34 - Adrian
De façon générale, j'étais au courant de tout, avant tout le monde. Donc, quand tous mes voyants passèrent au rouge et que trois de mes contacts m'envoyèrent des messages à quelques secondes d'intervalles, je sus que quelque chose n'allait pas. Je bondis hors de mon lit, mon téléphone allumé entre mes doigts. Les notifications dégueulaient de tous mes canaux de communication. J'enfilai un boxer et un jogging et me mis à courir vers ma Tour. La maison était silencieuse, mais bientôt, j'entendis certains de mes hommes se mettre en mouvement.
Blake me rejoignit rapidement, déjà habillé, ce qui me prouvait qu'il n'avait pas dormi. Je m'installai derrière mes écrans d'ordinateurs et lançai mes différentes applications. J'eus droit à plusieurs vidéos qui me montraient différents points de vue de ce qui venait de se passer.
Un Pion était mort.
Un Pion de l'Echiquier était mort sans que je puisse intervenir pour le sauver.
Ce qui identifiait déjà le tueur.
Je frappai mon bureau du plat de la main et Blake se pencha pour observer les images.
— Ronin ? souffla mon bras droit.
Je serrai les dents et crachai plusieurs insultes. Comment avait-il réussi à faire ça sous mon putain de nez ? Je me levai et pris mon portable, prêt à appeler le Fou. Sauf qu'un message m'attendait. Un message du Roi qui nous convoquait à une réunion d'urgence.
— Tu es sûr de vouloir t'y rendre ? me demanda Blake en me suivant à ma chambre.
Je retirai mon jogging et commençai à enfiler un costume.
— Je n'ai pas le choix. Si je n'y vais pas, je risquerais d'être pris pour cible à mon tour.
Blake marmonna quelque chose dans sa barbe, mais je n'y fis pas attention et nouai une cravate par-dessus ma chemise. En quelques minutes, je fus dans ma voiture, Blake au volant. Il avait souhaité prendre quelques hommes supplémentaires, mais j'avais refusé. Je ne souhaitais pas qu'il y ait d'interférences dans la réunion de ce soir. Tout le monde serait sur ses gardes, je ne souhaitais pas rajouter une couche.
La réunion avait lieu au manoir McCray.
— Tu penses à la Dame ? murmura Blake.
Je fis la moue, mais finis par hocher la tête. Le Roi n'était pas idiot. Il n'aurait pas fait assassiner un de ses Pions par principe et sans avoir un très bon alibi. Je restai muré dans mon silence jusqu'à ce que Blake se gare dans l'immense cour du manoir McCray. Les lumières étaient allumées partout. J'attendis que Blake me fasse signe de sortir et le laissai ouvrir la marche vers les portes de l'entrée. J'aperçus le Fou qui me rejoignit avec un sourire malin sur ses lèvres.
— Tu étais occupé ce soir, Fou ? marmonnai-je.
La femme à mes côtés joua avec son couteau et me jeta un coup d'œil amusé. Elle portait une longue natte qui démarrait du haut de sa tête jusqu'à ses fesses. Son corps était fin, musclé, prêt à tuer. Elle était l'Exécuteur, le Bourreau et le juge la plupart du temps. Son visage était marqué par une cicatrice de brûlure dont tout le monde connaissait l'histoire. L'ancien Roi n'avait pas été plus tendre que l'actuel. Le Fou en avait subi la plupart des conséquences.
— J'aurais dû, n'est-ce pas ? souffla-t-elle d'une voix rauque.
Je grimaçai et nous entrâmes ensemble. Blake jeta un coup d'œil au Fou, mais elle lui fit un clin d'œil et il se détourna. Il ne l'aimait pas, mais je ne lui donnais pas beaucoup le choix. Erin se révélait très utile quand j'avais besoin d'éliminer des gens.
Nous savions où se trouvait la salle de réunion ici. Des hommes de McCray ouvraient le chemin, mais je m'en foutais un peu. Tous les Pions étaient déjà présents et mon regard se posa sur Sebastian Cooper. Nous échangeâmes un signe de tête respectueux. J'espérais qu'il surveillait un peu mieux son fils, mais j'en doutais. Je ne pouvais pas lui faire confiance. Tout le monde était déjà installé autour de l'immense table, des gardes du corps alignés contre le mur en silence. Blake les rejoignit tandis que je m'asseyais entre le Fou et Roy McCray, l'hôte de cette réunion. Le Roi se tenait au bout de la table et tapotait impatiemment le bois sombre.
Quand le Cavalier entra enfin dans la pièce, les portes furent fermées et nous nous observâmes tous en silence. Le Roi s'assit à son tour et se pencha en avant, le visage fermé.
— Ronin Jennings a été tué cette nuit, annonça-t-il sans préambule.
Mes yeux suivirent et tracèrent toutes les réactions des membres de l'Échiquier autour de nous. Si certaines cachaient extrêmement bien leurs surprises, d'autres savaient et d'autres encore l'apprenaient. Je repérai deux Pions plus surpris que les autres. Ils n'avaient eu aucune idée de la raison de leur présence ce soir.
Ronin Jennings était le Pion qui s'occupait de tout ce dont vous pouviez avoir besoin en termes de blanchiment d'argent. Il était la personne vers qui se tourner quand votre besoin résidait dans le fait de dissimuler la provenance de votre argent. Que ce soit du trafic de stupéfiants, de la contrebande, de la fraude ou même de la corruption. Tout ce qui pouvait vous rapporter de l'argent sans que vous ayez à nommer votre activité criminelle derrière. Utile ? Bien sûr. Toutes les personnes présentes autour de cette table en avaient besoin.
Alors, pourquoi l'éliminer maintenant ?
Je le savais. J'avais eu plusieurs discussions avec Ronin au cours des six derniers mois. Il rencontrait des problèmes avec des sommes d'argent qui lui venaient du Roi. Des soucis qu'il ne pouvait pas engranger à son échelle. Or, il était l'un des plus gros blanchisseurs d'argent sur la côte Est des États-Unis.
Par ailleurs, aux vues des réactions de certains, ils appréciaient cette manœuvre. Ronin les avait forcés à trouver d'autres solutions ? C'était possible. De toute façon, il n'y avait qu'une seule façon de le savoir, c'était de fouiller.
Et c'était ma spécialité.
— De ce que j'ai pu réunir comme informations avec le Cavalier, nous sommes sûrs qu'il s'agit d'un procureur qui a missionné un tueur à gages.
Je retins un ricanement. Un tueur à gage ? Pour éliminer un des Pions de l'Échiquier ? Il ne trouvait pas mieux comme excuse ?
Je posai mon regard sur le Cavalier. Ce dernier ne laissait rien transparaître. Comme à son habitude. Je ne pouvais pas le percer à jour pour l'instant, alors la patience serait mon allié. Les Pions croiraient facilement le scénario du Roi s'il était soutenu par le Cavalier. Le Cavalier possédait énormément d'informations, d'alliances. J'en avais plus que lui, dans les faits, mais je ne le montrais à personne.
Surtout pas au Roi.
Quand le nom du procureur tomba, je ne montrai rien de mes pensées. Je savais très bien que le procureur en question était un ennemi du Roi. Il tentait d'incriminer les personnes qu'il voulait voir disparaître. Ce n'était pas bête, mais c'était osé. Il s'accrochait à sa place. Je le sentais, je le voyais. Autour de la table, il y aurait deux camps : ceux qui voulaient le voir détrôner, et ceux qui voudraient l'encenser.
Je ne dis rien pendant que plusieurs membres de l'Échiquier s'inquiétaient du mouvement de ce procureur. En savait-il plus sur nous que nous le souhaitions ? Allait-il remonter jusqu'à chacun des membres ? Je voyais la peur remonter sur le visage de certains, d'autres semblaient plus suspicieux. Sebastian m'observait du coin de l'œil. Intrigué peut-être.
Je devais juste paraître blasé à ce stade.
Quand le Roi réussit à ramener le calme parmi les membres de son Échiquier, il renvoya tout le monde chez eux. Il annonça à demi-mot qu'il prendrait le temps de faire une nouvelle nomination pour le prochain Pion et cela me donna un mal de crâne en avance. J'allais devoir éplucher la vie de quelqu'un. En long, en large et en travers.
— Tour, m'appela le Roi.
Je restai assis à ma place, son ordre masqué derrière un regard tranchant. Je fis signe à Blake de sortir pour m'attendre dehors. Même s'il n'aimait pas ça, il devait accepter de me laisser ici avec le Roi. Je ne courrais pas vraiment de danger pour l'instant, surtout si la Dame n'était pas ici.
Une fois que la salle fut vide, le Roi se leva et vint s'installer en face de moi, de l'autre côté de la table. Il posa une fesse sur le bord du bois et lia ses mains sur son genou droit.
— Tu ne sembles pas inquiet, Tour.
Je penchai la tête sur le côté.
— Il semblerait que la sécurité que je pose sur les Pions ne soit pas efficace.
Ou que celui qui avait tué Ronin était au courant de ma sécurité. Ou savait juste très bien l'éviter.
— Ne te flagelle pas trop, Tour. Le meilleur d'entre nous possède toujours ces faiblesses, n'est-ce pas ?
La menace voilée m'interpella à peine. Je n'étais plus à ça près avec le Roi.
— Votre Dame a toujours su faire preuve d'une grande capacité à m'échapper, admis-je après quelques secondes de silence.
Le Roi m'observa avec grand intérêt avant d'éclater de rire. Un rire que j'aurais préféré ne pas avoir en tête. Ce n'était pas quelque chose de communicatif chez lui. Non, c'était froid, vide et creux. Il résonnait, mais effrayait plus qu'il réchauffait.
— En effet, dit-il, sans chercher à mentir.
Je retins un commentaire sarcastique.
— Je sais que tu sais, Tour.
Il fit lentement le tour de la table jusqu'à être à ma gauche. Je me levai pour croiser son regard.
— Tu comprends donc que comme pour ma Dame, j'ai besoin d'une preuve de ta loyauté. Alors, dis-moi, Tour.
Je savais ce qu'il allait me demander.
Il y était obligé. Sinon, je pouvais lui planter un couteau dans le dos. Il me faudrait tuer sa Dame avant.
Je ne pourrais pas l'atteindre autrement.
Je comprenais donc qu'il assure sa position.
Et la mienne par la même occasion.
— Seras-tu avec moi ou contre moi ?
**
Un pion et mort. Et il semblerait que le Roi ait missionné sa dame 🤔
Adrian est en mauvaise position. 😳
Que la partie commence 😎😎
La bise 😘
Taki et Ada'
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