30 - Adrian
Le manoir des Colton ne m'avait jamais impressionné. J'avais visité bon nombres demeures, bien plus grandes que celle-ci. À défaut de déborder de gadgets et de technologies, elle représentait un héritage d'une longue famille avec énormément de ressources. Qu'elles soient financières, immobilières ou criminelles. Le Gouverneur Colton n'avait rien à envier à personne, c'était un fait. Et il disposait d'atouts non négligeables qui lui permettaient de garder sa place depuis toutes ces années.
Le Roi de l'Echiquier n'allait pas perdre sa place tout de suite.
Hormis si quelqu'un le faisait tomber.
J'avais été installé dans le bureau de Ross Colton depuis plusieurs minutes déjà. Je savais qu'il connaissait mon emploi du temps chargé. Je comprenais donc qu'il faisait exprès de prendre son temps. Parce qu'il aimait me tester depuis le début. Je ne pouvais pas lui en vouloir, j'étais plus jeune que la plupart de ses pions, donc il me testait régulièrement pour voir si je tenais la route.
Et j'étais plutôt bon dans ce que je faisais.
Enfin, j'entendis des pas s'approcher et posai mon regard sur la porte du bureau qui s'ouvrit quelques secondes plus tard. L'homme qui entra portait un costume trois-pièces et tenait un cigare à la main. Il n'était pas allumé, mais il allait sûrement le faire. Il savait que je n'aimais pas l'odeur du tabac et encore moins l'odeur de ses cigares.
— Adrian, me salua-t-il.
Il ferma la porte et me rejoignit. Il s'installa dans son siège, son regard poser sur moi. Je glissai ma cheville droite sur mon genou gauche et tapotai ma cuisse.
— Ross, répondis-je. De quoi as-tu besoin me concernant ?
Il sourit et prit le temps d'allumer son cigare. Je gardai une expression la plus neutre possible. Je ne voulais pas paraître désagréable, sinon il l'utiliserait plus tard contre moi.
— Je veux que tu contrôles cette liste. Ils seront invités aux Enchères.
Je fronçai les sourcils quand il glissa une liste d'une vingtaine d'invités. Les Enchères n'étaient ouvertes qu'aux membres de l'Échiquier et quelques rares personnes triées sur le volet. Pourquoi fallait-il qu'il en invite d'autres ? Était-ce vraiment nécessaire ? Je ne pouvais pas assurer la sécurité de tout le monde si nous importions des éléments extérieurs à nos affaires.
— Cherche tout ce que tu peux ou présente-moi ce que tu as déjà les concernant, ordonna-t-il.
Nous étions donc face à une première en ce qui concernait l'ouverture des Enchères. Je n'étais pas pour, comme vous aviez pu le comprendre. S'amuser à faire ça équivalait à balancer louveteau au milieu d'une meute qui n'était pas la sienne. Les chances pour qu'il finisse dévoré étaient bien plus élevées que l'inverse. Je pris la liste et la glissai dans la pochette que j'avais amenée avec moi. Je l'emmenai toujours avec lors de ce genre d'entretien, au cas où ce genre d'informations étaient transmises.
— Dois-je en informer les Pions ? m'enquis-je.
Ross Colton agita sa main, presque agacé et je pris ça pour un non.
— La date te convient-elle toujours ?
— Oui, gardons-la.
— Je suis obligé de te rappeler les risques que nous prenons en invitant autant de gens de l'extérieur, marmonnai-je quand même pour la forme.
Ross soupira et me lança un regard agacé.
— Ma Dame sera mes yeux dans l'ombre, donc tu n'as pas à t'inquiéter.
Il ne pensait qu'à sa propre sécurité, encore une fois. La Dame serait donc présente à cette soirée. J'allais devoir observer chaque invité sous un angle bien particulier, même si j'avais déjà mes pistes. Il me fallait cette information, peu importe ce que ça me coûtait.
— Je veux savoir si tu as eu des nouvelles pour la vente privée, celle après les Enchères, ajouta-t-il.
Je me figeai dans mon geste, la petite pochette prête à être glissée dans mon sac.
— Enrique m'a effectivement transmis la liste de ses marchandises ainsi que leurs dossiers.
Je déglutis pour me donner bonne mesure. Le trafic humain faisait partie de l'éventail de service de l'Échiquier. Quand j'avais reçu les informations dont j'avais besoin dans la matinée, j'avais très vite compris que la vente privée que voulait tenir Ross concernerait des humains. Je ne pouvais pas y faire grand-chose. Je n'avais même pas une vraie main mise sur les marchandises d'Enrique. Je ne recevais que les détails, les photos et les prix. Je ne touchais à rien d'autre. Ce qui me convenait amplement à ce stade.
Je détestais Enrique et je détestais ce qu'il faisait, mais il était un pion, et j'étais la Tour je devais donc surveiller, collecter et protéger.
— Je veux y jeter un coup d'œil, grogna Ross.
Sa fumée atteignit mon espace et je retins une grimace. Cet homme mettait mes nerfs à rude épreuve aujourd'hui.
— Je peux te faire parvenir le nécessaire rapidement, répondis-je.
— Tu n'as rien amené ?
— Je ne pensais pas que ce serait le sujet de conversation de notre réunion, remarquai-je. Et tu sais que je n'aime pas laisser des traces écrites de ce business. Enrique est déjà assez volatile.
— Politiquement correct, comme toujours, Adrian, sourit Ross.
Je ne lui rendis pas son sourire et me forçai à ranger mes affaires pour me lever.
— Tu t'es occupé du cas de Greer McCray ? s'enquit-il quand j'arrivais à son niveau.
— Quelqu'un s'est déjà occupé du coupable. Sûrement McCray lui-même ?
Ross parut réfléchir un instant et se frotta le menton.
— Peut-être oui. J'en discuterai avec lui. Tiens-moi au courant de cette histoire.
Je hochai la tête et m'avançai vers la porte.
— Adrian ?
J'attendis, la main sur la poignée.
— Oui ?
— Transmet le nécessaire à Enrique pour qu'il puisse faire ce qu'il veut pour la vente.
— Compris.
Je sortis du bureau, avec cette vague impression qu'il savait quelque chose que j'aurais dû comprendre. Je n'avais laissé aucune trace de mes échanges avec ceux que je surveillais de près. Il ne pouvait rien savoir. J'allais devoir faire attention.
Et pourquoi se souciait-il de la situation de Greer McCray ? Cette jeune femme ne comprenait pas encore qui la surveillait dans l'ombre et pour ça, elle était sûrement autant en danger qu'en sécurité.
Je fus raccompagné en dehors du manoir et bientôt, je roulai en direction de ma propre demeure. Je regardai mon portable dans le porte-gobelet et hésitai.
Ça ne servait à rien que je lui parle ou que je le prévienne.
Il devait se débrouiller seul.
J'espérais juste qu'il restait très loin de Greer McCray.
**
Le Mystérieux Adrian. 😎
La bise 😘
Taki et Ada'
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