais encore et je ne veux pas que tu te moques de moi et puis maintenant, toute seule, c'est devenu plus difficile pour moi. Je n'ai plus Georges et je refuse de demander aux vieux du village de me prêter main-forte. Les pauvres ont déjà assez à faire. Comme par exemple, Monsieur Blopart. Il me fait rire, tous les jours, assis sur sa terrasse, un fusil dans les bras. Il dit que c'est pour les exterminer, que jamais ils n'approcheront de chez lui mais on sait tous les deux comment ce genre de scénario peut se passer. Madame Martin, elle, m'a fait parvenir une lettre d'Antoine, son fils. Antoine serait parti pour le sud de la France ayant rejoint un groupe de combattants que l'on ne citera pas. Antoine se bat pour la liberté.

Il m'a invitée.

Que devrais-je faire selon toi ? Y aller ? Le rejoindre ? Oh Thomas, j'hésite. Si je pars qui s'occupera du village ? Et mes parents ? J'ai l'impression que toutes mes responsabilités sont ici et je ne peux les abandonner. Je ne peux fuir. Ici, j'ai cette sensation d'être à l'abri. Que quoi qu'il se passe, il ne m'arrivera jamais rien mais si je pars, si je pars alors j'accepte de prendre part au combat. J'accepte d'être de ceux qui aident, de ceux qui luttent.

Si je pars, j'aurais l'impression d'être ton égal. De t'aider en quelque sorte. Dis-moi Thomas... Le suis-je ?

Tu dis que je te manque mais je crois que l'on se manque mutuellement et que l'on ne pourra rien y faire pour remédier à ça. On ne peut que subir. C'est malheureux à dire mais maintenant qu'ils sont ici et que toi, tu es là-bas, rien ne changera. J'en ai peur.

Dis-moi Thomas, maintenant qu'ils sont là, sommes-nous condamnés ? J'ai peur. J'ai vraiment peur. Peur de finir dans l'un de ces camps. Peur d'en être réduite à la déportation moi aussi. J'ai peur de monter dans l'un de leurs trains et de ne jamais en redescendre.

J'aimerais que tu me dises quoi faire. Te connaissant, tu rouspéteras parce que je ne serai pas partie pour l'Angleterre mais je ne peux aller là-bas. Je ne peux laisser tous ces gens-là derrière moi. Comprends-le. Dois-je rejoindre Antoine ? Dois-je rester ?

Les combats, l'arrière. Ça m'est difficile de choisir. Aide-moi Thomas.

Pour finir, tu trouveras joint au courrier, une adresse. Celle de Georges. Va le voir si tu le peux, c'est important pour lui. Tu lui diras ce que tu voudras ou ce qu'il voudra bien entendre de toi mais essaye. Quant à moi, je pense réfléchir à la proposition d'Antoine.

Je t'embrasse et peut-être que je te raconterai, au détour d'un courrier pourquoi tu es celui que j'ai aimé. »

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