Chapitre 23 - Prière

Juillet 1941,

Je ne dirais pas que je m'y suis faite. Je ne dirais pas que j'ai oublié, mais j'ai cessé d'y compter. J'ai mis cette attente dans un coin de mon cœur, un creux de ma tête. J'ai mis cette attente là où je le devais pour arrêter d'être omnibuler par ça.

Trois mois. Trois mois que je n'ai plus de nouvelles de Thomas. Trois mois que je ne sais pas où il est. Ce qu'il fait. S'il va bien. Est-ce que Thomas était, ne serait-ce qu'en vie ? Je n'en peux plus. Tellement de scénarios me sont passés en tête malgré moi. Je ne voulais pas y penser. Je ne voulais pas me torturer avec ça. Je ne voulais pas penser au pire, car le pire se réalise déjà. Le pire est là.

Antoine est parti lui aussi. Lasse de me voir me torturer pour un homme qui n'est pas à mes côtés. Il ne m'a pas abandonnée, il est juste parti, temporairement, vers d'autres occupations. Vers d'autres priorités. Il s'était trouvé un nouveau passe-temps. Passe-temps qui n'est pas moi et c'est tout ce que je demandais.

Antoine est parti. Thomas est absent.

Me voilà définitivement seule.

Pour la première fois de ma vie, me voilà seule.

Je me sens seule.

Abandonnée.

Rejetée.

Épargnée.

Ici, je suis à l'abri. Ici, je ne crains rien. Rien ni personne et pourtant, je ne suis pas à l'aise. Cette pensée de savoir que tout le monde se bat. Cette pensée que de me dire que je suis là, à attendre un miracle qui n'arrivera probablement jamais.

« - Élise ? Nous allons à l'Église du village. Veux-tu nous accompagner ? »

D'habitude, je refuse. Je décline poliment et je m'enferme dans mon monde. Je m'enferme et me perds dans les lignes que je réserve à Thomas, mais aujourd'hui, j'accepte. J'avais besoin de voir du monde. Des visages faussement souriants. J'avais besoin de parler à quelqu'un...

J'avais besoin de prier, à nouveau. D'adresser ne serait-ce qu'un vœu. Ne demander ne serait-ce qu'une chose.

Je ne veux pas la lune. Je ne souhaite pas l'impossible. Mais je veux que Thomas, faute de me revenir, me réponde. Je veux de ces nouvelles. Je veux pouvoir entendre sa voix à travers ses lignes. Je veux l'entendre me dire « Je vais bien, Élise ».

Mais sa dernière lettre n'était que crainte. Peur. Effroi.

Thomas avait peur et je ne pouvais rien pour lui.

Personne ne pouvait rien pour lui.

Personne ne peut rien pour eux.

Parce que nous sommes tous trop loin.

Nous ne sommes que là, dans un coin des cœurs, un creux des esprits.

Nous ne sommes que des marques sur l'âme.

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