Chapitre 38 - Par moment, je rêve de toi
Avril 1942,
Chère Élise,
Voilà bien longtemps que je ne t'ai pas donné de mes nouvelles. Pardonne-moi, mais j'ai eu à faire de mon côté et les choses n'ont cessé de bouger. Je ne sais pas si tu es au courant ni jusqu'où vont les nouvelles du pays, mais sache qu'ici, ça ne va pas fort.
Je me suis promis une chose en t'écrivant cette lettre : ne pas te mentir.
J'en ai assez de vivre dans le mensonge et ça n'a jamais été mon fort. On nous ment constamment à la radio, dans les journaux, on le sait. On nous cache des choses volontairement parce qu'il ne faut pas que ça se sache. Alors moi, je vais te dire la vérité, je vais te dire ce qu'il s'est passé et ce qu'il se prépare.
J'ai pas mal bougé. De village en village. J'ai essayé d'aider ici et là, à ma façon. J'ai essayé de me rendre utile et de ne plus me lever avec ce sentiment de culpabilité.
Maintenant que j'ai réussi, je prends du temps pour t'envoyer ce bout de papier. Es-tu toujours en Angleterre ? Raconte-moi. Je n'ai eu que ta lettre où Thomas était avec toi. Comment va-t-il ? Dis-moi.
À chaque fois que je me bats ici, j'ai une petite pensée pour lui. Ne lui dis pas, s'il te plaît. Je ne veux pas qu'il s'imagine des choses et qu'il vienne à croire que je l'apprécie. Ce n'est pas le cas, non. Mais je le suis clairement reconnaissant, car grâce à lui, tu n'es pas seule. Ton amour n'est pas sans réponse non plus. Je l'ai tant envié et jalousé que j'arrive à peine à réaliser parfois, tout le mal que ça doit vous faire à tous les deux.
Les gens oublieront Élise, tu le sais n'est-ce pas ? Quand tout ça sera fini...Ils oublieront tout le mal que l'on s'est fait et celui que l'on s'est donné pour ne serait-ce que survivre.
Les gens oublieront et ceux d'après s'en ficheront.
Ils ne mesureront pas toute l'importance de notre combat, car ce que l'on vit aujourd'hui, ce que l'on perd aujourd'hui, c'est pour un demain meilleur. Certains appellent ça « la paix », mais je ne suis pas d'accord. La paix n'existe pas vraiment dans le cœur des hommes, car celui-ci est constamment en conflit. Nous nous battrons encore et toujours, mais ça ne sera jamais un combat d'une telle importance.
Ou alors, si ça le devient, j'espère qu'ils n'oublieront pas alors qu'avant eux, il y a eu nous.
Tu sais Élise, parfois, dans de rares moments, je t'imagine à mes côtés et je te vois me remonter les oreilles en me disant que ça ne me ressemble pas d'être aussi pessimiste et je sais que tu as raison. Ça ne me ressemble pas, mais que veux-tu, la guerre, ça vous change un homme.
C'est dur.
C'est irréaliste. Tout est irréaliste.
Plus rien ne tourne rond dans ce monde Élise. Les hommes n'en sont plus et ça m'effraie.
J'ai peur de voir notre déchéance et d'assister encore plus longtemps à tout ça. J'ai peur de voir la mort dans le regard de celui que j'ai en jou en face de moi.
J'ai peur de tout un tas de choses et parfois, ça me paralyse.
C'est l'horreur et le malheur qui nous tue chaque jour un peu plus.
Quand est-ce que l'on en verra la fin, dis-moi ?
Je veux retourner chez moi. Je veux embrasser les gens que j'ai jadis aimés.
Je veux m'allonger de nouveau dans un champ. Je veux pouvoir me baigner nu dans la rivière. Toutes ces choses me manquent terriblement.
Dont toi.
Mais je respecte ton choix que de l'avoir choisi lui. Je comprends. Thomas a toujours eu ce petit quelque chose en plus, et ce, depuis que nous sommes gamins. Thomas a toujours su être celui qui te fait rire. Je l'ai vu. Il n'y qu'à lui et uniquement à lui que tu montrais ton plus beau sourire. Thomas a toujours compté pour toi plus qu'un autre.
Plus que moi.
Dis-moi Élise, tu crois qu'un jour, toi et moi, on sera capable de se revoir ?
Dis-moi, puis-je au moins rêver en ce jour là étant donné que je n'ai plus rien ?
Affectueusement, Antoine.
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