9 - Adrian
Toute ma vie, on m'avait appris à regarder autour de moi. À scanner n'importe laquelle des personnes qui se présentaient devant moi, ou marchaient autour de moi. Comme si je devais moi-même devenir cette personne.
Deviner sa vie.
Deviner ses pensées.
Décrypter son langage corporel.
Et j'adorais le faire dans des soirées comme celle-ci.
Je me glissai parmi les invités de la soirée. Je distribuai des hochements de tête à chacun et à chacune pour être sûr de voir tout le monde, de reconnaître tout le monde.
Après tout, cela aidait toujours.
De voir une main glisser sur un bras.
De voir une œillade entre deux personnes supposément ennemies.
De voir un échange de billets.
De voir un échange d'enveloppes.
De photos.
De gestes.
Je clignai des yeux pour pivoter vers le jeune couple qui venait d'apparaître. Au premier regard, vous auriez pu penser qu'ils allaient très bien ensemble.
La fille d'un juge et le fils d'un gouverneur. Digne d'une des plus belles romances écrites, n'est-ce pas ?
Et puis, vous commenciez à décrypter ce qu'il se passait entre eux.
La tension dans le bras du garçon pour (re)tenir la fille.
La raideur dans son dos à elle. Elle n'était pas du tout détendue et ça se lisait sur tout son corps. La robe qu'elle portait, c'était sûrement la première fois, car elle repoussait régulièrement le bord long sur le côté. Pour éviter de tomber sûrement.
Elle était coiffée, pas de façon artistique, non tout était mesuré sur le haut de sa tête. Sa mâchoire crispée ne faisait que me confirmer son état mental actuel.
Le garçon quant à lui demandait un peu plus de mon expertise. Il cachait très bien sa manière de vivre cette soirée.
On aurait pu croire qu'il ne s'intéressait à rien et qu'il subissait tout au plus, mais non. Tout comme mon regard le scannait, il me rendit la pareille, sûrement quand il sentit le poids de ma présence sur lui.
C'était drôle à voir.
Drôle à faire réagir.
Le garçon n'était un plus un gamin depuis longtemps et je doutais qu'avec le père qu'il avait, il l'eût été un jour. Il raffermit sa prise sur la hanche de sa cavalière et la poussa à suivre sa route.
J'aperçus le dos de la jeune femme. Une partie était couverte et l'autre nue, au niveau de ses épaules. La ligne de ses os ressortait un peu, malgré une musculature présente. Elle devait probablement faire du sport pour garder de la masse musculaire. Sinon, elle était presque maigre. Ce qui renforçait cette attitude protectrice et dominante du garçon.
Je pivotai une nouvelle fois pour porter mon attention sur le père de la fille. Juge. Mais bien plus.
Pion.
Je caressai doucement la flûte de champagne dans mes mains et fus accosté par deux autres personnes. Elles ne parlèrent pas énormément, mais elles m'apprirent quelques éléments sur la soirée.
Comme si cela allait changer.
Il se passait exactement la même chose à chaque fois, surtout quand c'était lui qui nous invitait.
Mes doigts glissèrent parmi ma barbe courte et je pris le temps de compter le nombre de personnes qui ne faisaient pas partie de l'instance qui se tenait ici ce soir.
Ceux qui ne faisaient pas partie du jeu.
Il y en avait plusieurs.
Dont la fille.
Elle n'était qu'une héritière et pourtant, mon attention traînait sur elle ce soir.
Car se trouvait sa ligne de mire à lui.
J'assistai à une très brève interaction entre la fille, son père et le garçon. Le baiser qu'ils échangèrent... je ne sus dire s'il y avait plus d'amour ou de haine derrière. Étrange.
Elle se rapprocha du buffet, là où je me trouvais et l'observai. Elle avait l'air si tendue et nerveuse. Bon sang. Il fallait vraiment qu'elle apprenne à mieux camoufler ce qui bouillait en elle.
Quand elle avala son deuxième champagne, je m'approchai.
— Ce champagne à l'air délicieux pour que vous vidiez vos verres avec autant d'appétence.
Elle pivota vers moi et me scanna rapidement. Je lui tendis ma main pour diriger son attention vers autre chose que mon visage.
— Adrian, me présentai-je. Vous êtes Greer, c'est ça ?
La fille du juge McCray.
— C'est moi, me confirma-t-elle. Je ne crois pas vous avoir déjà vu. C'est votre première fois ?
Si seulement ça l'était, je m'amuserais bien plus que ça.
— Pas vraiment. Vous dansez ?
Mon regard agrippa du mouvement juste derrière moi. Quelqu'un s'approchait. Lui.
Jaxen Ross.
Fils du Gouverneur.
Héritier du Roi.
— Désolée, mon chien de garde ne va pas tarder.
Je regardai enfin le fils du Gouverneur, son cavalier, approcher. Je ne pus retenir un sourire.
Il la surveillait.
Et il ne voulait pas qu'elle reste avec moi.
Je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir.
— Une prochaine fois peut-être, lui promis-je.
Ce fut ce moment que le Roi choisit pour enfin se montrer.
Il choisissait toujours extrêmement bien son moment.
Et tout le monde le suivait.
Parce qu'il régnait sur l'Échiquier.
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