Je frappai. Frappai et frappai encore, sans m'arrêter, sans éprouver de fatigue ou de lassitude. Mon pied rencontrait toutes les parties de ce corps inerte.

Je me retenais de me pencher pour arracher les couilles de Kelly, dans une tentative de garder le contrôle.

De ne pas vriller.

J'étais un lion en cage, dans une pièce sans vitres, avec Kelly à mes pieds. Je l'avais récupéré bien amoché déjà. L'œuvre d'Alby.

— Espère d'enfoiré ! C'est ta faute toute cette merde !

Pour une fois, je ne pouvais pas prétendre le contraire. J'étais l'instigateur de ce pari.

Deux cent mille pour baiser Greer.

Putain.

Pouvais-je pousser le vice encore plus loin ? Comment ?

Les doigts dans les cheveux, je cessai tout mouvement, aussi figé qu'une statue. Je n'avais pas posé de questions.

L'avait-il violée ?

Aucune faiblesse à montrer.

Trop d'enjeux. Trop de conséquences. Je ne devais pas sortir de mon rôle. À aucun moment.

Surtout pas en ce qui concernait Greer.

Mon putain de jeu.

Mes règles.

Et ce bâtard d'Alby !

— PUTAIN !

Je craquai.

D'autres coups. Les gémissements de Kelly, la gueule en sang, plusieurs os en bouillie. J'avais les jointures explosées, des giclures d'hémoglobine partout sur moi et aucune paix à l'horizon.

Aucun apaisement.

Je devenais fou.

Aliéné.

Pris à mon propre jeu, à mon propre piège. Ma conscience qui me soufflait que tout était ma faute. La mienne, pas celle de Greer, pas totalement celle de Kelly. À trop flirter avec le mal, je finissais par l'embrasser. Une danse avec le diable, quelques pas et puis la mort.

Mon téléphone vibra dans ma poche et je l'extirpai de là les mains tremblantes.

Le paternel.

Kelly couina et implora qu'on le laisse tranquille.

Qu'on le laisse tranquille ? Et puis quoi encore ? Que je sois clément ? Sympa ?

La porte s'ouvrit dans mon dos et Spencer entra. Nos yeux se croisèrent et il secoua la tête.

Non, Kelly n'avait pas eu l'occasion de violer Greer.

Un poids invisible s'extirpa de ma poitrine pour me permettre de mieux respirer.

J'inspirai par le nez.

Expirai par la bouche, Kelly se tortillant à mes pieds.

Il avait franchi une limite, impossible de revenir en arrière pour lui. Je ne donnais pas de seconde chance, surtout pas à un type pareil.

— Tu veux faire quoi ? m'interrogea Spencer.

Il s'était avancé pour se mettre à mon niveau. Il observa Kelly sans rien dans le regard ; ni pitié ni remords.

— Je vais devoir m'absenter un moment, répondis-je. Un boulot pour mon père.

Il hocha la tête et nous observâmes cette loque de Kelly.

— Je peux m'en occuper, lâcha Spencer, très sérieux.

— Je sais.

Mais c'était à moi de gérer, parce que c'était la conséquence d'un de mes actes. Si j'avais bien appris quelque chose de mon père, c'était ça. Alors j'allais m'occuper de Kelly.

Et j'allais le faire correctement.

Une promesse silencieuse.

Entre Kelly et moi.

Une promesse implicite et déjà teintée de sang.