Chapitre 5
***Henriette***
J'avais donc engagé Loïc pour être mon second. Je lui montrai un endroit dans la ville où nous nous retrouverions pour parler. Oui, j'avais envie de connaître plus ce jeune homme. Chose très rare chez moi, je ne prenais d'habitude même pas le temps de dire un "Comment allez-vous ?" aux personnes que me présentait ma mère, pendant ses salons à mourir d'ennuis. Alors, comme je n'avais jamais eu d'amis, je décidai d'en faire un en Loïc. Au moins un auquel je ferai confiance.
Le lendemain de notre rencontre, j'allai, à la même heure qu'hier, admirer les bateaux au port. Et ce sentiment de liberté que j'avais du mal à cacher vint m'habiter. Je voulus l'ignorer. Je fermai les yeux et me détournai de la mer. Un énorme poids pesa sur ma poitrine, je ne m'écoutai pas. Je ne pouvais pas me laisser envahir par la liberté, alors qu'elle m'était pour l'instant impossible. J'avais une famille, certes peu accueillante, mais c'était ma famille. Je courus rejoindre l'endroit où Loïc devait m'attendre. C'était une petite clairière à la limite de la ville, pourvue d'arbres et de rochers où grimper. Ma nouvelle recrue était là.
— Eh bien ! On ne salut pas son capitaine ? le taquinai-je.
Il bredouilla quelques mots inaudibles avant de s'incliner légèrement. J'éclatai de rire devant sa timidité.
— Allons, Loïc, pas de politesse entre nous, je disais ça pour t'embêter.
Il sourit. Je crus, encore une fois, bon de m'expliquer pour le mettre à l'aise en ma présence.
— Écoute, Loïc, je ne t'ai pas simplement engagé comme second. Je veux que tu sois bien quand je suis là, et pas tremblant de peur. Je sais que je suis un peu effrayante, mais, au fond, je ne suis pas horrible, je te le promets.
— D'accord.
Le son de sa voix me rassura, comme mon discours l'avait rassuré. Loïc m'apprit qu'il avait seize ans, et je m'en voulus d'avoir fait ma cheffe, alors qu'il était plus grand que moi. Je m'excusai donc de ma clé de bras d'hier. Il rigola et me promit que ce n'était pas grave. Je vis quand même qu'il poussait des grimaces chaque fois qu'il faisait un geste brusque, où que je lui donnai une petite tape affectueuse.
Une amitié jaillit entre Loïc et moi. Une très bonne complicité en ressortit. Nous n'avions plus de secrets l'un pour l'autre, sauf si cela était vraiment intime. Je lui confiai donc que, lorsque j'aurais dix-sept ans, je comptais m'évader de la demeure de mes parents.
—Pourquoi faire ? s'exclama-t-il, très surpris. Tu as presque la meilleure famille de France !
Je soupirai. Qu'avais-je entendu cette remarque de la bouche de ma mère...
— Ma famille est riche, certes. Mais elle ne m'aime pas.
— Allons, ne dis pas de telle chose, me gronda Loïc. Une demoiselle de qualité ne doit pas dire ça à voix haute, même le penser, c'est incongru...
Je m'énervai.
— Je ne suis pas une demoiselle de qualité ! criai-je. Je ne veux plus appartenir à mes parents !
Mon ami comprit que je parlai sérieusement. Il attendit que je me calme, pour éviter une de mes colères assidues. Je me repliai sur moi-même. Loïc s'approcha de moi et murmura à mon oreille.
— Moi, je n'ai pas l'intention de m'enfuir. Je compte, au contraire, me marier.
Cette déclaration m'échauffa les oreilles. Voilà une autre règle que ma mère voulait m'obliger. Le mariage, non mais quelle blague !
— Et tu vas te laisser faire par tes parents ! hurlai-je. Tes parents t'obligent à te marier, c'est ça ?! Eh bien, je te conseille de ne pas te laisser faire !
Et je lui tournai le dos, déçue qu'il se soit si vite rendu à ses parents.
— Pas du tout, soupira-t-il.
Mais je n'entendis pas la fin de sa phrase car j'étais déjà partie.
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