Koa ne pouvait détacher son regard de Malo, une fois que ce dernier se sentait détendu, il devenait un véritable moulin à parole.
Cela faisait bien une demi-heure qu’il le regardait parler et parler… Malo était passé de sa relation avec Laura, à un souvenir d’enfance, tout en parlant de sa chienne puis en dérivant sur l'écriture, ses rougeurs reprirent place sur la totalité de son visage lorsqu’il aborda les souvenirs des derniers jours. Koa ne savait pas comment l'arrêter, en avait-il même envie ? assurément que non. Il se demandait tout de même si Malo avait un interrupteur pour le stopper, un léger sourire narquois au visage, et Koa trouva LA technique.
-Qu'est-ce qu’il y a…? demanda Malo, désorienté face au regard mi-amusé mi-brûlant de son interlocuteur, il se frotta le visage, agréablement gêné. J’ai un truc sur le visage ? je me suis mal essuyé la bouche ??
Koa se maudit instantanément pour ses pensées les plus profondes, ce visage et cette bouche… Son loup grogna intérieurement, lui faisant reprendre conscience.
-Non, tu es magnifique, je me demande juste comment tu fais pour avoir autant de salive.
-Co…oomment ça ?
-J’aime t’entendre parler, j’aime également ce que tu dis… notamment la partie où tu avoues m’avoir raccroché au nez par angoisse, même si je ne suis pas dupe c’est drôle à entendre.
-C’est un coup bas ! Tu étais impressionnant… Et je n’aime pas appeler.
-J'étais ?
Encore plus de rougeurs, “j’adore ça” pensa Koa.
-Tu… Tu l’es… Enfin, je veux dire, tu es toi…
-Et toi tu es toi, un très beau moulin à parole, infatigable.
-Désolé…
-Jamais. Une tension émana au creux de l’estomac de Koa, son regard s’accrocha à celui de Malo alors qu’avec le toucher aussi léger qu’une plume, il releva le regard de l'écrivain, sa peau brûlait au contact de la sienne. Pas d’excuse avec moi, soit naturel.
-Mais tu…
-Je te taquine seulement Malo. se reculant doucement, il croqua dans son deuxième toast à l’avocat devant le regard médusé et empourpré de Malo.
-Je sais… Mais je sais que je peux être un peu, trop, des fois, souvent… grimaçant, il avoua. tout le temps.
-Tu n’es pas trop, tu es toi, point barre.
-Bien chef.
-Tu es insolent, se mit à rire Koa.
-Laura me le dit souvent, mais toi tu parles la bouche pleine.
Haussant un sourcil de défi, Koa termina son toast tout en répliquant :
-Tu marques un point, mais si je ne le fais pas tu vas recommencer à beaucoup parler et à midi on est encore là.
-Touché… mimant une pointe au cœur, Malo pouffa avant de reprendre son sérieux, amusé. Mais on aurait plus qu'à manger ici, et puis tu n'as pas l’air d'être le genre de personne à laisser payer l'addition, je pourrais prendre le plus cher de tous les menus.
-Je suis millionnaire, pas loin du milliard, tu penses qu’un menu va me ruiner ?
-Tu te vantes.
Koa plissa les yeux, constatant une fois de plus les rougeurs de Malo.
-Tu rougis.
-C’est faux.
-Si tu veux, ça serait un rencard ?
-Quoi !? Koa rigola franchement de son petit effet.
-Tu rougis encore plus.
-Je… ça va hein…
-Coulé. d’un regard séducteur, Koa lâcha son plus beau sourire en coin avant de se fondre à nouveau sur la banquette, il termina son café et sans lâcher Malo du regard il récupéra la note sur la table, sortit deux billets de sa poche de jogging et les accrocha à celle ci.
-Koa…
-Hm ?
-Merci… Souffla Malo, à l'extrême de la gêne.
-Je t’en prie, je t’ai invité après tout.
-Laura t’a bien aidé.
D’un doux sourire, Koa comprit dans le ton de voix de Malo, qu’une pointe de reproche pointait le bout de son nez.
-Je peux me tromper Malo, mais je pense que Laura ne veut que ton bonheur.
-Oh c’est ce qu’elle veut oui, mais parfois j’ai l’impression qu'elle ne se rend pas compte à quel point je suis…
-Différent ? Malo hocha la tête mais ne détourna pas son regard de celui de Koa, ce dernier, bien que secoué par la tournure de cette conversation, garda une contenance certaine. C’est pas ton hypersensibilité qui fait de toi quelqu'un de différent, c’est ce que tu en fais.
-Comment tu…
-Je suis très observateur, et puis mon frère est hypersensible aussi.
-Tu as un frère ?
Grimaçant, koa se reprit après s'être maudit soi-même.
-Ouais, un p’tit frère, bref, on y va ?
-J'avais également un p’tit frère.
“foutu pour foutu”, Koa retrouva sa place chaude et encouragea Malo à se confier.
-Avais ?
-Il est décédé à cinq ans.
-Je suis désolé.
-Quelle âge a ton frére ?
-Vingt ans, et il s’appelle Wyatt.
-Nolan, mon petit frère s’appelait Nolan. Comme une lame tranchante au fond de sa gorge, le prénom de son frère entaillait absolument tout sur son passage.
-C’est un beau prénom.
-Il le détestait, ma mère l'embêtait souvent en l’appelant nono, c'était encore pire pour lui.
Un voile de tristesse s’empara du regard émeraude de Malo, Koa n’en loupa pas une miette et tiqua sur ces informations avant de se confier à son tour.
-Ma mère n’a pas eu le loisir de charrier Wyatt, elle est décédée en le mettant au monde.
-Accident de voiture, mère, père et frère. se levant légèrement étourdi, Koa regarda Malo se redressa également, pour une fois il ne savait pas quoi répondre, aucun mot ne serait assez fort face à la détresse évidente dans laquelle se trouvait Malo. T'as raison, on devrait y aller.
-Malo attend… attrapant sa main avec douceur, l'électrochoc mutuel ressentis leur coupèrent le souffle un instant, si proche et pourtant si loin, Koa resta tout près de Malo et murmura : Je suis désolé… réellement désolé pour cette tragédie et pour en avoir parler… j’aurai pas dû et…
-Tu n’y es pour rien Koa… on devrait s’en tenir au contrat.
-Au contrat ? ne comprit pas ce dernier.
-Et aux rendez-vous professionnels oui.
-Très bien. un tremblement imperceptible de ses mains le fit se reculer, la douleur qu’il ressentait face aux mots de Malo était bien trop importante pour la laisser de coté, si d’ordinaire il aurait pris ses médicaments, là, de suite, il tâtonna ses poches sans jamais trouver ses gélules. Merde… excuse moi il est quelle heure ?
-Un peu plus de neuf heures.
-Et merde.
-Qu’est-ce qui se passe ?
-Rien. Sans demander son reste, Koa sortit rapidement du café.
-Attends ! t’as pas l’air bien, tu…
-J'ai pas vu le temps passé, je dois y aller.
-Mais tu…
Koa entrait doucement mais sûrement dans un état émotionnel complexe, ses sens n'étaient plus ses alliés tandis que son cerveau prenait un malin plaisir à le torturer. Des flashs. Des odeurs. Des paroles. Des douleurs… Il posa distraitement sa main sur son flanc gauche et jura lorsque la main de Malo le frola.
-Malo stop ! S’il te plait, juste stop.
L'agressivité. Voilà ce sur quoi il travaillait le plus avec ses psy, le trouble de stress post-traumatique, la cause à effet de son état soudainement agité. Il détestait se sentir vulnérable, et même s’il l’avait accepté avec Malo, à l'instant t toute trace d’acceptation avait disparu, ne laissant la place qu’a ce trouble psychiatrique sévère, un état second absolument inévitable.
Malo avait reculé, non pas par peur mais par tristesse, Koa le voyait mais ne s’en formalisait pas, son cerveau lui interdisait de réfléchir et d’être empathique. L’exact opposé du caractère naturel de Koa. Ce dernier, se sentant donc coupable de l'état de Koa, décida de se faire petit et de quitter le devant du restaurant après une brève phrase, se répercutant de plein fouet dans l'estomac de l'éditeur.
-On se voit à notre rendez-vous, à ton bureau tout à l'heure.
Respirer, ne plus penser à rien,
Respirer, ne plus penser à rien,
Respirer, ne plus penser à rien,
Respirer, ne plus penser à rien.
Dans un temps qu’il ne pourrait pas définir, Koa se retrouva devant l'îlot central de sa cuisine, les deux mains apposées à plat de chaque côté de l'évier, un tube de médicaments ouvert et éparpillé à côté de lui… Des nausées l'empêchaient de pouvoir s’allonger, alors que les effets de ses différentes géllules qu’il venait d’ingérer dilataient ses pupilles tout en troublant sa vision, les vertiges s'accumulaient en lui.
“merde” était tout ce qu’il pensait en cet instant, pourquoi il avait-il fallu qu’il sorte sans ses medicaments ? sans son téléphone ? sans regarder l’heure sur sa montre ? sans se taire face à la détresse de Malo… Il se retourna et se laissa glisser contre le meuble froid derrière lui, les jambes étendues il soupira, désarçonné. Sa douleur se transformait en une forme de culpabilité extrêmement violente.
Mais son entreprise devait tourner, et rien ne devait entraver sa routine de travail. Alors il se leva au bout d'une dizaine de minutes, le temps que son corps assimile la totalité de son traitement, et il fila sous sa douche.
Vingt minutes plus tard, il montait dans sa voiture, son coeur n'était pas au rendez vous pour aller à son entreprise à pied, et son humeur ne lui donnait aucune envie de passer par les portes principales. Alors c'était vêtu d’un costume noir comme ses pensées qu’il entra dans l’acsenceur du sous-sol, aucun détournement possible jusqu’a son bureau. Mais c'était sans compter sur son tout nouveau assistant.
-Koa ! vous arrivez bien tard.
-Ça va, c’est mon entreprise, j'arrive quand je veux. Nate se tassa sur lui-même, faisant doucement grimacer Koa qui se reprit. Désolé, j’ai passé une sale nuit, je te parle même pas de ma matiné.
-Aucun soucis ça arrive, sortant de l'ascenseur, Nate se tourna sur Koa qui le dévisagea intrigué. Je vous fais un café ?
-Je veux bien, je te remercie Nate.
-À votre service patron !
Levant les yeux au ciel, Koa n’eut pas la force de répliquer quoi que ce soit, la fatigue qui embrumait son cerveau était aussi épaisse qu'un brouillard sous moins dix degrés. Il se frotta les tempes tout en se dirigeant jusqu'à son bureau.
La journée s'annonçait longue, plus encore lorsqu’il se rappela que d’ici quelques petites heures Malo serait là, dans les bureaux.
Assis sur sa chaise de bureau, il ferma les yeux un instant, la tête en arrière, ses pensées vagabondaient ça et là sans répit… il somnola au moment où un toc sur la porte le fit sursauter.
-Entrez !
Une tête brune accompagnée de Nate rentra dans le bureau, tout sourire, Koa se leva et la prit brièvement dans ses bras.
-Contente de vous voir monsieur Darcy.
-Moi aussi Mia, prête à prendre ton nouveau poste ?
-Bien sûr ! Être à la charge de tout cet étage c’est une bénédiction ! Nate fera du très bon boulot pour vous, j’ai toute confiance.
-J’ai aussi confiance en lui, en vous deux, d’ailleurs. Récupérant son café que lui tendait Nate, il en but une gorgée, savourant cette douce dose de caféine. Excellent.
-On vous laisse tranquille.
Koa regarda son ancienne assistante ainsi que son nouvel assistant sortir de son bureau, dire qu’il était heureux était un doux euphémisme, même s’il appréciait la compagnie de ses collègues, aujourd'hui, se retrouver seul et au calme était une de ses priorités.
Il avisa l’heure, et soupira, encore une heure et demi avant que Malo n’arrive, il avait donc le temps de respirer en travaillant sur quelques mails et manuscrits. Après deux trois mails qu’il transféra à son assistant pour des prises de rendez-vous, Koa posa fébrilement son menton sur ses deux mains jointes, la caféine disparaissait doucement de son organisme. Sa respiration se cala au même rythme que les battements de son cœur, ses paupières se fermaient lentement, l’emmenant avec assurance jusqu’aux bras de morphées, à même le bois ébène de son bureau.
Malo, lui, venait justement de se réveiller, une sieste de deux heures avait été inévitable après avoir pleuré dans les bras de sa meilleure amie. La culpabilité l’avait accablé, ses sens beaucoup trop sollicités étaient exténués, tandis que son cerveau, lui, ne cessait de lui rejouer mot pour mot les conversations qu’il avait eues avec Koa. Les expressions de son visage, ses réticences physiques, lui-même ne savait pas pourquoi cette histoire le perturbait autant, après tout il le connaissait à peine non ?
-Tu te tortures l’esprit dès le réveil Malo ?
-Qu’est-ce que j’ai fait Laura… Je l’ai blessé, j’ai… Je pensais même pas que j’arriverais à aligner deux mots et au final je suis devenu horrible…
-Je t'en prie Malo tu n'as rien fait de mal, tu as été honnête, peut-être que j'aurais dû être plus douce ce matin, mais tu n'aurais jamais accepté ce petit déjeuner.
Malo se redressa, ajusta le coussin dans son dos et regarda avec tristesse Laura s'asseoir à ses côtés.
-Quand on voit comment ça s’est terminé…
-Qui ne tente rien n’a rien, et puis en soit c’était même pas une dispute de ce que tu m’as raconté, seulement un quiproquo ?
-Je lui ai dit qu’on devait rester uniquement sur une relation pro. Cette phrase était si tranchante qu’il en eut lui-même des frissons de colère.
-Les sentiments ne se contrôlent pas, et puis tu as réagis comme tu as pu avec la totalité de tes émotions, s’il comprend si bien qu’il le dit l’hypersensibilité, il ne t'en voudra pas.
-Des sentiments ?
-Malo… Tu peux te tromper toi-même, mais moi je vois très clair en toi, je ne te parle pas forcément d’amour, mais tu l'as dans la peau.
-C’est faux.
-Cette marque te brûle à chaque fois que tu le vois ou que tu penses à lui… Effleurant du bout de ses doigts la marque d’alpha au creux du cou de son meilleur ami, ce dernier frissonna et lâcha une larme qui s'effaca doucement sur la main de Laura. Tu ne peux pas nier qu’un lien spécial vous unis, alors c’est peut-être rien, peut-être même que c’est parce que ta période de chaleur va arriver, je ne sais pas, quoi qu’il en soit tu as signé avec lui, tu vas publier ton livre Malo… Et si tu veux te concentrer sur ça et uniquement sur ça, c'est ok.
-Vraiment ?
-Tes envies, tes émotions Malo, personne n’a le droit de dicter ta vie.
-T’es vraiment une meilleure amie en or, tu sais je ne te le dis peut-être pas assez souvent, mais je t’aime.
Son sourire angélique fit craquer sa meilleure amie, elle se pencha et embrassa avec tendresse ses cheveux, caressant son cou au passage.
-Je t’aime encore plus.
-Hm… se laissant aller contre l'épaule de Laura, il ne put s'empêcher de partir une fois de plus dans ses pensées. Je le connais à peine, c’est vrai… on s’est vu trois fois, et je me prends la tête pour… je ne sais même pas pourquoi.
-Alors arrête de te prendre la tête, lâche prise et laisse le temps faire les choses, concentre toi sur ton livre, vas à ce rendez-vous, fais le travail qu’on te demande et moi je t’attendrais avec Laka quand t’auras fini.
-Tu veux pas emménager avec moi ?
-C’est toi qui as déménagé je te signale !
-Je n’en pouvais plus de te voir galocher JST toute la journée. Tout en grimaçant, Malo se leva et se dirigea vers sa salle de bain, une douche bien longue et chaude l'attendait. Tu sais Laura, je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit avec Koa. De son regard déterminé, il accrocha celui de sa meilleure amie. Je veux me concentrer sur mon livre, c'est déjà une chance énorme qu'il soit édité… Je veux m'accrocher à ça.
-Comme tu le sens Malo.
-Merci d'être là.
-Toujours.
Sur ces mots, Malo rentra dans sa salle de bain, sous le jet brûlant et faisant rougir sa peau nu, il laissa ses pensées vagabonder. Mais dès lors où sa main récupéra la fleur de douche, la porte s'ouvrit à la volée.
-Qu'est-ce qu'il y a ? questionna-t-il inquiet en voyant à travers la buée de la paroie, le regard stressé de sa meilleure amie.
-Il est onze heures passé Malo ! Ça fait plus d'une heure que tu es dans cette douche et t’es déjà en retard pour ton rendez-vous avec Koa !
-QUOI ?! merde, merde, merde… J’ai jamais été en retard de toute ma vie Laura !
-Je t'ai préparé un jean et un sweat, dépêche toi on t'attend devant l'entrée !
Ni une, ni deux, Malo termina de se laver et enfila les vêtements posés sur son lit. Une dizaine de minutes plus tard, c'est en accrochant sa montre à son poignet qu'il sortit en courant.
-Je suis là !
-Je te le propose même si je connais la réponse, veux-tu que je t'emmène en voiture pour gagner du temps ?
-Non.
De son regard noir il clôtura cette discussion et s'engagea d'un pas pressé dans les rues de son quartier, Laura à son chevet tentant tant bien que mal de calmer le flot d'émotions qui assaillait le chiot ainsi que le maître.
-Tu sais que Laka est nerveuse parce que tu l'es ?
-Je sais.
-Tu vas bouder ? osa demander cette dernière, récoltant un énième regard noir. Ne me regarde pas comme ça Malito.
-Cesse de m'appeler ainsi.
-Jamais, tu boudes ?
Comment résister à l'intonation de voix mi-amusé mi-tendre de sa meilleure amie ? Il ne pouvait pas, Malo lâcha un sourire boudeur en râlant faussement.
-Non je ne boude pas… mais s'il-te-plaît stop avec ce sujet.
-Un jour tu devras monter dans une voiture, tôt ou tard, si je te le propose c'est pas pour t'embêter.
-Je sais… penaud, il glissa ses doigts entre ceux de la main libre de Laura, la remerciant d'un regard, il soupira. Je suis désolé, c'est juste que je ne peux pas… quand tu parles voiture, tout remonte, l'accident, la douleur, mes parents, mon frère…
-Malo…
-Ça va aller. Reprenant un sourire qu'il voulut rassurant, il continua sa route, sachant pertinemment que Laura avait compris que cette discussion devait se terminer, maintenant.
Une fois arrivé aux éditions Darcy, Malo s'était maladroitement présenté à l'accueil, Nate se trouvait dans l'ascenseur quand ce dernier y entra presque en courant.
-Pressé ? Malo grimaça.
-En retard.
-Koa ne l'a sûrement pas remarqué.
-Comment ça ? s'inquiéta Malo.
-Il s'est endormi sur son bureau, et il est de mauvaise humeur, je vous montre la salle où les équipes vous attendent ?
-Merci oui…
La culpabilité, quelle émotion dégradante et douloureuse… Malo en faisait les frais, une fois de plus. Torturé par la vie, torturé par son esprit, par son hypersensibilité, un mal de tête plus tard et il se retrouva assis dans cette grande pièce, l’absence de Koa à ses côtés entouré de sept personnes était insoutenable, la présence de Nate était rassurante, oui, mais son loup et son coeur pensaient autrement… l’angoisse montait crescendo, d'abord un regard à droite, et puis un soupire à gauche, une personne le fixant, une autre levait les yeux au ciel, Malo se tassa sur lui même. “Je suis si ridicule”, pensa-t-il, la honte cohabitait désormais avec l’angoisse.
Pourquoi avait-il fallu qu’il accepte le rendez-vous ? il n’aurait jamais dû signer. Il s’enfonca petit à petit dans ses regrets, son index tapa frénétiquement sur son bloc note immaculé, sa respiration se cala au rythme de ses pensées, son ordinateur se mît en veille et sa vision se troubla de larmes… si parfois ses crises d’angoisses arrivaient sans prévenir, celle ci était arrivée avec douceur, telle une caresse épineuse sur un coeur meurtris. Une larme glissa sur sa joue et il se leva, bouscula ses feuilles vierges ainsi que son stylo qui roula pour terminer sa course sur le sol.
Tous s'étaient retournés au bruit catastrophique qu’avait fait la chaise sur laquelle Malo était assis, ce dernier en un quart de seconde se retrouva dos aux sept personnes et face à la beauté d’un homme qui accéléra son rythme cardiaque.
-Koa…
Malo ne lâcha pas du regard l'éditeur, ce dernier garda un stature professionnelle face à ses employés mais l'étincelle dans son regard trahissait son inquiétude, il avait rattrapé au vol le stylo bleu de Malo sans jamais lui rendre, l'écrivain était on ne peut plus nerveux face à cette scène qui se déroulait devant ses yeux.
-Nate, tu peux aller voir Mia, elle a besoin de toi sur un dossier. Son regard bloqué sur Malo, il annonça. Toi, suis moi.
Malo se fit traîner comme un enfant, du moins c'était la sensation qu’il avait, plusieurs excuses lui trottaient en tête mais aucune n’arrivait à franchir la barrière de ses lèvres, il était beaucoup trop accaparé par les multiples crises d’angoisses qui se succédaient en lui.
Sa main tremblante dans celle de Koa qui avançait vers un endroit inconnu, il la regardait, douce, chaude, rassurante.
De l’air frais fouettant tout d'un coup son visage, un rooftop aménagé d’un seul et unique banc était devant lui, un endroit vide, il ferma les yeux, le dos contre le béton froid et l’odeur boisée de l’homme à ses côtés prenait en otage ses angoisses, celle ci se tarissait tandis qu’il inspira fortement, une divine chaleur s'insinuait en lui, de même que son courage.
-Je suis désolé, murmura-t-il avec douleur, une seule et unique larme coula sur sa joue, effacée par une main chaleureuse et légère.
-Tu n'as aucune raison de l'être.
Si proche, Malo ouvrit les yeux et ses contractions cardiaques cessèrent quelques secondes, le regard de Koa à quelques centimètres du sien exprimant mille et une émotions, mais aucune d’entre elles ne montrait d’animosité. Les paumes de l'éditeur réchauffaient autant les joues que le cœur de Malo, sa respiration se calma, sa culpabilité s'effaca à mesure que son regard virevoltait entre ses yeux vairons, et ses lèvres rosées par les températures hivernal.
-Koa…
-J’ai paniqué Malo, parce que jamais personne ne m’a fait ressentir ce genre d'émotions… quand tu m’as rejeté…
-J’ai eu peur Koa, regarde moi je… je t’ai blessé, j’ai été méchant, je te connais à peine, tu me signes un contrat et moi je te repousse, je suis odieux, immonde… je suis tellement désolé, je ne devrais pas faire ça, j'aurais pas du déjeuner avec toi, tu as certainement eu pitié, je suis insignifiant, tu pourrais déjeuner avec des personnes exceptionnelles et tu te contentes d'une immondicité, mais je t’assure que ça va aller… je vais rester dans mon coin et…
-Tu as encore beaucoup de bêtises en stock à dire ou c’est bon ?
Bouche-bée, Malo ne sut quoi répondre, seul les battements de son cœur calés à ceux de Koa étaient perceptibles sur la terrasse, le regard de Koa était on ne peut plus brûlant, incendiant doucement l’estomac de Malo qui disjoncta son cerveau.
-Je…
-M’autorises-tu à t'embrasser ?
Une seule question et tout le corps de Malo s'éveilla, il en avait rêvé, il en avait cauchemardé, il en avait pleuré et pire encore son loup l’avait torturé pour cette idée… Sans savoir un seul instant si Koa était sérieux, il plaqua avec douceur ses lèvres sur les siennes, un grognement le fit sourire, celui du loup de Koa, détestant se faire prendre par surprise. Les émotions qui émanaient de ce baiser firent couler les larmes de l'hypersensible, son cœur fut pris entre deux douces mains rafistolant une plaie à vif, celle de la culpabilité.
Les frissons provoqués par les mains brûlantes de Koa glissant sur son cou lui firent reculer, un instant il pensa avoir dépassé les limites, les pires pensées vis à vis de cette scène prirent possession de lui, un instant alors que les phéromones de Koa mélangées à son odeur le rassure en un claquement de doigt.
-Je suis désolé… je ne sais pas ce qui m’a pris…
-La ferme Malo.
A son tour, Koa déposa ses lèvres sur celle de Malo, inspirant toute la tendresse qui émanait de ce baiser, aussi léger qu’une plume se posant sur l’eau, il laissa ses pensées sombres couler, sortant pour quelques instants de cette constante submersion.
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