2 - Alby

Reading,

Riverview Prep Academy,

Je savais très bien que l'univers dans lequel je débarquais n'était pas celui que je connaissais. Je savais que Riverview n'était pas l'endroit le plus simple à gérer. Cela faisait deux mois que j'étais ici et j'avais repéré les rois et les fous. Parce que c'était déjà une question de pouvoir à ce stade et je n'en avais foutrement rien à foutre.

Je plongeai mon nez dans mon bouquin, concentré sur ce que je devais rendre. À vrai dire, les profs nous avaient déjà donné les syllabus, c'est-à-dire le déroulé des devoirs et des contrôles que nous aurions dans l'année. Pour bien nous foutre la misère. Ça fonctionnait. C'était la première fois que j'avais autant de travail à faire sur une seule année alors la règle c'était de bosser dès que je pouvais. De toute façon, je n'avais rien d'autre à faire. Hormis éviter de me faire repérer par les monarques du bahut.

La bibliothèque était silencieuse à cette heure-ci, ce que j'appréciais. Je m'étais trouvé un coin au fond, derrière deux grandes étagères remplies de bouquins qui n'étaient utiles que pour les premières années. Le reste devait visiblement se débrouiller. J'aurais pu utiliser certains manuels pour réviser, mais je n'en avais pas envie. Je pouvais toujours acheter des bouquins en librairie s'il le fallait. Même si une partie de moi faisait attention à chaque dépense que je m'autorisais. Je n'étais pas pauvre, mais aux yeux des autres et sûrement des portes-monnaies de leurs parents, j'étais clairement un moins que rien sans argent, qui profitait d'une bourse pour venir les faire chier.

Mon regard capta du mouvement à ma droite. Je regardai le mec s'asseoir et ouvrir plusieurs manuels et ses cahiers. Il enfila ses écouteurs, tout comme j'avais les miens et se lança dans ses cours. On voyait ceux qui en voulaient, ou ceux qui n'étaient là que grâce à papa et maman.

On ne partait pas tous avec les mêmes chances dans la vie.

Je pris le temps de terminer mon devoir de mathématiques. Il n'était pas compliqué en soi, juste chronophage. Nous n'étions pas sûr du niveau habituel de troisième année de lycée, non, c'était bien pire. D'après moi, c'était un niveau de mathématiques pour deuxième année d'université.

Pour le coup, je m'en foutais, tant que j'avais les notes prévues et que je méritais ma bourse, je me disais que tout était faisable et supportable.

Je devais juste tenir parmi les trous du cul présents.

Et je n'étais clairement pas de mauvaise foi. Tous ceux qui se trouvaient ici deviendraient un jour politiciens, avocats ou autres professions qui permettaient de gagner un salaire à plusieurs chiffres par mois.

Une heure de plus passa et le soleil commença à décliner. Je pris le temps de finir correctement et de prendre mes notes comme j'aimais pour ensuite ranger mes affaires. Je me redressai et fis sursauter le gars à côté de moi. Je haussai un sourcil avant de filer.

Je pris le chemin pour les dortoirs des garçons et m'isolai encore une fois avec mes écouteurs. En vrai, le son n'était pas fort du tout. Je voulais toujours être au courant de qui m'arrivait dans le dos. Mais ça faisait croire aux gens extérieurs qu'on pouvait facilement me prendre par surprise. Ce qui m'arrangeait.

J'adorais quand on me sous-estimait.

Les couloirs étaient hauts de plafond et vieux. Riverview faisait partie des anciens. On forgeait des dynasties ici. Mon père aurait ri s'il m'avait entendu.

J'atteignis enfin ma chambre qui était au fond du couloir destiné aux troisièmes années. Les premières chambres, plus spacieuses, étaient destinées au haut du panier. Les meilleurs parmi les plus riches. Personnellement, j'avais la dernière chambre du couloir qui n'avait pas dû être rafraichie depuis plusieurs années. Apparemment, le boursier de l'année se retrouvait toujours ici. Riverview prenait un boursier par année, pas un de plus. Et comme la fille avant moi s'était loupée pour son entrée en troisième année, j'avais eu droit à la place. J'étais donc le petit pauvre à Riverview. Ça n'avait rien de glorieux et la plupart des mecs s'écartaient sur mon passage comme si j'avais une maladie vénérienne hautement contagieuse. Au moins, on me foutait la paix.

J'ouvris la porte de ma chambre avec ma clé et refermai derrière moi à double tour. Trop parano que j'étais.

Il fallait au moins ça pour survivre ici.

Ma chambre n'était pas bien grande. Sûrement quinze mètres carrés. Le lit faisait aussi office de canapé, avec un lit de secours en dessous. Je ne pensais pas en avoir besoin, mais quand je voulais m'étaler pour bosser ou même pour dormir, j'ouvrais le lit de rechange. Il y avait une armoire sur le côté droit qui entourait le bureau avec une étagère où tous mes classeurs étaient rangés. Mes manuels se trouvaient au milieu pour équilibrer le tout. Étant donné que j'étais dans une petite chambre, nous n'avions que le w.c. et le lavabo. Les douches se trouvaient à l'autre bout du couloir.

Au moins, je pouvais chier tranquille.

Je glissai sur mon siège de bureau pour ranger tout de suite mes devoirs. Je ne voulais pas me trimballer avec du boulot fait, surtout pas si je me faisais chopper par des idiots. Oh, ça n'était pas arrivé pour l'instant, mais je savais qu'éventuellement, la cible allait se poser sur moi. Peu importe combien je voulais passer inaperçu.

Je me changeai pour enfiler un short de sport et un vieux t-shirt noir. Je passai mes baskets, nouai mes lacets et enfonçai mes écouteurs dans mes oreilles, une casquette par-dessus le tout.

La course. Il n'y avait que ça pour me détendre. Il n'y avait que ça pour me faire oublier mes deux prochaines années de supplice. Je savais que j'étais ici uniquement pour prendre la prestance de l'école. Pour rentrer au MIT, il me fallait au moins ça. Je voulais une université d'Ivy League et je ne pouvais pas viser plus bas.

Je devais devenir quelqu'un au-delà de ce que mon père pouvait me promettre.

Je roulai mes épaules, fermai ma porte à clé de nouveau et marchai dans le couloir plutôt calme à cette heure-ci. Bientôt, les élèves iraient manger au self. Comme on le faisait tous les matins, le midi et le soir. Ce rythme me changeait de celui que j'avais eu à la maison ces dernières années, mais je n'allais pas me plaindre. Nous n'avions jamais manqué de nourriture à la maison, mais maman avait toujours fait attention. Alors, je bouffai comme jamais et j'épuisais mes graisses avec la course.

Je lançai mon chrono sur mon portable, le glissai dans ma poche intérieure de pull et me mis à courir. Mes foulées étaient souples et longues. Je préférai les entraînements de mon père, mais je ne pouvais pas aller dans le fightclub du lycée. Parce que oui, il y en avait un. Même les riches avaient besoin de sortir l'adrénaline de leur corps avec leurs poings et leurs pieds.

Il n'y avait personne sur la piste d'athlétisme, hormis quelques courageux qui terminaient leur entraînement. Je laissai donc aller à mon rythme de course et enchaînai les tours encore et encore.

Au bout d'une heure, dont dix minutes de fractionnés intenses, je me laissai glisser part terre, le souffle court, le corps en feu et à deux doigts de vomir. Comme disait mon père, au moins, c'est que les fractionnés étaient bien faits. Je me redressai sur mon cul et posai mes coudes sur mes genoux repliés.

Tous les jours, je me rappelais pourquoi j'étais là. Pourquoi je faisais tout ça et pourquoi je ne devais surtout pas abandonner.

Je ne pouvais pas partir.

Je ne pouvais pas arrêter.

On attendait trop de moi après tout ça. Il fallait que je sois à la hauteur.

Je retournai à ma chambre, pris mes affaires pour me laver et me changer. Les douches étaient plus ou moins vides vu que tout le monde devait manger à la cantine. Je me grouillai de me laver et de me savonner. Je guettai mes affaires et la porte qui me séparait du reste des douches communes. Je n'étais pas pudique au point de ne pas vouloir montrer ma bite aux autres, mais les coups de couteau tombaient bien plus vite quand vous n'aviez pas une porte entre vos couilles et le couteau en question.

Je séchai mes cheveux courts avec la serviette et enfilai mes fringues. Je déposai le tout dans ma chambre et descendis pour manger. Le brouhaha du self n'était même pas rassurant en soi. J'aurais pu m'en passer.

J'aurais pu me passer des regards assassins de certains élèves qui ne m'aimaient pas juste par principe.

À cause de la bourse.

Parce que je n'aurais pas dû être parmi eux.

Connards.

Je pris le nécessaire dans mon plateau et ajoutai une bouteille d'eau fermée. J'étais parano, que vous vouliez vous ! Je m'installai au bout d'une longue rangée de tables, aussi loin que possible de tout le monde. Cela faisait deux mois que je mangeais seul et cela ne me dérangeait pas le moins du monde.

Les petits commentaires m'agaçaient, mais j'avais appris à vivre avec. Quand vous étiez le vilain petit canard, vous saviez que vous alliez devoir baisser la tête.

Je ne le faisais pas de guetter de cœur, mais je savais que moins je ferais de bruit, plus on m'oublierait dans mon silence.

Mes yeux observèrent la plupart des visages qui étaient dans ma ligne de mire. Tous, je les avais enregistrés dans cette partie de mon cerveau qui retenait tout ce qu'il voyait. Parfois chiant, parfois utile. Je reconnaissais la plupart et pouvais citer leur nom, prénom et la catégorie socioprofessionnelle de leurs parents.

Un groupe de filles de première année passa non loin de moi et des petits rires retentirent. Je ne relevai même pas mon regard vers elle. Je ne voulais pas leur prêter plus d'attention qu'elles n'en réclamaient. Ce n'était pas le but. Je voulais simplement manger, étudier et passer mon diplôme. Je terminai mon plateau et allai le déposer à l'endroit prévu.

Une fois enfermé dans ma chambre, je pris le temps de relire quelques leçons avant de glisser dans mon lit et de regarder mon portable. Pas de nouveau message. C'était que tout allait bien. J'enclenchai mon réveil et me forçai à fermer les yeux.

Demain serait une journée identique à toutes les autres.

Je regardai le tableau qui se trouvait à l'entrée du bâtiment dédié aux salles de cours. Dessus, il y avait le classement des élèves. Toutes les moyennes étaient visibles, jusqu'à la moyenne générale qui vous permettait ou non d'être en haut du classement. Sous mes yeux, j'avais encore ceux de l'année dernière. Il ne serait mis à jour que dans quelques semaines, juste avant les examens de décembre, histoire de bien faire flipper toute la galaxie de Riverview.

Aux vues des premières notes que j'avais eues avec les devoirs à rendre et les contrôles-surprises, j'étais plutôt haut dans le classement.

Allais-je dépasser Greer McCray ? Elle était en première position, suivie par Jaxen Ross. Fils du Gouverneur Colton Ross. Un gamin né avec une cuillère en or dans la bouche.

Je continuai de lire tous les prénoms des dix premières de la liste. Je devais absolument m'y trouver avant décembre.

Les dix premiers possédaient des noms plutôt connus dans la haute société. Je tournai mon regard pour voir une fille arrivée. Elle cachait une partie de son visage avec ses cheveux. Elle aurait été jolie avec quelques kilos en plus et un sourire.

Greer McCray.

C'était la première du classement.

À quoi ressemblait sa vie ?

Je haussai mes épaules et filai en cours. De toute façon, je prendrais bientôt ma place dans ce classement. Peu m'importait qui était là avant moi.

Juste après ma course, mon téléphone se mit à vibrer dans ma poche. Ma première réaction était toujours la peur et la nervosité, puis je vis l'identifiant de ma mère et décrochai. Je me forçai à respirer.

— Alby chéri, comment vas-tu ? s'exclama ma mère à l'autre bout du fil.

Je ne pus m'empêcher de sourire. Elle avait cet effet-là sur moi.

— Je viens de finir de courir. Ça fait du bien. Comment va la famille ?

— Je dirais que tout le monde se porte bien. Ta sœur est une horrible petite teigne, mais je m'en sors. Quand reviens-tu nous voir ? Tu me manques, fils. N'oublie pas que ta mère t'attend ici.

Je ris avec elle.

— Je reviendrais à Noël, je te l'ai déjà dit.

— Pas de repos pour les braves c'est ça ?

— Tout à fait. Comment va papa ?

— Ton Président ne fait pas les choses à moitié, puisqu'il a décidé d'inviter la moitié du club à la maison ce soir !

J'entendis mon père baragouiner, mais si d'autres chapitres venaient ce soir, alors ma mère allait gérer l'intendance avec les autres femmes des motards.

— Ne faites pas de folie, grommelai-je.

— Fils, fils ! cria mon père. Ramène ton cul poilu à Noël où je viens te chercher moi-même !

Il y eut quelques rires et ma sœur qui criait au scandale derrière parce que je restais loin.

— Je vais raccrocher avant que toute la famille ne se réunisse derrière le téléphone, marmonna ma mère, déçue de devoir gérer les monstres chez nous.

— On se rappelle vite. Je vous aime, soufflai-je.

— On t'aime aussiiiii ! cria la voix de Rena, ma petite sœur.

Le bip coupa la communication et je pressai le téléphone contre mon front.

Il fallait que je tienne.

Il fallait que je termine mes études pour revenir avec un putain de diplôme et aider mon père avec le club.

Maintenant que j'étais l'aîné de la famille, cette responsabilité me revenait.

Et je ne pouvais rien faire pour changer ça.

Je faisais ces études pour ma famille, pour le club, pour être plus utile à tout le monde.

Alors, je n'allais pas me laisser marcher sur les pieds par des petits riches comme ceux qui peuplaient Riverview. 

**

Un nouveau personnage de découvert 👀 qu'est ce qu'on en pense d'Alby chéri ?? ❤️😳😍

Passez un bon week-end tout le monde et surtout n'hésitez pas à voter et/ou à déposer un commentaire. Promis on mord pas ❤️❤️👀

Des bisous 💋

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