Chapitre 3

-Malo !! Dépêche toi tu vas être en retard !

-Je n’y vais pas.

-Oh si tu vas y aller, de gré ou de force.

-Et c’est toi qui vas m'y forcer peut-être ?

-Tout à fait, tu sais très bien que je suis capable de te traîner là-bas en caleçon s'il le faut.

-Mais…

-Pas de mais, c’est la chance de ta vie, alors tu te lèves de ce canapé et tu vas t'habiller, tout de suite !

-Oui ça va, ne crie pas… viens Laka.

Traînant des pieds jusqu'à sa chambre, il rentra dans son dressing et soupira face à son portant de costume, il détestait ça. Son éternel sweat bleu ciel et son jean gris lui suffisait amplement, mais aujourd'hui il voulait être sur son trente-et-un afin de contrecarrer son état émotionnel interne.

Laka se coucha sur le petit fauteuil au milieu de la pièce, Laura se mit à rire en arrivant, trouvant le regard du chiot légèrement désespéré.

-Tu veux mettre un costume ?

-Pourquoi ? il faut pas ??

Elle roula des yeux face à la précipitation dans la voix de son meilleur ami.

-C’est juste une question bateau Malo, il n’y a pas de piège.

-Tu crois que ça ferait trop ?

-Je pense que tu dois rester toi-même.

-Jean, sweat ?

-Jean sobre, polo, veste habillée. accompagnant ses paroles par des gestes, elle sortit un jean noir qu’elle accompagna d’un polo blanc et d’une veste de costume noir aux liserets blancs, posant le tout sur le deuxiéme fauteuil. Plus qu'à sortir tes baskets blanches.

-Sûre ?

-Essaie et après tu me dis.

Passant les vêtements sans grand entrain, il soupira face à ses cheveux désordonnés qu’il voyait dans son reflet. Néanmoins, la tenue le mettait en valeur et ça, il ne pouvait pas le nier. Se retournant, il croisa le regard tendre de sa meilleure amie qui s’approcha tout en récupérant quelque chose à côté d’elle.

-Qu’est-ce que c’est ?

-Une véritable touche de toi. Elle glissa alors autour de son cou un foulard bleu marine qu'elle noua élégamment sur le haut de son torse. Là, tu es parfait. Un aboiement retentit, la faisant rire en reculant d'un pas. Tu vois, même Laka est d’accord avec moi.

-Évidemment qu'elle est d'accord avec toi, tu lui donnes constamment des friandises !

-Et toi alors ? Je ne te donne pas de friandises pourtant.

-Saleté ! s'indigna Malo, se retournant dos au miroir, il lui lâcha son regard le plus faussement choqué.

-Je sais ! Mets tes baskets et je t'emmène.

-Tu m'emmènes ?

-En voiture. répondit prudemment Laura.

-Non.

-Malo…

-Non, c'est non. claqua ce dernier sans une once de négociation dans le ton de sa voix.

-Bien.

Ses lacets bien serrés, il se releva et récupéra le double de son manuscrit ainsi que sa sacoche d’ordinateur qu'il glissa sur son épaule.

Le miroir de l'entrée lui envoya un reflet qu'il n'aimait pas… Certes, il savait que le choix vestimentaire que sa meilleure amie avait choisi était parfait. Néanmoins, les cernes sous ses yeux trahissaient le nombre de cauchemars qu'il engendre chaque nuit; ses iris vertes assombri par la tristesse d'avoir un rendez vous si important, sans pour autant pouvoir le partager avec ses parents; ses joues creusés de ne pas avoir mangé à sa faim durant sa semaine de chaleur qui s'était terminé il y'a seulement trois jours; ses cheveux indisciplinés; mais surtout et pas des moindres, il voyait uniquement cette marque très faible mais toujours présente au creux de son cou… Lui rappelant chaque jour qu'être un oméga n'était pas un cadeau.

Une truffe froide au creux de sa main pendante le long de son corps le ramena à lui, il secoua la tête et se baissa afin d'embrasser la boule de poil à ses pieds.

-Tu sais que je t'aime toi…

-On y va et on l'emmène ? Je t'attendrai en bas avec elle.

-Tu ne montes pas ?

La panique se ressentant au fond de sa voix, Laura récupèra la laisse de Laka et la fit sortir dans la cour avant de se positionner doucement face à son protégé, ses deux mains sur ses épaules en guise de soutien.

-Tu vas y arriver, affirma cette dernière. Je serais juste en bas donc avec toi, et n'oublie pas… Un SMS et je suis là dans la seconde.

-Et si au final il…

-Non Malo, pas de et si.

-Je vais gérer.

Riant face à une phrase positive employée avec un ton précaire, elle le prit dans ses bras une seconde, embrassa sa tempe et le relâcha avant de le devancer en allant chercher Laka dans le jardin.

-Exactement, c'est parti !

Arrivant quinze minutes plus tard devant le grand bâtiment, Malo prit le temps de s'arrêter et de le contempler.

Chaque relief de l'édifice imposait le respect, rien n'avait été laissé de côté : la façade était recouverte de gigantesques vitres où le logo des Éditions Darcy trônait fièrement, un morceau sur chacune d'entre elles ; les spots de lumière illuminaient des lettres dorées au dessus de l'entrée. Éditions Darcy, Malo se demandait s'il avait déjà vu quelque chose d'aussi classe que cela un jour, à ses yeux sûrement que non, d'ailleurs son regard se fit happer par une chose qui accéléra son rythme cardiaque, une double porte après quelques escaliers menant tout droit à l'un de ses plus grands rêves.

La peur après l'émerveillement, Laka se tenait fière à côté de son maître, elle ressentait chaque émotion provenant de ce dernier… Autant que Laura qui laissa son protégé quelques instants seul, voyant le besoin de Malo de se connecter à ses émotions.

Si un jour on lui avait dit que ce rêve arriverait, du moins un effleurement de rêve se dit-il à lui-même, il ne l'aurait jamais cru.

Sa maman lui exprimait toute son admiration face à ses textes et poèmes qu'il écrivait depuis ses douze ans, le voilà treize ans plus tard à l'aube de ses vingt-six ans, voulant à tout prix revoir le sourire aimant, tendre et réconfortant de Maïna Payol, la seule et unique femme de sa vie. Un pincement au cœur le fit soupirer, huit ans sans entendre la voix de cette dernière et la douleur était toujours aussi puissante.

-Laura…

-Hm ?

-Tu crois qu'elle serait fière de moi ?

-Autant que je le suis oui, se positionnant à côté de Malo, elle le rassura d'une main douce sur son dos. Je n'ai jamais vu une mère aussi fière de son enfant, lorsque tu venais faire du bénévolat au foyer tu ne voyais pas la façon dont elle te regardait, moi si… Elle me parlait constamment de son fils prodigue, son bébé au caramel. Un gloussement plus tard, elle continua. Elle était et est on ne peut plus fière de toi, et je suis persuadée qu'à cet instant elle est au près de toi.

-Si je ne t'avais pas rencontré dans ce foyer six mois avant l'accident… Laura je…

-Je sais Malo, je sais. Un baiser sur le front et elle sécha du bout de son pouce la seule et unique larme qui s'était échouée des yeux aux teintes émeraudes de l'auteur. Mais tu es là, et tu vas aller montrer à ce cher Koa Darcy, qui est Malo Payol.

Qui je suis ? lança la petite voix dans sa tête, il ricana sans émotion tout en soufflant à moitié conscient de ses mots :

-Un jeune hypersensible qui n'arrive même pas à demander une viennoiserie dans une boulangerie, qui n'arrive à rien dans sa vie, qui…

-Mais t’as fini de dire des bêtises oui ? le coupa Laura sans aucune gêne.

-Désolé.

-Dix-neuf heures quarante-cinq… Il est temps d'y aller, je te dis un gros merde.

-Et je ne te dis pas merci. Il embrassa la joue de sa meilleure amie tout en riant, se pencha et réitéra un énorme baiser dans la fourrure de sa chienne, recevant un coup de langue dans le cou en guise de soutien, et quel soutien. Merci ma Laka d'amour.

Commençant à partir les bras chargés, il sentit son cœur battre la chamade. L'idée de faire demi tour le tentait bien mais la voix de son amie de toujours s'éleva, douce comme un courant d'air et réconfortante comme un rayon de soleil un matin d'hiver :

-N'oublie pas Malo, un SMS et je suis là, t'es le meilleur tu vas éblouir ce grand éditeur ! Je crois en toi !

D'un sourire étincelant et un regard déterminé, Malo passa les portes et s'annonça à l'accueil, malgré sa voix tout à fait assurée, à l'intérieur c'était tout autre chose. Il tritura son worry stone dans sa poche, l'aidant à faire descendre son anxiété. Ce petit objet, il l'avait reçu de la part de son père lorsqu'il avait dix ans, il était usé et la couleur s'était ternie mais, jamais au grand jamais il ne s'en séparerait.

Entrant dans l'ascenseur afin de se rendre au dixième étage, il baissa la tête face aux deux personnes déjà présentes à l'intérieur, il ne les avait pas vu entrer, l'intriguant.

Alors il fit ce qu'il faisait à chaque fois qu'il entrait dans un nouvel espace, il analysait chaque détail : la colonne de bouton digital affichait un sous sol ainsi qu'un parking employé au moins-un, même l'ascenseur avait un goût de luxe sans trop être tape à l'œil, il fut stoppé dans sa contemplation lorsqu'il entendit les deux hommes parler entre eux. Malo commère ? Il vous dira que non, dans un espace si réduit, il ne peut pas faire autrement qu'écouter, n'est-ce pas ?

-Comment s'est passé votre rendez-vous ?

-Ça a été, as-tu reçu ton contrat ?

-Non ! Le dragon de l'enfer refuse de me le donner sans que vous soyez là.

-Nate… voyons, de l'enfer est exagéré, dragon c'est déjà lui donner trop d'importance.

-Elle vous a donné un peu plus de paperasses à faire. taquina un des deux hommes.

Malo lâcha un rire amusé mais discret face à l'esclaffement des deux personnes, l'un d'eux d'ailleurs grogna tout en rigolant, un son inaudible pour les bêta, décuplé pour les oméga.

Le plus grand des deux hommes bougea nerveusement, sa main glissa entre sa cravate et son cou, discrètement il tira dessus… dégageant malgré lui des phéromones, qui une fois de plus ne passèrent pas inaperçues auprès du seul et unique Oméga présent dans l'espace restreint dans lequel ils étaient.

-Tu rigoleras moins lorsque tu devras faire cette fameuse paperasse après avoir signé ton contrat Nate. lâcha aussi naturellement que possible ce dernier, Malo sentit dans sa voix un soupçon de déstabilisation, mais lorsque le deuxième homme parla, il s'arrêta de respirer.

-C'est donc uniquement pour ça que vous voulez me garder monsieur Darcy !

-Pour la dixième fois aujourd'hui, juste Koa.

Et ce fut à ce moment que Malo osa, pour la première fois relever son regard, une gêne intense empourpra ses joues d'une teinte rosée. Son cœur loupa plusieurs battements et son estomac se contractant… Devant lui se tenait possiblement Koa Darcy, certainement même, peut-être ? Il n'en savait rien, un mélange de plusieurs émotions se tramait en lui, il ne comprenait pas ce qui se passait jusqu'à ce que l'homme plante ses yeux dans les siens.

Une paire hétérochrome sonda son âme en un instant. Deux yeux qu'il avait déjà vus plusieurs fois. L’homme qu'il avait frôlé l'après-midi même durant sa balade avec Laka se tenait devant lui, dans un costume trois pièces bleu marine. Une élégance naturelle et un charisme à tout épreuve émanait de cet homme, mais pas que… une odeur, rassurante, envoûtante, et angoissante… et à la gestuelle qu'il voyait devant lui, il n'était pas le seul à ressentir cette étrange sensation.

-Tout va bien ? S'inquiéta l'homme face à lui. Il s'était rapproché au grand damne de Malo qui recula d'un pas, butant contre la paroie glacée du carré dans lequel il se trouvait. Son souffle se coupa, un flash-back se déroula derrière ses paupières qu'il avait fermées l'espace d'une demi seconde. Une douleur au thorax le fit inspirer sans aucune douceur, il essaya tant bien que mal de canaliser les larmes qui menaçaient de prendre possession de ses yeux verts. Sa respiration se fit moindre et au moment où il allait s'écrouler, l'ascenseur se stoppa, le ding d'ouverture s'annonça et il sortit en trombe, bousculant cet homme inquiet à ses côtés. Monsieur ?!

Malo en cet instant n'avait plus aucune perception du monde l'entourant, les lumières étaient si vives et les bruits si forts qu'il eu l'impression que sa tête allait exploser, téléphone en main, il trouva un recoin dans les toilettes de l'étage et appuya sur son numéro favoris dans son répertoire, une crise d'angoisse malheureusement inévitable était en train de l'engloutir sans aucune pitié.

Dans l'ascenseur, Nate appuya à nouveau sur le bouton d'ouverture des portes, son patron n'avait pas bougé d'un centimètre, comme paralysé au milieu de ce petit espace.

-Koa ?

-Ça va. mentit Koa. Je vais dans mon bureau, fais attendre dix minutes de plus mon rendez-vous.

Couloirs, bureau, médicaments.

Dire que Koa était déstabilisé était un doux euphémisme, il était tétanisé, en proie à une haine incommensurable contre lui-même. Cette odeur, ce regard, ces phéromones… tout chez cet homme réveillait ses sens, son loup intérieur criait famine et hurlait son désespoir d'avoir pour lui tout seul ce bel humain aux cheveux bruns et au regard d'un vert éblouissant.

-Koa calme toi… Souffla-t-il en entrant dans son bureau, il trouva la chaise à taton tout en buvant dans sa gourde et s'installa dessus sans aucune douceur. Son noeud de cravate se desserra à une vitesse folle tandis qu'il attrapa une fois de plus sa boîte à lunette, y sortant deux comprimés pour les avaler par la suite. Je l'ai déjà vu... Je le sais… une frappe sur la porte le fit sursauter, se redressant dans son fauteuil il énonça : entrez !

-C'est moi, j'ai prévenu le jeune auteur que vous auriez quelques minutes de retard, mais…

-Merci Nate, tu peux sortir.

-Koa, tout va bien ? Je dois vous…

-Je vais bien merci. D'un faux sourire, il commença à s'agacer. Tu peux prendre congé Nate.

-Vous ne voulez pas que je reste ? Ça serait plus prudent car…

-Non ça ira, retourne en salle de réunion.

-Mais je…

-Nate ! Son cœur accélérant, il soupira en passant une main fébrile sur son front, grimaçant en sentant tout son corps trembler de colère. Sors s'il te plaît.

-Je vous attends en réunion.

-J'arrive.

Le néant, voilà ce à quoi aspirait Koa. Une multitude de questions tournaient dans son esprit, ou l'avait-il vu ? Était-ce simplement une impression ? Allait-t-il bien ? Qu'avait-t-il eu ? Ça… il en avait une vague idée, cet oméga n'avait pas de grande capacité à cacher son odeur ni son statut. Depuis le moment où il était rentré dans l'ascenseur, Koa l'avait repéré, son regard n'avait cessé de se faire happer par cet homme, son foulard bleu ne l'avait pas laissé indifférent. Au-delà d'avoir aimé cette petite touche sur sa tenue, il avait aimé son style en entier… Cette façon de se mordre la lèvre, cette main touchant un objet dans sa poche, son pied gauche qu'il faisait tressauter sans s'en rendre compte, et surtout, son odeur.

Hypnotisé par celle-ci, Koa s'était retrouvé complètement épris et prisonnier de son propre loup qui ne faisait que de se manifester, heureusement son remarquable self contrôle était toujours présent, n'importe quel alpha avec cette senteur, aurait succombé.

Une nouvelle frappe sur la porte et il tapa du plat de la main sur son bureau, s'énervant davantage quand la personne ne daigna pas attendre de recevoir un accord pour rentrer dans le bureau.

-Tout le monde t'attend en réunion, j'aimerai bien partir moi.

-Et bien pars j'en ai que faire de toi, je n'ai pas besoin de ta présence pour décider de signer un auteur ou non.

-Je te demande pardon ?

-Tu as très bien compris Aurore. Se levant, il contourna son bureau, ajusta sa cravate et sortit en la faisant reculer de son regard noir. Maintenant si tu veux bien t'en aller, j'ai du travail.

-Il serait temps.

-Oh je t'en prie, tu passes ton temps à te faire les ongles enfermée dans ton bureau, tu pourras me parler travail quand tu auras fait en une semaine le quart de ce que je fais en une journée. Sans lui laisser le temps de répondre, Koa rejoignit la salle de réunion deux étages plus haut, l'escalier étant une bonne option pour se vider la tête et ne croiser personne, l'ascenseur, lui ayant laissé un goût amère il se jura de l'éviter le plus possible. Malheureusement, les effluves de phéromones persistaient elles aussi dans l'escalier. Fait exprès lui aussi à pensé à prendre l'escalier… cette journée avait si bien commencé pourtant.

Il arriva alors à l'étage des réunions avec un agacement certain, agacement contre lui-même de ne pas avoir pu parler à ce jeune homme, agacement de penser à lui au lieu de se concentrer sur ce pourquoi il était là, le manuscrit. Il avait eu un réel coup de cœur pour cette histoire, tiraillé entre ça et l'homme de l'ascenseur, il rentra dans la salle de réunion.

Une odeur envahit soudainement ses narines, du lys… son cœur s'était stabilisé en quelques secondes, tandis que son regard s'était radouci aussitôt.

-Koa, voici Malo Payol. Désigna Nate en regardant le concerné avant de se tourner sur l'auteur. Monsieur Payol… Koa Darcy.

Et à cet instant, leurs regards se croisèrent et plus rien ne semblait exister dans la pièce.

Koa entendit les battements de cœur de Malo s'accélérer, ses propres contractions cardiaques s'élevaient tandis qu'il s'approchait sans jamais pouvoir relâcher le sourir béant qui étirait ses lèvres.

Le regard émeraude de Malo se voila d'une fine brillance de douceur, alors que le souffle de Koa se coupa lorsque sa peau rentra en contact avec la sienne.

-Enchanté… souffla Malo en essayant de récupérer sa main, bien que le contact de son interlocuteur ne le dérangeait étonnamment pas.

-De même, je vous en prie, asseyez-vous.

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