Il a peur des miroirs. Il n'a pas de mort à pleurer, mais couvre toutes les vitres d'un drap. À croire que c'est lui qui est mort, et qu'il s'empêche lui même de refaire surface. Son moment préféré c'est quand il pose sur son doux visage ce perpétuel maquillage. Il peut enfin se regarder, pas dans les yeux bien sûr, mais il semble déjà quelqu'un d'autre. C'est triste, mais qu'est-ce que l'on est vraiment quand on n'a absolument personne qui nous attend le soir ? Qu'est-ce qu'on est quand on vit pour faire rire et vivre les autres ? Qu'est-ce qui reste quand le clown enlève son maquillage ?
Lui seul en tête à tête avec son diable en a la réponse, aussi dûre soit-elle, il ne la prononce ni ne la pense de peur qu'elle raisonne dans tout son être. Ce manège de masques tout-faits s'arrête, il vient de poser le dernier, plus rien ne se reflète sur la vitre. Cette étincelle qui frétille dans ses yeux elle part avec le maquillage, d'un geste simple et rapide, voilà notre prince du rire aussi vide et nu que sa peau.

Pourtant il est beau ce prince de l'ombre, même sans cette étincelle, il a ce regard si différent, ça le rend encore plus magnifique que tous ces sans-défauts qui parcourent son château. Seulement y'a personne pour lui dire, le diable préfère le garder caché au creu de ses mains. Il range ses poings dans ses larges poches, tout habillé de sans-couleur, le voilà qui déambule dans l'ombre des lumières colorées des autres maisons de la foire. On ne le remarquera pas s'il disparaît. Il est l'âme semi-vivante de ce plateau de jeu. Peut être croiserez-vous son reflet sur une vitre accidentellement non couverte, vous seriez si chanceux.  Mais lui vous ne le verez jamais. Il a peur des miroirs.