Chapitre 22 - Je n'en peux plus Thomas
Juin 1941
« Cher Thomas,
Où es-tu ? Que fais-tu ? Voilà deux mois que je n'ai plus de nouvelles de toi. Voilà deux mois que je garde ma peur au fond de moi. Je sais. Je sais que tu es parti, parti là-bas, mais je te demande, Thomas : Où es-tu parti ? Tu m'as dit que tu partais, mais chaque départ me fait me demander si tu reviendras. Parce que c'est tout ce qu'il me reste aujourd'hui, cet espoir-là. Celui que tu portes sur tes épaules. Ailleurs, on dit que la guerre s'intensifie, que le monde est pratiquement tombé, mais je n'y prête pas attention.
Je ne veux pas y prêter attention plutôt. Au plus profond de moi je sais ce qu'il en est, je sais de quoi il en retourne, car je les écoute bien malgré moi ces ragots, rumeurs colportées d'un bout à l'autre du village, mais je veux me faire aveugle sur ce qu'il en est réellement parce que quand je comprendrais alors je serais obligé d'y aller. Moi aussi.
Et j'ai peur. J'ai peur qu'un jour on me dise que je suis dans l'obligation de rejoindre un front. Il y a un an, je t'aurais dit que j'aurais suivi n'importe qui, mais pas aujourd'hui. Plus aujourd'hui. J'ai peur sans avoir peur. J'ai le courage sans avoir le courage. En fait, je ne sais juste pas ce qu'il me reste à part ces lettres et toi. Parce que ce sont tes réponses qui me font croire à demain. Ce sont tes réponses et tes nouvelles qui me réconfortent. Je sais que tu me mens. Je sais que tu ne me dis que des demi-vérités. Je le sais parce que je te connais. Je te connais Thomas. Tu as toujours été comme ça. Protecteur. Vigilant. Attentionné. Bienveillant. Tu as toujours été comme ça aussi longtemps que je m'en souvienne. Tu as toujours fait attention à moi. Particulièrement à moi. Tu faisais attention à ce qui se passait autour de moi.
Donc je sais que tu ne me diras jamais vraiment tout malgré mes nombreuses et nombreuses demandes de rien me cacher, mais je comprends, tu sais ? C'est pour le mieux n'est-ce pas ? Tu ne veux pas que je sache parce que tu te demandes comment je réagirais si je le savais ?
Moi-même je ne sais pas trop. Je ne sais plus rien.
En fait, Thomas, je crois que je suis perdu sans toi. Je nage dans un brouillard d'incompréhension et d'incertitude à la recherche de réponses. Parce que c'est ce qui semble logique dans ces temps difficiles n'est-ce pas ? Chercher la logique.
Mais où est la logique quand le monde s'entre-tue ? Où est la logique quand les hommes tombent les uns après les autres ? Des pères, des frères, des maris, des cousins, des oncles, des neveux. Tant d'hommes qui ne rentreront jamais. Plus jamais.
Et je sais, qu'au fond...Tu en fais partie.
Tu ne rentreras pas Thomas. Et toi aussi tu le sais. Tu es un garçon intelligent et tu l'as sans doute compris depuis longtemps.
Mais tu n'as rien dit. Tu ne m'as rien dit. Tu as fait ce choix de me sourire et de me rassurer aussi longtemps que tu le pouvais.
Parce que ça comptait. Il fallait me préserver.
Dis-moi Thomas, quand tu mourras, est-ce que tu m'aimeras encore ? Est-ce que l'on s'aimera jusqu'au bout ? Jusqu'à la fin ? Dis-moi Thomas, notre amour ne sera-t-il pas déchiré par tout ça ?
Je suis confuse, Thomas. Perdue. Je ne sais plus. Je ne peux plus continuer comme ça. »
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