Fais ta vie, l'inutile. Tout le monde le pense, personne ne le lui dit. En plus d'être inutile elle doit sûrement être stupide. Dommage. Ils ne sauront jamais qu'elle est du genre à lire dans les yeux. Trop facilement peut être, sans jamais faire une erreur aucune. Passer de classes en classes, de toits en toits, d'une route à une autre. Mais sans but.
Y'a des jours elle oublie de se demander à quoi elle sert, l'inutile. Quand on lui a demandé de tout faire à notre place, elle s'oublie et s'abandonne à la tâche. L'ombre des foyers, elle vie pour donner. Puis y'a ces repas où elle est obligée d'aller. Ceux-là même où elle se demande pourquoi elle les a accompagné. Beh oui, personne ne la regarde. Et elle n'a rien à leur dire, pour changer.

Y'a le chez elle. Celui-là elle l'attend déjà en se réveillant le matin. Celui où elle reste seule, face à sa planche à dessin, les idées noires chassées par le rock, balancées sur le papier. Puis y'a ce "qu'est-ce que tu veux faire plus tard ?". Terrible. Beh la seule chose qu'elle sait faire, qu'elle a envie de faire, elle a pas pu, ça coûte trop cher.
Disons que le porte monnaie rempli compte bien plus que la main d'artiste.

Elle ne sait pas parler l'inutile. Elle n'est pas intéressante, encore moins fascinante. Elle a pas de relations, de toute façon elle s'habille trop sombre. Mais tout ça, ça lui a jamais manqué. Elle a toujours préféré la solitude aux hypocrites, à l'obligé, et à la société. Même dans ses rêves elle n'est personne. Elle est cette ombre qui vient en aide puis qui s'enfuit. Elle rend le diable furieux à désirer le rien. Il ne pourra pas la corrompre. De toute façon elle n'a pas peur de lui. Elle danse sur ses braises, le nargue de sa foutaise.

La beauté du silence commence. Face à toutes ses heures de vide, celles où elle réalise, comme de nouveau prise, que jamais elle ne pourra se dire "enfin je vis". Elle prend cette fois un grand format, pas de légèreté ce soir, ça sera du noir. Fais ta vie, l'inutile.