46 - Alby
Ma main sur le bras de Greer, je la sentais tendue sous ma prise. Elle voulut dire quelque chose, mais je la poussais vers le couloir des toilettes. J'hésitais à peine une seconde avant de pousser l'immense porte des toilettes pour femme et la fis entrer. Elle se détacha de ma main et cela remua quelque chose au fond de mon ventre. Une angoisse qui ne me quittait pas depuis que j'avais mis les pieds à cette soirée. Et elle ne cessait de grandir, cette angoisse.
— Qu'est-ce que tu fais ? souffla Greer. On ne devrait pas être là. On ne peut pas...
— Je suis désolé, l'interrompis-je.
Je la rejoignis et posai mes mains sur ses joues. Ses yeux s'écarquillèrent un instant et je ne sus si elle allait s'écarter.
— Je n'aurais jamais dû te dire tout ça, murmurai-je. Mais bon sang, Greer, tu en as déjà assez bavé. J'essaye juste d'alléger ton fardeau.
Ses doigts s'enroulèrent sur mes poignets et elle secoua la tête doucement, ses yeux s'embuèrent et je me penchai. Elle me tendit ses lèvres sans réfléchir et on s'embrassa. Nos lèvres étaient bien trop pressées, angoissées presque. Je caressai ses joues de mes deux pouces et elle émit un léger son quand nos bouches s'écartèrent l'une de l'autre.
— Je ne veux pas qu'il te mette dans la merde, ajoutai-je. Je veux te sortir de là.
— Alby, s'étrangla-t-elle, sa prise sur mes poignets fut plus forte soudain.
Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais la porte des toilettes claqua et je reconnus immédiatement la femme qui entra. Bien sûr, elle avait une certaine prestance qui trahissait d'avoir été élevée dans un cercle fermé de la haute société. Ce qui était normal dans les faits, leur famille était riche et aisée. La mère de Greer nous observa tous les deux avec un froid tout particulier. Celui du jugement. Greer relâcha mes poignets et fit un pas en arrière, son visage pâle.
— Monsieur Cooper, je vous prierais de sortir des toilettes des femmes. Ce n'est pas un comportement digne d'un jeune homme. Même si votre ascendance ne fait pas partie de l'aristocratie.
Je posai mon regard sur Greer, mais elle regardait ses pieds. Ses mains étaient nouées devant elle, stressée et nerveuse. Sa mère avait une telle emprise sur elle que cela me faisait du mal d'en être témoin. Je contournai sans un mot cette femme et sortis de là.
Immédiatement, je retournai dans la salle et cherchai le seul enfoiré qui pouvait protéger Greer de sa propre mère. Je n'étais pas cette personne et cette simple constatation brisa quelque chose en moi.
Je contournai plusieurs tables et réussis à agripper le bras de Jaxen quand il se détourna pour partir de notre table. On se retrouva presque nez à nez, mais je ne lâchai pas ma prise sur lui. Il regarda ma main d'un œil amusé. Connard.
— Qu'est-ce que tu crois faire, Alby ?
— Greer est coincé dans les toilettes avec sa mère. Je peux rien y faire, mais toi si. Alors, va la sortir de là.
Il ricana. Cet enfoiré ricana.
— Parce que tu crois que j'en ai quelque chose à foutre ? siffla-t-il entre ses dents.
Ma prise se resserra et son nez frôla le mien quand je me penchai.
— Tu vas vraiment finir en enfer avec ton père, crachai-je.
Je libérai cet enfoiré et Jaxen se mit à marcher vers l'entrée de la salle, vers le couloir des WC. Une partie de moi espéra vraiment qu'il irait sauver Greer des griffes de sa mère. Une main sur mon épaule me fit sursauter, mais Giovanni me pointait mon père du doigt. Je croisai le regard de mon Prez et je sentis tout mon corps se tendre. Il me fusillait du regard.
— Reste à ta place, gamin, murmura Giovanni.
Il émit une légère pression sur mon épaule. Il se voulait sûrement rassurant, mais rien ne l'était. Rien n'allait dans cette soirée et je sentais que ça commençait à partir en couilles. Je savais que tout ça allait tourner au fiasco, mais je ne savais pas encore à quoi j'allais être bouffé. Et je ne pouvais même pas aider Greer. Je ne pouvais pas demander ouvertement l'aide de la Tour ce soir.
Giovanni me poussa à me rasseoir à ma place avec les quelques autres invités encore à notre table.
La seconde partie de la vente commença, mais ni Greer, ni Jaxen ne revinrent. Mon angoisse était à présent partout dans mon corps. Jusqu'à mes poings serrés sur mes cuisses. Avais-je demandé de l'aide à la bonne personne ? Ou m'étais-je simplement fourvoyé sur Jaxen ? C'était un connard, mais Greer était encore en vie. Et elle avait beau subir l'enfer entre ses mains, c'était l'enfer qu'il choisissait. Je ne savais pas si c'était une bonne chose, mais en tout cas, c'était un élément que je devais garder en tête.
Je ne cessai de jeter des coups d'œil à l'entrée de la salle jusqu'à ce que mon regard se pose sur Adrian. Il s'installa à la place de Jaxen et salua les membres présents de notre table. Discrètement, il rapprocha sa chaise de la mienne pour se pencher vers mon oreille.
— Tu profites de ta soirée ?
Pourquoi ? Pourquoi venait-il me voir ? Il avait vu que je n'allais pas bien ? Il avait vu Giovanni me demander de m'asseoir comme on le demanderait à un gamin ? Je serrai les dents et frottai mes cuisses, nerveux, toujours nerveux en sa présence. Pourquoi arrivait-il toujours quand j'étais au bout de toutes mes options ? Pourquoi restait-il ma dernière aide ?
— Pourquoi ? soufflai-je, si bas que je crus qu'il n'avait pas entendu.
Je posai mon regard sur ses deux mains liées sur ses cuisses dans une position de détente qui me donnait envie de devenir fou.
— Pourquoi tu m'aides ? Pourquoi tu es toujours là ?
Je parlai aussi bas que possible pour que les autres n'entendent rien. Je ne pouvais pas me permettre de dire ce genre de choses à côté d'oreilles baladeuses. Mais bon sang, je devais savoir. Je devais savoir pourquoi il continuait de m'aider. Si j'avais raison de continuer à demander son aide.
Je n'aurais pas dû.
Bien sûr que je n'aurais pas dû rester dans ses filets. Ce n'était jamais bon d'être entre les mains d'Adrien Davies, la Tour de l'Échiquier.
— Daniil aurait voulu que je veille sur toi. Je respecte une promesse que j'ai faite il y a longtemps.
Tout mon corps se tendit. Ce n'était pas la réponse que j'attendais de lui bon sang. Il ne pouvait pas avoir Daniil comme excuse.
— Et ce qu'il s'est passé entre nous, tu l'avais promis à mon frère ? sifflai-je.
Adrian me lança un regard froid qui me rappela qui il était au fond. Il était un membre d'une organisation criminelle et je ne pouvais pas me permettre d'oublier ça. D'oublier ce qu'il avait fait. Il m'avait protégé, certes, mais il avait aussi vengé la mort de mon frère. Il avait tout fait pour me garder loin de tous ses problèmes de gang jusqu'à ce qu'il ne puisse plus, car Daniil était mort.
Nous échangeâmes un regard qui aurait pu immédiatement nous trahir tous les deux. Je me rappelais tout ce que nous avions vécu tous les deux.
TOUT.
Et il semblait l'avoir oublié. Même si ses yeux me criaient de me taire, de passer à autre chose, de vivre ma vie, j'étais conscient d'avoir toujours les mêmes sentiments le concernant.
Ils étaient même pires parce que j'avais tenté de les oublier, mais dès que j'avais besoin d'aide, c'était vers lui que je me tournais.
— Thaddeus, souffla Adrian.
Je voulus lui rétorquer quelque chose, mais des exclamations résonnèrent. Les gens se tournèrent vers l'entrée de la salle et mon regard se posa là où tout le monde regardait.
Jaxen était agenouillé devant Greer, une petite boîte entre ses doigts. La mère de Greer n'était pas loin et applaudissait déjà bien que Jaxen n'avait pas encore bougé, mais ce simple son termina de capter l'attention entière de la salle.
Certains même se levèrent de leur chaise pour commencer à applaudir à leur tour.
Je me levai moi aussi, la chaleur d'Adrian contre mon bras quand il me retint d'une main ferme. Je n'avais même pas compris que je bougeais avant qu'il ne me touche.
J'aurais dû le repousser, mais mon regard croisa celui de Greer.
J'y lus toute sorte d'émotions. L'angoisse, la peur, la douleur, mais aussi une détermination que je ne compris pas. Que je mis un temps fou à comprendre.
La voix de Jaxen résonna dans un silence qui venait de tomber pour l'entendre prononcer des mots que je ne voulais pas écouter. Ni entendre.
Greer cessa de me regarder. Elle coupa le contact si brutalement que je sentis toute ma cage thoracique se comprimer de douleur.
Ne fais pas ça.
Et je sus qu'elle avait tenté de me le dire dans les toilettes. Le commentaire de Jaxen était donc vrai. Ils allaient vraiment se marier pour suivre les traces que leurs parents voulaient qu'ils prennent.
Je n'étais qu'un moment sur le côté.
Je n'étais qu'un putain de passage qu'elle venait de traverser juste pour rejoindre Jaxen.
— Certains sacrifices sont plus difficiles à percevoir que d'autres, murmura Adrian avant de quitter notre table.
Je suffoquai quand il s'éloigna.
J'entendis distinctement le « oui » de Greer.
Je vis Jaxen glisser la bague de fiançailles de Greer à son doigt.
C'était fini.
Tout était terminé.
Je ne pourrais pas la sauver et elle ne pourrait pas m'aider.
Jaxen avait gagné.
Et le Roi aussi.
**
URGH... Alby 😭😭 il mérite un gros câlin. Mais Adrian a raison : certains sacrifices sont plus difficiles à percevoir que d'autres ❤️❤️
Alby va-t-il survivre à cette soirée ? 😳😳
La bise 😘
Taki et Ada'
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