43 - Alby
Je fusillai Jaxen du regard. À quoi jouait-il bon sang ? Il ne pouvait pas nous lâcher cinq minutes. Il fallait qu'il soit toujours là, à surveiller et à manigancer.
— Tu lui as mis une puce GPS dans le corps ou quoi ? sifflai-je.
Greer parut vaguement malade à cette phrase, mais Jaxen qui ricana, contra mon argument.
— Je n'ai pas besoin de ça pour savoir où se trouve Greer, Alby, remarqua-t-il avec un air suffisant. Je te prierais de ne pas faire le malin avec moi.
Je me crispai et ouvris la bouche pour lui en foutre plein la gueule, mais il agita un doigt.
— Toi, j'ai une vidéo qui peut justifier d'un renvoi, et toi, tu as promis d'être une gentille petite amie.
Je me figeai et posai mon regard sur Greer. Elle avait rougi, mais elle fusillait Jaxen de ses yeux étrécis. Le cœur dans la gorge, je suppliai Greer de contredire tout ça.
— Ça veut dire quoi ça ? grognai-je.
Jaxen tendit la main pour attraper une mèche de cheveux de Greer, mais elle s'écarta juste avant.
— Tu sais, Greer n'a jamais protégé personne de sa vie, alors le fait qu'elle se lance comme ça corps et âme. C'est quelque chose.
Je regardai Greer pour tenter de comprendre la situation, mais un détail m'échappait.
— Si elle accepte d'être une gentille fille, je supprimerais la vidéo après nos fiançailles.
Je faillis vomir rien qu'à cette pensée. Greer devint pâle, mais le téléphone de Jaxen sonna juste à ce moment-là. Il regarda son interlocuteur et eut une petite grimace. Il se leva et contourna la table pour se presser contre le flanc de Greer. Il l'embrassa sur la joue et me fit un clin d'œil avant de se barrer pour répondre à son téléphone. Greer se frotta la joue de sa manche.
— Qu'est-ce que tu as fait ?
Mon ton était tranchant, mais cela ne la fit pas trembler. Bien sûr que non. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle avait donné à Jaxen. AUCUNE.
Et j'étais le dernier au courant !
— Si tu me protèges, tu ne peux pas t'attendre à ce que je reste sans rien faire, souffla-t-elle. Je peux te protéger et t'aider.
Sa réponse remua quelque chose en moi. Un sentiment qui ressemblait à un mélange de trahison et de jalousie. Elle ne pouvait pas donner à Jaxen exactement ce qu'il voulait. Sinon, à quoi servait ma protection ?
— À quel prix ? crachai-je.
Elle sembla blessée par mes mots et je ne pus retenir mon dégoût face à toute cette situation. Je regardai l'heure. Il fallait que je rejoigne mon père. Bouger dans New York n'était pas aussi simple que chez nous.
— Je dois y aller, on m'attend, soupirai-je.
Je descendis de mon tabouret et remis ma veste sur mes épaules. Greer m'observa avec de grands yeux, comme si j'étais celui qui venait de lui filer un coup de poignard. De toute façon, si ce que Jaxen disait vrai, elle serait bientôt à lui. Alors pourquoi j'étais toujours là à me battre ?
Elle voulut me retenir, mais je me dirigeai déjà vers la sortie, la tête retournée par tout ça. À quoi bon me mettre en danger si elle était allée directement entre ses mains ?
Je retombai facilement dans les ficelles du gang. Voilà ma pensée pendant la réunion d'affaires de mon père. Les principaux membres du gang étaient avec nous pendant ce séjour à New York. Giovanni me collait au cul comme jamais ce qui me rendait anxieux au mieux, angoissé au pire. Il me filait une crise de nerfs, comme si quelqu'un avait prévu un attentat contre moi. Ce qui n'était pas le cas, mais je venais rarement au-devant des situations. J'étais très rarement au contact des clients de mon père, ce qui était presque une première.
Tous autour d'une table à un étage que je n'avais pas retenu au milieu d'une tour au centre de New York, je sentis mon portable vibrer contre ma cuisse pour la dixième fois de la journée. Je regardai les SMS de Greer s'accumuler sans réponse de ma part. Je n'avais pas encore digéré ce qu'elle allait faire avec Jaxen, j'avais l'impression qu'elle nous avait tués en plein vol. Tant qu'elle n'avait pas accepté tous ces comportements de la part de Jaxen, j'avais encore eu un vain espoir qu'on arrive à s'en sortir. Que je la sorte des griffes de son paternel pour la protéger, que ce soit avec le gang ou sans le gang. Bon, si j'étais honnête avec moi-même, j'avais plus de chance d'y arriver avec le gang. L'idée était donc de survivre à ce week-end et à cette vente et je prendrais ma décision quant à Greer.
Giovanni haussa un sourcil quand il me vit ranger mon portable sans rien faire de plus. Je lui fis une grimace en retour. Il m'avait vu au contact de Greer. Il savait quelque chose, ou au minimum se doutait de ce qu'il se passait entre nous. Il n'en avait pas encore référé à mon père, ce qui m'intriguait. Il me faisait confiance ? Ou il me laissait l'air libre avant de couper l'arrivée d'oxygène quand je serais dans la merde ?
Je tentai de rester concentré sur le reste de la réunion, mais l'homme avec qui nous échangions aujourd'hui était une petite crapule qui tentait d'extorquer mon père sur tellement de points différents que c'en était insultant. Même moi qui n'était pas familier de tout ça, je le savais. J'aurais voulu ouvrir ma bouche et faire remarquer ça à l'idiot, mais mon père me jetait trop de coups d'œil pour être innocent. Il attendait quoi ? Que je l'ouvre ? Ou que je continue de fermer ma gueule ?
Quand enfin ils arrivèrent à un accord, qui ne me plaisait pas, nous eûmes la possibilité de sortir de là. Le costard que je portais me paraissait bien trop lourd, mais j'avais pris assez de masse musculaire cette année pour ne pas ressembler à une crevette.
Sebastian Cooper me fit signe de le suivre dans l'ascenseur et on se fit encadrer par Giovanni, Ryan et Jayden. Liam qui était le trésorier resta avec deux autres hommes pour prendre le prochain ascenseur. Quand mon père et Ryan se baladaient dans les États-Unis, Crosby était celui qui faisait régner l'ordre à la maison. Crosby, le Sergent d'armes, s'occupait souvent de la discipline interne et des potentiels conflits avec des gangs extérieurs. Crosby et Giovanni étaient mes deux alliés dans le gang. Ceux sur qui je pouvais compter. La règle : toujours en avoir un des deux avec moi pendant les déplacements. Surtout quand Ryan était dans le coin. Il avait beau être, le Vice-prez, il tenait à me rappeler chaque jour à quel point j'étais le second choix.
— Il t'a extorqué de l'argent, grognai-je à mon père.
Je lissai ma chemise pour fermer ma veste par-dessus de ma main gauche. Mon Prez me regarda du coin de l'œil et retint un sourire.
— Je ne pensais pas que tu l'aurais compris, admit-il sans regret.
Je poussai un soupir qui me valut une œillade de Ryan.
— Un enfant le verrait, grondai-je en retour. Pourquoi lui as-tu laissé ce pourcentage d'intérêt ? Ça lui rapporte plus à lui qu'à toi.
— Il faut parfois faire quelques compromis. J'ai eu deux touches avec lui pour de la vente d'armes pas plus tard qu'hier. Et il le savait.
Je secouai la tête.
— Il n'aurait pas plus influencé tes affaires si tu n'attendais pas de lui autant, marmonnai-je.
La main de mon père se referma sur ma nuque et il pressa mon front contre le sien, son regard dans le mien.
— Continue à penser comme ça, fils. Prends la main sur tout ça, d'accord ?
Je ne répondis rien et il me relâcha. Je sentis Giovanni sur ma gauche et l'observai du coin de l'œil. Il frôlait son arme d'une main.
— Un problème ? grognai-je.
— J'ai des hommes en bas, ils disent qu'il y a du mouvement et qu'on ferait mieux de passer discrètement par l'arrière.
Sebastian, mon père, hocha la tête. À l'ouverture des portes de l'ascenseur, il se laissa conduire sur la droite et j'eus à peine le temps de jeter un coup d'œil dans le lobby de l'immeuble. Des fédéraux ici ? Merde.
On nous sortit rapidement de l'immeuble et bientôt, dans la limousine de mon père, on fila vers notre hôtel. Il avait des endroits où dormir. L'établissement où nous logions appartenait à un de ces chapitres.
— J'ai besoin de te parler de ce qu'il va se passer après la vente aux enchères, m'annonça mon père.
Il me fit rentrer dans sa chambre d'hôtel et je l'y suivis, sous le regard pénétrant de Ryan. Il m'observait, attendait une occasion de me descendre ?
— Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée, marmonnai-je.
Je m'assis dans un des sièges et laissai ma tête basculer en arrière. Je défis le bouton de ma veste et attendis bien sagement que mon cher père salisse un peu plus mon âme. Giovanni nous servit un verre à mon père et moi et rejoignit Ryan à l'entrée de la suite. Je crus les entendre parler sécurité.
— Tu connais le nom de Enrique Davidson ?
Je me figeai. S'il y avait bien un nom que j'évitais au sein de l'Échiquier, c'était cet enfoiré. Je posai mon regard sur mon père, indécis. Devais-je accepter cette conversation ou fuir maintenant ?
— Il va falloir qu'on travaille tes expressions, fils, grogna mon père.
— On parle d'un homme qui baigne dans le trafic d'humains, murmurai-je. J'ai le droit d'être dégoûté.
— Chaque Pion a son importance, annonça Ryan comme s'il m'apprenait un truc nouveau.
— Il y a largement d'autres entreprises très lucratives que le trafic d'humains, rétorquai-je.
— C'est que tu ne sais pas à quel point c'est lucratif, contra le Vice-Prez.
— Assez, siffla mon père. Nous ne sommes pas ici pour discuter de l'utilité des Pions ou de ce qu'ils vendent. Compris ? Enrique Davidson a préparé une vente pour le Roi.
Je me frottai le visage, trop conscient de mon âge et de celui de Daniil quand il avait dû faire face à tout ça.
— Vous allez vendre des humains après la vente aux enchères ? soufflai-je.
Ryan s'installa à côté de mon père sur le canapé et frotta sa cuisse. Avait-il déjà lui-même acheté une femme ou un homme ? Pour en faire quoi exactement ? Son esclave ? Pour tuer ? Pour torturer ?
J'étais encore assez naïf pour me dire que mon père avait beau tenir un gang et tuer des gens, il ne les achetait pas pour en faire ce qu'il voulait. Mais mes principes étaient faussés. Les membres du club payaient leur cotisation et vendaient toutes sortes de choses. Des services, mais aussi de la drogue et des armes.
— Je veux que tu sois prêt à participer à ma place si jamais je devais m'esquiver.
Je haussai un sourcil.
— Pourquoi devrais-tu partir ?
— Car un Pion a été tué, admit enfin mon père.
La peur m'envahit et soudain, je me rendis de la situation précaire dans laquelle nous étions tous : membres de l'Echiquier ou enfants de Pions.
— N'est-ce pas dangereux d'être ici à New York en sachant ça ? marmonnai-je.
Mon père hocha la tête, un peu distrait.
— Qui a été tué ?
Un sourire s'étira sur ses lèvres à ma question.
— Ronin Jennings.
Le blanchisseur d'argent. Je me rappelais le dossier que j'avais vu sur l'ordinateur de Jaxen. Il savait plus de choses sur l'Échiquier qu'il n'en laissait paraître.
— Le Roi a annoncé le commanditaire de cette attaque. Alistair Cornwell. Nous ne pouvons l'abattre pour l'instant, cela éveillerait trop de questions.
Il fallait absolument que je reste neutre face à ce prénom. C'était le prénom que j'avais vu là aussi dans les notes de Jaxen. Pourquoi était-il au courant de tout ça ? De choses que seuls les membres de l'Échiquier connaissaient ? Ça devenait trop important pour que je le garde pour moi non ?
Puis, mon esprit calculateur me ralentit. Une information que je détenais. Même si finalement, tout comme j'étais le fils d'un Pion, Jaxen lui était le fils du Roi. Peut-être que pour prendre la suite de son père, il devait faire autant de sacrifices que moi.
Mais lui, il n'y laissait pas son innocence. Il était aussi vicieux, dérangé et pervers que son père.
— C'est pour ça que tu as pris plus d'hommes pour nous protéger ?
Mon père plongea son regard dans le mien.
— Je ne perdrais pas un autre fils, chuchota-t-il.
Et il avala le reste de son verre.
Je ne sus comment je me retrouvais lundi soir, enveloppé d'un costard qui coûtait sûrement une fortune, à ma taille, avec des chaussures neuves qui me faisaient mal aux pieds. J'avais un flingue sous ma veste, coincé dans un holster. Giovanni m'avait dit de ne pas fermer ma veste pour qu'il ne se voie pas. Mon père était dans une autre pièce, tandis que j'observais la salle qui se remplissait des invités pour la vente aux enchères ouvertes à tous. La vente plus privée se préparait ailleurs, dans un coin plus sombre et cela me dégoûtait. Je priais pour que mon père puisse y aller et ne pas m'y envoyer. Si je devais voir ça, alors ce serait un message comme quoi j'étais dans le gang, à vie. Je ne pourrais pas oublier ce que je verrais là-bas.
La salle dans laquelle se déroulait la soirée était immense, à l'image de l'homme qui invitait. Tout dégueulait de richesses, d'outrance et de décadence. J'avais lutté pour envoyer des messages à Greer. Je ne pouvais pas penser à tout ce qui allait se dérouler ce soir, c'était trop pour moi. Et puis, soyons honnêtes, je n'avais aucun pouvoir pour lui éviter les décisions que son père prendrait pour elle et qui incluaient Jaxen.
Mes mains croisées devant étaient serrées et je tentais de me détendre pour que ça ne soit pas perçu comme de la nervosité. J'étais stressé d'être ici, mais cela me permettait de voir le monde qui entourait mon père et qui viendrait bientôt engloutir mon monde à moi.
— Thaddeus, me salua une voix.
Je me figeai brusquement et mon cœur s'emballa dans ma poitrine. Sa voix au téléphone ne lui avait pas rendu hommage, même s'il m'avait hanté pendant quelques nuits. Grâce à lui, j'étais encore dans les dossiers de Riverview. Grâce à lui, Greer n'avait plus à voir et entendre sa sexe tape.
— Tour, soufflai-je.
J'inclinai ma tête, autant pour le voir que pour le saluer comme je devais le faire face à un membre important de l'Échiquier. Il portait un costard trois-pièces aussi classe que le mien, même s'il le tenait mieux que moi. Il était habitué à ce genre de costumes. Nous portions presque une couleur semblable, ce qui m'empêcha de prendre une grande inspiration. Si je le faisais, j'aurais son odeur dans les narines toute la putain de soirée.
— Adrian sera suffisant ici, murmura-t-il à mon oreille.
Je frémis et je vis ses narines bouger. Ses cheveux étaient coiffés sur le haut de sa tête, ramener en arrière, lui donnant des airs de prince. Ses yeux d'un bleu presque gris le rendaient froid au premier abord, mais je savais qu'il ne l'était pas. Je savais que d'une manière, même perverse, il me gardait en vie. Pourquoi ? Pour jouer avec moi plus tard ? Parce qu'il avait...
— Ne me regarde pas comme ça ici, Thaddeus, souffla-t-il en se plaçant devant moi.
Je déglutis et posai mon regard juste sous son menton pour m'éviter un embarras supplémentaire. Tout son corps était aussi tranchant que sa personnalité. Il s'entraînait très régulièrement et il savait tuer.
Oh oui.
Et j'avais encore des sentiments pour lui.
— Adrian, murmurai-je.
**
Des retrouvailles entre Adrian et Alby. Tout le monde avait saisi ? 😎🤤
Nous entrons dans la dernière scène de ce tome 😍😋
La bise 😘
Taki et Ada'
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top