44 - Adrian
Je l'avais déjà vu en costume, mais uniquement pour l'enterrement de son frère, feu mon ami. Je n'avais pas beaucoup de personnes en qui j'avais confiance. Daniil avait été l'un d'eux et il était mort, ce qui voulait tout dire non ? Thaddeus portait un costume beaucoup plus ouvragé cette fois-ci et je pouvais deviner le holster d'épaule qu'il portait. En me plaçant devant lui, j'avais pu apercevoir le flingue qu'il avait. Je n'étais pas contre et je savais qu'il tirait extrêmement bien. Il aurait pu devenir un très bon sniper si Daniil avait été encore en vie pour l'entraîner.
Son visage était un peu crispé, mais il semblait s'améliorer sur ses expressions. Je l'avais pris par surprise, donc j'y avais lu ce que je voulais. Nous n'étions pas ensemble et nous ne le serions peut-être jamais, mais cela ne m'empêchait pas de garder toutes mes ressources à sa disposition. Je ne protégeais personne, hormis les miens et ils avaient accès limité à mes alliances.
Thaddeus Cooper pouvait se targuer d'avoir la Tour à sa disposition et il ne le savait même pas. Et en m'ayant moi, il avait le Cavalier sous sa main, encore une fois, sans le savoir. Si quelqu'un venait à le menacer, réellement, je pouvais envoyer des personnes. Néanmoins, quand il avait été drogué à Riverview, il n'avait pas fait appel à une faveur. Je n'étais pas obligé de lui dire que la personne responsable de ça avait eu une petite visite à la suite de cet épisode.
Mon torse se souleva lentement quand il humecta ses lèvres avec sa langue. Je ne pouvais pas être faible ici, face à lui. J'allais devoir l'éviter. C'était déjà dangereux de le faire sans qu'il n'y ait personne dans la salle ou très peu de monde. Les invités arriveraient au fur et à mesure et j'allais surveiller tout ça de près. Je n'étais pas content qu'Alby soit là, mais je ne pouvais pas faire autrement. Je devais le surveiller lui aussi, avec tout ce que ça impliquait.
— Giovanni n'est pas là ? m'enquis-je, toujours devant lui.
Il avait posé son regard sur le haut de mon torse, malgré notre taille identique. Ce qui lui donnait des airs de soumission peu commune chez lui. Comme Daniil, il était fier et ne baissera jamais les yeux devant les autres.
Hormis moi. Si une partie s'en gargarisa, l'autre agonisait. Si proche et pourtant impossible de se toucher.
— Il va arriver, répondit Alby.
— Observe bien tout ce qu'il se passe ce soir, ordonnai-je d'un ton sérieux.
— Je ne veux pas être mêlé à tout ça, gronda-t-il en retour.
Son regard croisa le mien une nouvelle fois et je lus tout ce qu'il retenait me concernant. Tout. C'était là, à disposition. Bon sang... Je savais pourquoi je ne voulais pas être dans la même pièce que lui. Je devais faire très attention de mon côté. Je sortis la petite enveloppe de ma poche intérieure et ouvrit la veste d'Alby. Il prit une grande inspiration tandis que je me penchai pour faire glisser l'invitation à l'enchère suivante.
— Sois présent, murmurai-je.
— Non, insista-t-il.
Je terminai de glisser l'enveloppe et remis sa veste en place, ma main s'attarda brièvement sur la matière et Alby ferma ses paupières, ses dents dans sa lèvre.
— Il fallait y réfléchir avant de me demander des faveurs et de tomber amoureux de la petite McCray.
Sa bouche s'ouvrit sur une exclamation, mais rien ne sortit. Je glissai mes mains dans mes poches et pivotai sous son regard médusé.
Je m'aventurai parmi les tables des invités quand j'aperçus le Cavalier accoudé au bar. Je le rejoignis sans regarder derrière moi, certain qu'Alby ne me suivrait pas.
— Une bonne compagnie, Tour, remarqua le Cavalier.
Je tentai de ne rien montrer. C'était dangereux à tellement de niveaux d'avoir Alby ici que si en plus les autres pièces du jeu commençaient à le comprendre, j'étais dans la merde jusqu'au cou. Et il faudrait que je kidnappe Alby pour le protéger. Je n'étais pas sûr que cette idée lui plaise, surtout depuis qu'il s'était mis en tête de protéger Greer McCray.
— La mort d'un Pion n'a jamais été synonyme de victoire, murmurai-je.
Je levai la main vers le barman et lui demandai un whisky sec. Il me le servit avec des gestes rapides et professionnels. Je le bus d'un seul coup et la chaleur de l'alcool me détendit un peu.
— C'est vrai, c'est surtout synonyme de chaos, admit le Cavalier.
Il portait tout comme moi un costume, d'une couleur noire. Ça aurait pu être classique, mais sur son corps qui était aussi meurtrier que le mien ça lui donnait des airs de tueurs à gage accompli. Ce qu'il était, fondamentalement. Tout le monde n'avait pas besoin de le savoir.
— Il faut nommer un autre Pion, grognai-je.
— Et il faut le faire avant que tout ne soit déséquilibré. Certains Pions vont devenir gourmands si on leur laisse trop de place.
— Tu sais qui s'est occupé de Ronin ? grognai-je.
Je pivotai mon visage vers le sien. Il sourit lentement, ses yeux presque gris me transperçant.
— Bien sûr, Tour, répondit-il. Je suis surpris que tu ne le saches pas.
— Je trouverais, avec ou sans toi, marmonnai-je.
Je fis tourner le verre entre mes doigts avant de sentir la main du Cavalier sur mon épaule.
— Que vas-tu faire pour le Roi ?
J'entendis les applaudissements des nouveaux invités retentirent. Je pivotai et découvris le Roi en personne entré dans la salle sous l'ovation de son public. Toujours aussi bien au milieu de l'attention. Toujours aussi fier, aussi gourmand de pouvoir. Il se pavanait.
Le Cavalier émit une dernière pression sur mon épaule avant de filer à son tour pour se fondre dans la masse d'invités. Je ne cherchai pas Alby du regard, il ne valait mieux pas. Le Cavalier suffisait comme témoin gênant.
J'observai tous les invités et rayai leur nom dans ma liste. J'avais appris par cœur tous les noms et les prénoms de chaque personne présente. J'avais enregistré leur visage et leur profession dans un coin de mon crâne pour pouvoir répondre toujours avec politesse, et tirer des faveurs à qui se présenterait à moi. J'étais connu comme un homme d'affaires aux yeux du monde, mais pas aussi plébiscité que le Roi lui-même.
Ce soir, il y avait énormément d'invités politisés. Ce qui arrivait rarement pour être franc. La fondation pour laquelle les biens allaient était une vraie fondation, mais les gains récoltés seraient pour moitié transférés pour une autre cause. Je le savais puisque je gérais une partie de cette affaire. Ronin aurait été celui qui ce serait occuper des mouvements d'argents, mais il était mort, donc il ne me servait plus à rien.
Dans la liste des invités, il y en avait un qui me taraudait. Il était dans le viseur du Roi et pour ça, il ne survivrait pas longtemps, même si c'était dangereux de l'éliminer. Les Pions le savaient et c'était pour ça que Alistair Cornwell était encore vivant et respirait l'air de cette magnifique soirée. Je n'avais pas encore complètement deviné les intentions du Roi, mais je ne devais pas être si loin que ça. Si Alistair devait mourir, alors ce serait ce soir.
La musique d'ambiance nous plongeait dans une atmosphère presque joyeuse et vivante. Comme si ce qui se jouait derrière n'était pas aussi froid et sanglant que l'homme qui se pavanait aux bras d'une femme aussi creuse que sa vie.
Mon regard se posa enfin sur celle que je cherchais. Greer McCray. Elle portait une robe magnifique qui rehaussait la finesse de carrure. Son dos était entièrement lacé qui laissait apparaître sa colonne vertébrale jusqu'à la fossette en bas de son dos. Je réussis à me faufiler dans la foule pour atteindre son flanc gauche et lui tendis mon coude. Elle me regarda pendant plusieurs secondes sans rien faire. Ses cheveux ondulaient autour d'elle. Son maquillage rehaussait leur couleur sombre et ses lèvres portaient un rouge à lèvres bordeaux, presque foncé. Sa peau était blanche en comparaison, mais pas livide. Au contraire.
— Adrian Davies, c'est ça ?
Sa voix était douce, malgré le brouhaha ambiant. Elle glissa sa main dans mon coude et repoussa la traîne de sa robe sur le côté pour qu'elle puisse marcher tranquillement.
— Greer, la saluai-je avec un sourire. Aucun chien de garde à l'horizon ? Serait-il occupé ?
Elle tapota mon bras avec un sourire mi-amusé, mi-nerveux.
— Si seulement j'avais pu l'enfermer, ça aurait arrangé mes plans, rétorqua-t-elle, très sérieuse pour le coup.
Ce qui m'arracha un sourire.
— Si tu as besoin d'aide pour ça, on pourrait peut-être s'arranger, répondis-je en retour.
Elle me jeta un coup d'œil intrigué.
— Menotté Jaxen Ross reviendrait à essayer d'attraper un lion juste avec un petit morceau de viande et sans cage, soupira-t-elle de façon dramatique.
Je laissai un rire m'échapper quand j'arrivais enfin à sa table. Je savais que sur celle-ci, le Roi avait placé Jaxen, Alby et Greer. Ce qui me faisait rire. Heureusement qu'il y avait d'autres personnes avec eux, sinon, ça aurait terminé en pugilat sans aucun doute. Je tirai la chaise de Greer et elle s'y installa avec une grâce acquise depuis sa tendre jeunesse. Certains pouvaient apprendre l'étiquette, mais en vérité, on voyait ceux qui étaient nés dedans.
— Cette robe te va à ravir, chuchotai-je dans son oreille.
Elle leva les yeux au ciel et me fit signe de filer. Je pris sa main dans la mienne et déposai un baiser rapide sur ses jointures. Elle me regarda filer.
Quand je m'installai à ma propre table, je croisai le regard d'Alistair Cornwell juste en face de moi. Un petit message subliminal du Roi qui ne me faisait pas rire du tout. Quand je regardai Greer de nouveau, elle avait été rejointe par le reste des invités à sa table. Alby et Jaxen se fusillaient du regard, mais sinon tout le monde était encore vivant.
Je posai mon regard sur le Roi qui grimpait les quelques marches de l'estrade. Il accepta le micro qu'on lui tendit et se tourna vers nous tous.
— Sachez que cette soirée nous tient à cœur à ma femme et moi. Nous espérons lever une grosse somme pour notre fondation. C'est un engagement tout particulier à nos yeux et nous souhaitons aussi vous y faire participer.
Il y eut une vague d'applaudissement. Il savait animer une foule. Il savait rendre les gens dociles face à ses discours. C'était une des qualités qui m'avait toujours fasciné chez lui. Cette capacité à manipuler ceux qui l'écoutaient. Une fois que vous en étiez conscient, c'était moins amusant, pour être honnête. Mais il gérait assez bien son monde pour que peu de personnes ne le remarquent.
— Cette année, pour pimenter cette vente aux enchères, sachez que mon épouse a eu la très bonne idée de vous proposer des lots très attractifs. Des danses avec les jeunes hommes et les jeunes femmes qui peuplent notre salle ce soir.
Il énonça plusieurs lots et l'un des premiers fut la danse qui incluait Greer McCray. Des applaudissements encore plus bruyants résonnèrent quand elle se leva pour faire une petite révérence à la salle. Je vis la main de Jaxen l'aider à se rasseoir, poussant sa robe sur le côté pour qu'elle ne se prenne pas les pieds dedans. Le fils du Roi sortait le grand jeu pour sa cavalière visiblement.
Je félicitai silencieusement Alby qui parut se retenir et qui garda une expression plutôt neutre face à ce petit jeu.
— Dépensez sans compter messieurs, dames, s'exclama le Roi. Vous n'en serez que mieux récompensés.
La musique reprit et bientôt les discussions suivirent. Les serveurs arrivèrent tranquillement et volèrent autour des tables pour distribuer le champagne.
J'aperçus la femme du Roi sur la scène qui échangeait avec les organisateurs pour démarrer la vente aux enchères rapidement.
Je regardai toutes les personnes à ma table. Certaines importantes, d'autres moins.
Alistair restait la pièce de trop. Et il le savait.
Je me demandais ce que cette soirée allait nous réserver.
**
Adrian et Alby n'ont jamais été ensemble en terme de couple. Mais... Il y a peut être eu quelque chose 😉
Que les enchères commencent 😁
La bise 😘
Taki et Ada'
Ps : vous en aurez deux par jour jusqu'à la fin parce que Taki est impatiente de vous offrir Sons of Sorrow 😘
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