Je fixe l'œil de veau depuis maintenant 2 minutes.
Ce truc est vraiment écœurant. Je ne peux m'empêcher de penser au mignon petit veau qui me regarde... Berk, mais ferme là, je suis encore plus écœuré maintenant.
Vive mon intelligence. 
Je me tourne vers Lucky, qui lui, semble fasciné par cet œil. Il le touche du bout du doigt et l'observe de tous les angles.

- Hum... je ne veux pas toucher à ça !

C'est vraiment hors de question que ce soit moi qui dissèque ce truc.

- Voyons, Madison, ce n'est qu'un œil ! Tu peux le toucher, regarde c'est marrant.

Ouiiii !! Bien sûr c'est super marrant de toucher un globe oculaire qui a appartenu à un bébé vache.

Il a beau me faire les yeux doux accompagné d'un sourire super craquant, jamais je ne toucherai ce truc visqueux. Je m'éloigne un peu et prend la fiche d'aide pour la dissection.

- Ne sois pas dégouté, dis-toi que le reste de son corps a fini dans ton assiette...

C'est censé m'aider ? Parce que maintenant j'ai un haut le cœur. D'habitude quand je mange de la viande, je ne me pose même pas la question...

- Et bien... à partir de maintenant ...je suis végétarienne !

Si seulement je ne bégayais pas mon affirmation aurait plus d'aplomb.

Pour toute réponse, Lucky me lance un sourire moqueur qui signifie clairement « je paries que tu ne vas pas tenir ». Et bien c'est ce qu'on verra. Je reporte mon regard sur la fiche.

- Tu dois ... hum... « faire une boutonnière au niveau de l'équateur, puis couper tout au long de... »

- Une boutonnière ? C'est quoi ça ?

- Tu dois faire un trou, en gros.

Il prend le ciseau et appuie faiblement dessus.

- Tu devrais appuyer... un peu plus fort.

Je le vois prendre de l'élan avec sa main pour poignarder l'œil, mais je l'arrête.

- Mais t'es malade ! Pas si fort !

- Tu veux le faire peut-être ?

Ah ça non ! Je me recule pour le laisser faire. Non mais franchement, cet œil est immonde... Et ça pu, mon Dieu !
Lucky se reconcentre sur sa tâche et enfonce la lame dans l'œil. Un peu trop fort.
J'explose de rire en voyant un liquide noir s'échapper de l'œil pour atterrir sur le visage du beau blond.
Des larmes coulent sur mes yeux et mon rire refuse de se stopper. Lucky tourne sa tête toute dégueulasse vers moi, incrédule. Puis il se met à rire avec moi. Les autres élèves nous regardent, hésitant à rire du populaire « Lucky ».
Je sens le regard sévère de notre prof' de biologie. Mais pour une fois, je m'en fiche complètement de me faire remarquer avec mon rire trop fort. Ce spectacle est trop hilarant pour que je puisse me contrôler.

Après plusieurs minutes de fou rire, nous nous stoppons peu à peu. J'essuie mes larmes en souriant avant de me pencher pour attraper un mouchoir dans mon sac.

- J'aime bien ton rire.

Je rougis mais continue ce que je fais. Je passe le mouchoir sous l'eau avant de lui tendre.

- Tiens essuie toi le visage.

Il me remercia avec un sourire et commence à s'essuyer.

- Plus à gauche... un peu plus haut... Non de l'autre côté !

- Vas-y fais-le !

Mon sang se fige. Je lui prends doucement le mouchoir des mains et essuie délicatement sa joue.
Je sens son regard sur moi ce qui détourne mon attention. Je plonge dans ses iris bleus.
La fascination l'emporte et j'arrête mon geste. Je n'ai jamais été aussi près de lui. Son souffle mentholé me fait frissonner.
J'inspire profondément, histoire de me calmer, mais mauvaise idée. Son parfum absolument délicieux envahis mes sinus. Il sent si bon. La voix de Lucky me sort de ma transe.

- Pourquoi tu n'es pas plus souvent comme ça ?

Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'il veut dire ?

- Je ne t'ai jamais entendu rire avant. C'est un son vraiment magnifique. Mais pourquoi tu n'es pas plus souvent comme ça ? Je connais juste la Madison coin... renfermée. Et j'aimerai bien...

Je m'écarte brutalement et lui jette le mouchoir au visage.

- J'ai fini.

- Madison ! Ce n'est pas ce que je voulais dire...

Je force un sourire et me retourne vers la fiche.

- Ce n'est rien. Bon maintenant que tu l'as percé...

Je l'entends soupirer avant de reprendre les ciseaux en main. Pendant les deux heures de TP j'ai senti son regard sur moi, et il a essayé en vain de faire la conversation. Je sens mon morale être au plus bas. Je pensais que Lucky était différent, qu'il ne me voyait pas comme les autres. Je me suis lourdement trompé.

La sonnerie retentie et je me précipite en dehors de la salle.

- Madison !

Au lieu de ralentir, j'accélère ! Je ne veux pas me retrouver confrontée à lui,  à entendre ses excuses bidons.
Je tourne ma tête pour voir s'il est toujours derrière moi. Ouf, Je pense l'avoir semé. Grosse erreur.
Au moment où je regarde devant moi, je me cogne à son torse. Je garde la tête baissée.

Ne le regarde. Ne le regarde surtout pas.

- Je m'excuse Madison ! Je ne voulais pas dire ça, pas dans ce sens. Jamais je ne me permettrai de te surnommer comme ces gens stupides le font.
Je voulais juste dire que tu étais très réservée. C'est tout. S'il te plait, Madison... Je m'en veux que tu le prennes mal. Pardonne-moi ?!

Pour une fois dans ma vie, je ne bug pas devant Lucky. C'est surement ma colère qui me donne ce super pouvoir.

- De toute façon qu'est-ce que ça peut te faire que je t'en veuille ou non ? Ce n'est pas parce que je suis en colère contre toi que ça va t'empêcher de dormir...

Je souffle. Ne le regarde pas. Ne le regarde pas. Mais bien évidemment ma tête de peut s'empêcher de se relever. Je croise alors son regard tout triste. Je ne peux vraiment pas résister à cela.

- Mais je sais aussi que tu n'es pas comme les autres, alors je vais juste effacer de ma mémoire cet évènement.

Un sourire illumine son visage et je suis fière d'avoir tenu ces propos. Il me prit dans ses bras.

Je me crispe. Mais qu'est-ce qui lui prend ? Il a dû se poser exactement la même question car il s'éloigne brusquement de moi, tout rouge. Puis après un dernier regard gêné, il tourne les talons et part. Ce qui vient de se passer est très bizarre.

C'est quand Meredith me tape sur l'épaule, que je me rends compte que, depuis cette « accolade » j'étais restée plantée comme un pique.

- Hey, ça va ?

Elle n'a pas dû voir ce qu'il s'était passé. Je force un sourire comme si de rien n'était.

- Oui, tout va super bien !