16 - Alby

Il nous restait deux jours avant de filer fêter Noël avec nos familles. Une toute petite partie de moi aurait aimé rester ici, à regarder des films, et à réviser ensemble. Greer plongea sa main dans le petit paquet de bonbons entre nous et le glissa entre ses lèvres. Je détournai mon regard pour éviter de la voir mastiquer la sucrerie. Je tentai de me concentrer un minimum, mais aujourd'hui était un jour où je n'avais pas envie de travailler.

— Tu soupires, marmonna Greer.

Je posai mon menton sur ma main et lui lançai un regard amusé. Je haussai un sourcil quand elle m'observa de sous ses cils.

— Je m'ennuie, la corrigeai-je. Tu veux pas bouger ?

— Avec cette neige ? releva-t-elle.

Ses yeux se posèrent sur la neige dehors. On pouvait continuer à vivre malgré la tempête blanche non ? Je savais que quelques taxis bravaient la neige et il n'y avait pas autant de flocons qu'hier. Donc, on pouvait aller traîner un peu en ville. On était jeune après tout.

— Dans deux jours, c'est Noël et on est en train de bosser comme des tordus.

Greer fit une petite moue et haussa ses épaules. Elle regarda le paquet de bonbons et sembla réfléchir si elle pouvait en prendre un autre. Du bout de mon crayon, je poussai le sachet vers elle. Elle leva les yeux au ciel et en prit un autre.

— Je propose une balade. Je peux y aller tout seul... ou tu peux venir avec moi.

Elle me regarda me lever et ramasser mes affaires. Quand je fermai mon sac, Greer bondit de sa chaise ce qui me tira un rire. On enfila nos manteaux et en quelques minutes, un taxi nous attendait en bas pour qu'on aille à Reading. C'était la ville la plus proche de Riverview. Greer retira mes gants de ses mains et les enfonça dans ses poches de manteau. Elle se frotta le nez et retira enfin son bonnet. Le chauffeur nous demanda où on voulait qu'il nous dépose et Greer lui indiqua un café en ville. Je ne connaissais pas forcément Reading, mais elle oui. Elle m'expliqua que le café était dans le centre et que nous pourrions nous promener dans les petits magasins autour.

Le trajet fut assez court, mais le silence ne me dérangeait pas de toute façon. Greer paya le taxi avec sa carte avant que je puisse tendre la mienne et vu la couleur de sa carte, je savais qu'elle pouvait largement se débrouiller toute seule. Je sortis de la voiture et allai l'aider de l'autre côté rapidement. Je lui pris son bonnet des mains et le lui enfonçai sur la tête pendant qu'elle mettait ses gants.

La couche de neige étant assez épaisse, je pris la main de Greer dans la mienne pour la ramener en un seul morceau sur le trottoir. On resta quelques secondes sans bouger et je retirai ma main de la sienne. Je ne voulais pas la gêner non plus. Elle regarda autour d'elle et sembla choisir le café en premier. L'endroit était petit et chaleureux. Il y avait du bois et une odeur de café frais moulu.

— Si tu aimes le vrai café, tu vas adorer celui-ci, me dit-elle avec un léger sourire.

Elle se déshabilla une nouvelle fois et je me forçai à ne regarder les os qui ressortaient au niveau de son cou. Ce genre de privation ne venait pas d'une simple envie. Je ne relevai pas et me contentai de lire la carte avec précision. Je pris un café qui portait un nom étrange à mes yeux et aussi une pâtisserie. Greer fut à deux doigts de prendre un yaourt aux fruits, mais je lui fis les gros yeux et elle opta pour une pâtisserie.

— Ça sent les heures de piscine en plus, grogna-t-elle.

— Tu dois respecter un poids particulier ? Tu fais de la compétition ? m'enquis-je.

Je savais qu'à Riverview, ils avaient des préparations pour les Jeux olympiques. Pour la natation et pour la course. Je n'avais pas postulé dans l'équipe parce que je n'avais pas de prétention particulière, mais ça pouvait être une idée.

— Non. Pas de compétition. J'aime juste nager. Et toi, la course ?

— Ça me permet de me concentrer, admis-je. Et c'est un défouloir.

Elle acquiesça et enchaîna sur d'autres questions par rapport à la course. Je la laissai me poser ses questions qui n'étaient pas du tout orientées sur ma vie. Je ne savais pas trop si nous en étions à nous échanger des vérités et je n'étais pas sûr de vouloir lui confier des trucs plus personnels. Et si elle faisait tout ça pour le dire à Jaxen ?

Et si j'étais tombé dans un piège ? Je secouai la tête quand la serveuse déposa notre commande. Greer regarda la portion de sa pâtisserie et sembla sur le point de vomir. Le gâteau au chocolat qu'elle avait pris semblait pourtant succulent. Je me penchai et avec ma cuillère, je pris un bout pour goûter. Quand le gâteau toucha ma langue, je poussai un grognement de plaisir qui tira un rire à Greer.

— C'est vraiment trop bon. Je crois que je vais regretter d'avoir pris cette tarte.

Je pris un bout de la dite tarte et lui tendis ma cuillère. Elle resta figée un instant avant de se pencher pour avaler la part que je lui tendais. Je restai sage et retins même mon sourire quand elle ferma les yeux de bonheur.

— Alors ?

Elle finit sa bouchée avant de sourire.

— C'est délicieux, murmura-t-elle. Goûte le café.

Ce que je fis.

Et je me sentis presque comme un jeune de mon âge.

La veille de Noël, je savais que Greer partirait dans l'après-midi, donc j'étais un peu près sûr de la trouver à la piscine assez tôt le matin. Je me traînai là-bas en jogging, pull et maillot de bain. Je pris quand même mon manteau, car il fallait traverser la cour principale pour atteindre la piscine. Comme il y avait une équipe de préparation aux Jeux olympiques, il en avait une à la bonne taille. Immense et vide, à l'exception d'une personne.

Le soleil n'était même pas encore levé que Greer était déjà dans l'eau. Ses mouvements étaient fluides et on avait l'impression qu'elle glissait sur la surface de l'eau. Son crawl était agréable à regarder. Je pouvais presque compter ses respirations, à gauche, puis à droite, le nombre de mouvements de bras avant qu'elle ne respirer. Sa technique était impressionnante. Je me glissai sur les bancs pour continuer de l'observer. Elle fit quelques longueurs avant de reprendre son souffle et de m'apercevoir. Elle utilisa les escaliers pour sortir et arriva toute trempée à mon niveau. Elle prit sa serviette, mais n'essuya que son visage. Ses cheveux étaient cachés sous son bonnet. Je sortis le mien et l'agitai sous ses yeux.

— Tu nages ? s'illumina-t-elle.

— Je vais essayer, mais à côté de toi, je vais plus ressembler à un gros balourd.

— N'importe quoi. Allez viens alors.

Je me redressai et elle retourna dans l'eau pour ne pas avoir froid. Mes yeux suivirent son corps rapidement et me confirmèrent la maigreur que je pouvais apercevoir sous ses vêtements. Pour nager autant, elle aurait dû avoir un peu plus de masse musculaire que ça, mais elle était très mince. Trop mince ? Je n'en savais franchement rien, mais étant sportives la plupart du temps, les filles avaient presque plus de masse musculaire que la moyenne. Il fallait au moins ça pour tenir une séance de sport entière sans s'évanouir.

Je retirai mon pull, puis mon t-shirt par-dessus ma tête et finis par enlever mon jogging. Je pliai le tout à côté de ma serviette et vérifiai que mon short de bain était bien mis. Je n'allais pas faire le beau non plus, mais rien de pire qu'une bite mal mise dans un short aussi serré. Je ricanai de ma connerie avant de plonger directement dans l'eau. Elle était à une bonne température. Je fis claquer mon bonnet et le glissai sur ma tête. Je ris quand Greer s'approcha de moi les joues un peu rouges. Je nageai jusqu'à elle et on se retrouva au niveau du bassin le moins profond. Quand je me mis debout, l'eau m'arriva au niveau des hanches.

Le regard de Greer glissa sur mes abdos avant de relever ses yeux sur mon visage. Elle rougit un peu plus et se laissa glisser dans l'eau jusqu'à ce que son sourire se floute dans l'eau. Je ris.

— Merci, je crois, minaudai-je.

Greer rit dans l'eau et cela créa quelques bulles. Je lui fis un clin d'œil et me lançai dans des longueurs. Je l'entendis grommeler quelque chose, mais je me concentrai sur mes gestes pour ne pas ressembler à une grosse baleine. On se suivit comme ça pendant une bonne heure supplémentaire avant que je ne m'avoue vaincu. Elle continua un peu et je l'attendis sur les bancs, enroulé dans ma serviette. J'allais devoir me sécher un peu avant de retourner affronter le froid.

Greer sortit enfin de l'eau et me rejoignit. Je lui tendis sa serviette et elle me remercia avant de s'enrouler dedans. Elle s'assit à côté de moi et sa cuisse frôla la mienne. Je ne bougeai pas et elle ne s'écarta pas non plus.

— Ça fait du bien, dit-elle.

Elle essuya son nez avant de frissonner et de se sécher.

— Tu pars à quelle heure ? soufflai-je.

— En début de soirée. Le plus tard possible.

Je hochai la tête.

— Et toi ?

— Un ami vient me chercher en voiture. Je pense que j'ai le temps de manger avant qu'il n'arrive.

Elle resta silencieuse quelques secondes et je lui donnais un petit coup d'épaule. Elle cacha le bas de son visage derrière sa serviette avant de se redresser.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi tu boudes ?

— Je boude pas, rétorqua Greer avec une moue.

Je ris derrière ma serviette et cette fois ce fut son petit poing riquiqui qui tenta de me cogner. Quand je vis son pouce à l'intérieur de ses doigts, je grognai. Je lâchai ma serviette qui glissa dans mon dos et pris le poignet de Greer entre mes doigts. Elle se figea un instant. Je fermai son poing, le pouce en dehors de ses doigts.

— C'est comme ça qu'on frappe. Si tu frappes avec ton pouce à l'intérieur, tu vas te le péter.

Je tapotai mon épaule.

— Vas-y, essaie.

— Je vais pas te taper, grogna Greer.

Je levai les yeux au ciel.

— Tape je te dis. Et mets bien ton pouce. Voilà, comme ça.

Elle ne me fit même pas mal, mais au moins, elle avait appris une première leçon. Je repris son poignet entre mes mains et le fis pivoter pour voir les marques qui se trouvaient dessus. Mes doigts les frôlèrent et Greer se figea.

— Alby, chuchota-t-elle.

Elle me reprit sa main doucement et pressa son bras contre elle.

— Désolé, soufflai-je.

Elle secoua la tête et regarda par terre avec un air buté et triste. Je soupirai et frottai mes cheveux humides. Je me levai et me rhabillai. Je regardai Greer et m'agenouillai à côté d'elle.

— Joyeux Noel, murmurai-je.

Je déposai un baiser sur sa joue et m'en allai. Cette fille me retournait la cervelle. Je devais faire attention à ce que je faisais avec elle.

Quand je vis Giovanni arriver devant Riverview Prep, je me fis la réflexion qu'il était vraiment hors de propos ici. Je me glissai dans la voiture et mon regard fut accroché par une silhouette à l'entrée du bâtiment.

Greer s'y tenait, sa main recouverte de mon gant me faisait signe. Elle articula un « Joyeux Noel » à son tour.

— C'est qui ? grogna Gio.

— Personne, soufflai-je.

Je détournai le regard sans lui retourner son signe.

De toute façon, une fois que je reviendrais, ce ne serait plus pareil. Nous avions juste passé quelques jours sans oublier que derrière, il y avait la suite.

Nos vies.

Jaxen.

Et tout le reste.

Les fêtes dans ma famille se résumaient souvent à trois jours de nourritures non-stop. Les repas étaient plus longs que jamais et tout le club prenait notre maison pour un repaire de Noël. Alors, il y avait constamment des gens à la maison. Cela n'empêchait pas les gars de parler des affaires du club. J'engrangeai le plus de détails possibles vu que je n'étais pas là la plupart du temps. Les affaires se réglaient au fur et à mesure, mais certains semblaient prendre plus de temps que prévu. J'entendis même mon père parler des gars qui avaient tué Daniil. Mon frère avait été tué autour d'un règlement de compte, mais ce n'était pas terminé. Car le club n'avait pas encore trouvé tous les responsables. Il en manquait deux. Et mon père n'aurait de cesse que de vouloir venger son aîné.

Je m'arrêtai devant la cheminée de la maison, là où il y avait toutes les photos.

Cette année, ce serait le premier Noël sans Daniil. Je n'arrivais pas à le savourer comme les autres.

Je n'arrivais pas à penser à la suite sans voir mon implication dans le club. Daniil avait tout fait pour qu'on ne soit pas impliqué là-dedans, qu'il soit le seul à y laisser des plumes.

À présent, je me retrouvais à sa place.

Je sentis ma mère s'approcher dans mon dos.

— Il me manque aussi, murmura-t-elle.

Elle se pressa contre mon flanc et je lui fis un câlin. Elle embrassa ma joue et frotta mes cheveux.

— Ne glisse pas du mauvais côté, fils. Profite avec nous. Il l'aurait voulu.

Je lui souris et la laissai retourner à la cuisine pour finir de tout préparer.

Mon regard se posa sur le sapin de Noël qui trônait au milieu de la pièce principale.

Et je ne pus m'empêcher de penser à Greer.

Que faisait-elle à Noël ? Était-elle seule ? Recevait-elle des cadeaux ?

Je me demandais pourquoi elle haïssait autant l'idée de Noël. Pourquoi elle avait si peur dès qu'on parlait de son retour.

Je soupirai.

Pourquoi je pensais encore à cette fille franchement ?

Idiot. 

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