XXI. Cimetière d'Automne au cœur d'Hiver

I - R.I.P

 17/09/2020


Ô Mort adorée Ô Mort détestée, me voilà donc face à toi

Pour l'une des toutes premières fois

Ô Mort maudite qui ravit l'âme des vieillards vacillants

Ô Mort cruelle qui emporte le souffle des silences inconscients


Un processus de dissociation s'est mis en œuvre pour m'empêcher de te voir

Et je crois que je n'arrive toujours pas à y croire

Aveugle, hébété, vide et anéanti

Aveuglé par les larmes, étouffé par un choc assourdi

Je te regarde sans comprendre prendre la main blafarde

Abattu, impuissant, sur ta longue faux scintillante je m'attarde

Scintillante comme le soleil éternel

Des âmes sans conscience Les âmes immortelles


Je frapperais les murs pour avoir des larmes, mais elles ne viennent pas

Mais mon cœur se serre, comme ma gorge comme un étau

Ceux qui l'on aime dont on partage le sang Les piliers de l'enfance Partent toujours trop tôt

Je veux songer mais mon esprit est vide Si vide et si atone que je n'en reviens pas


Où est passée ton inspiration et ta joie de vivre, petit poète ?

Me demande ma muse décontenancée qui se croyait de mes idées le prophète

Elle est là, répond la belle jeune fille d'hiver, mais elle ne sort pas

Coincée comme le fossile dans les glaciers, elle bouillonne sans faire fondre la glace

Les larmes que déverse cette âme sont des mots, qui comme la neige dans mes boucles s'amassent

Au pied de l'esprit avant de fondre près du cerveau et de geler sur le pas

De la porte d'une paire de lèvres tremblantes et closes

Nul plus que la Mort ne rend plus vide que morose.


II - Linceul de neige

22/09/2020


Dans la chambre Orchidée, une vision que je n'oublierai jamais

Ce fut un choc de voir ton visage d'ange, et voici désormais

Tes yeux paisiblement fermés Qui toujours demeureront

Aveugles, tes lèvres tirées en une indescriptible expression


Bien habillé, ton corps est blanc, ton visage serein sans souffrance

Mains blafardes et sages auxquelles nulle larme ne peut faire offense

Je t'ai regardé en face pour la dernière fois, et pour la toute première pourtant

Pour se préparer à la vision du défunt éteint moins d'un instant

Le deuil dédaignant le déni s'empare de ma gorge serrée, mes lèvres derrière le masque étouffées

Sont comme des cors de peine qui de mon propre souffle entrecoupé reçoivent les bouffées

Et je n'ai pas osé m'approcher jusqu'à te toucher Qu'en mon être me trouvais-je tendu !

J'aurais bien pu te parler, mais je ne l'ai fait qu'en pensée, car tu ne m'aurais plus entendu


La chaleur peinée de ta sœur de ton épouse près de ton corps froid et décontracté

Les doigts glaciaux étranglant les gorges galvanisées et endeuillées

Par le courant soudain du chagrin, famille et amis réunis dans la chambre funéraire

Pour rendre un dernier hommage, le premier de la journée, au mari, oncle, frère et ami honoraire


Dehors la pluie fait rage tandis qu'après le cercueil scellé nous nous rendons à l'église

Gouttes grises, le ciel pleure et sa douleur tout dans nos cœurs s'enlise

Les saints cierges succèdent à l'averse, vient l'heure des chants, des prières et des hommages

Ceux qui t'aimaient furent nombreux Cérémonie solennelle d'adieu et de témoignages

Quand fut venue l'heure du recueillement, la pluie cessa et à travers le vitrail coloré

Parut la lumière éclatante et divine Je fixai, émerveillé, l'avènement du soleil doré

Ton Seigneur, celui en lequel tu crois, vient tendre sa main de lumière à André Thècle

Et t'accueille avec lui, cadeau de paix et de sérénité, pour les siècles des siècles


Je pose ma main sur la bière, la gorge étranglée, et je me souviens

T'avoir souhaité, lors du scellement dans le bois, « Repose-toi bien »


III - Fleurs célestes

17/09/2020


À la recherche de l'apaisement, j'ai posé mes yeux dans ceux de mon homme

Et je cherche à voir en toi comme en lui, ce que fantôme l'on nomme

Le corps purifié aux flammes sacrées sera donné et, tes derniers vœux entendus,

Les cendres du petit garçon à sa sainte Mère seront rendues.


À présent nous nous dirigeons vers le cimetière et je cherche le réconfort

Dans l'esprit de mon homme Ma tante fière de moi m'a dit que j'ai été fort

Elle l'est elle aussi, indéniablement, l'une des femmes les plus fortes que j'aie ren- contrées

Quelle chance de s'être uni à un tel pilier, couple soudé qui a voyagé jusqu'aux contrées

De Diamant Nous voici désormais, avec dans la marre les poissons vermillons

À la maison des Morts Le cortège macabre du défunt Et d'amour de chagrin nous fourmillons

Te voici de retour, chérubin nouveau-né, escorté par ta triste et loyale ronde

Dans les bras enterrées de la mère qui t'avais mis au monde


Ô Marie je vous salue

Les roses de l'amour t'offrent le salut

Car bientôt, sur la stèle près de laquelle dans les bras maternels tu es scellé

Ton nom, sous celui de ta mère, sera gravé en belles lettres dorées


Voici à présent l'heure de poser nos mains sur l'urne marbrée

De déposer une à une les pièces du bouquet sur tes cendres, rouges et ambrées

L'homme que je suis se retient, mais la belle jeune fille d'hiver s'étrangle

En mon être vide mon cœur est serré, rencontrant la mort sous un tout nouvel angle

Et pourtant les fleurs te vêtissent, toutes les roses, les tournesols et les glaïeuls

Couronnent d'amour cette urne noire Te voici Roi de l'Éternité, Grand Prince Aïeul

Nos pleurs encore ne se sont pas taris, mais notre reconnaissance n'est pas en reste

Accepte de t'élever dans les cieux bleus, jovial chérubin, béni par nos fleurs célestes.


Repose-toi bien dans les bras de Marie Le temps cause la mort

Mais il apaise aussi le deuil Les bons souvenirs s'éveillent quand tu t'endors

Chérubin couronné de lumière, dans ton linceul de neige ou tout vêtu de fleurs célestes

Écoute les paroles que je n'osais plus te dire et qui composent désormais ta geste.

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