Chapitre 4

***Loïc***

Saint Malo était très animée. Beaucoup de badauds venaient s'installer là, et les bons pêcheurs faisaient fortune. Tout le monde se plaisait dans cette ville portuaire, tout le monde se connaissait, ou presque. Il y avait beaucoup de tavernes, vu que les marins étaient nombreux, et les cabarets ne manquaient pas. Ces derniers ne m'avaient jamais attiré, et je pensais que je ne mettrais en aucun cas les pieds dans l'un deux, sauf si une chose importante m'y obligeait. 

J'avais seize ans et je connaissais la ville comme ma poche, pour y avoir couru depuis mon enfance. Ma famille n'était pas bourgeoise, mais elle s'en rapprochait. Mon père était un homme de la cour et je ne le voyais pas souvent. J'avais une sœur, plus grande que moi, mais elle s'était mariée avec un riche jeune homme, son choix illimité sachant que sa dot était aisée. J'aimais bien ma sœur, on s'entendait bien. Maintenant, j'étais seul avec ma mère qui se faisait plus distante. En vérité, elle voulait que j'entre dans un monastère, car c'était toujours bien vu d'avoir un membre religieux dans une famille. Elle était donc très stricte à la prière. Mais moi, non pas que je dédaignais Dieu - loin de là ! - mais je préférais mener ma vie au grand air, plutôt que cloîtré dans un couvent. Imaginez-vous bien les disputes que j'avais avec ma mère... Je ne vous en parle pas. Alors que la vie à notre maison de famille me pesait sans ma sœur, je décidai d'aller en ville, pour arpenter ces rues pleines de bonnes odeurs et de marchands. N'étant pas initié à l'équitation, je me déplaçais essentiellement à pied. 

A ma première arrivée à Saint-Malo, j'avais été stupéfait par l'ambiance. J'étais tout simplement impressionné. Mais ce qui m'avait le plus captivé, c'était le port. Il était merveilleux : ses bateaux, ses marchandises, la mer, la houle, je ne pus pas me détacher de cette impression que je ressentai. Je restai à contempler la mer des heures durant, jusqu'au coucher de soleil. C'est là que je la vis. 

Oui, elle se distinguait nettement des autres car elle n'était pas habillée de la même manière que les demoiselles de qualité. En fait, elle n'avait rien qui semblait normal. Cette jeune fille devait avoir à peu près mon âge : elle était blonde, aux yeux marrons incandescents sous la chaleur du soleil. Elle portait un pantalon serré et une chemise retenue par un joli corset. Je ne pouvais pas dire que c'était une fille des rues, elle n'en avait pas l'air. Je décidai de m'approcher lentement pour la regarder de plus près, sans me faire remarquer. Chose facile car la foule était dense. La fille tourna tout à coup la tête vers moi et je me baissai pour me cacher dans le dos des passants. J'attendis une bonne minute avant de refaire surface. Elle n'était plus là. Je la cherchai des yeux et ne la trouvai pas. Je commençai à me dire que j'avais eu une apparition quand quelqu'un me saisit le bras gauche par derrière et le souleva dans mon dos. Je poussai un cri de douleur.

— Pourquoi m'observes-tu ?! grogna une voix féminine.

— Je ne faisais rien de mal ! gémis-je. Lâchez-moi !

Elle le fit. Je me massai le bras et fis face à mon agresseuse. C'était bien cette mystérieuse fille qui m'avait abordé. Elle essayait de se frayer un chemin à travers la foule. Ne réfléchissant plus, je la suivai dans un dédale de rue incessant. Elle tourna une énième fois dans une rue que je ne connaissais pas et se retrouva face à moi. Surpris qu'elle sache que je la suivais et qu'elle m'ait conduit ici juste pour me parler, je baissai les yeux, honteux de moi.

— Qui es-tu ? interrogea-t-elle. Je ne t'avais jamais vu ici.

— Je suis Loïc de Garougnes, répondis-je, prenant de l'assurance dans ma voix.

Elle m'observa en plissant les yeux. Je me décidai à lui poser la même question :

— Et toi, qui es-tu ?

— Henriette de Nîmes, dit-elle, à ma grande surprise.

Nous étions tous les deux des nobles, et pourtant, nous n'y ressemblions pas.

— Pourquoi me regardais-tu ? attaqua-t-elle, menaçante. 

Je ne savais que répondre à cette question.

— Je... J'observais le paysage et... je suis tombé sur toi...

— Et alors ? rétorqua-t-elle. Je t'ai choqué parce que je suis moche, que je ne suis pas habillée comme toutes les demoiselles bien nées, que je suis pleine de poussière, c'est ça ? 

Elle avança vers moi et je reculai, prenant peur de cette fille si méchante.

— Non, non, pas du tout, ce n'est pas à cause de ta laideur...

— Tu avoues que je suis horrible ! fit-elle, satisfaite.

Je ne compris pas son air. Elle aurait dû être désespérée d'être traitée de laide. Quant à moi, je me maudissais d'avoir dit cela, car, en fait, elle n'était pas si moche que cela. 

— Non, je ne voulais pas dire ça..., m'excusai-je.

— Que voulais-tu dire, alors ? me coupa Henriette, perdant son sourire.

Je ne savais pas quoi faire face à ses changements d'humeur, je tremblai comme une feuille.

— Qu'importe ce que je voulais dire... Je me pardonnerais, s'il le faut...

Pourquoi avais-je dit ça ?! Seul le bon Dieu le savait. Mais cette dernière phrase eut sur Henriette un effet. Elle réfléchit.

— J'accepte de te pardonner, si tu es d'accord pour devenir mon second.

Je relevai brusquement la tête vers la jeune fille.

— Ton... Ton second ? Pourquoi faire ?

— J'ai besoin d'amis, dit-elle simplement, en guise d'explication.

J'étais abasourdi.

— Tu acceptes ? me demanda Henriette, en me tendant une main.

Que auriez-vous à ma place ? (Envoyez-moi un signe, une idée, n'importe quoi !!) Moi aussi, j'avais besoin d'amis, même si je ne privilégiais pas trop ceux comme Henriette. Alors, sans me poser plus de questions, je serrai sa main.

— Parfait ! triompha-t-elle. Je vais maintenant te montrer notre point de rendez-vous, Loïc de Garougnes !

Et elle m'entraîna dans un nouveau dédale de rues.

Ce fut ainsi que je fis la connaissance d'Henriette de Nîmes. Et j'avais encore mal, rien que d'y penser.

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