10. Nouveau profil.
"Jérémy ?
- Hmm ?
- Il vient d'où, ton pseudo ?
- Hein ?
- Tu sais, sur Chatrooms... Asylum...
- Ah !!! Oulah, c'est une très longue histoire !
- Raconte !!!
- On avait ce mot dans notre vocabulaire à apprendre en anglais renforcé, au lycée, et il m'a plu. Fin !
- C'est tout ?!
- Ouais, c'est tout !
- Pff, t'es nul ! Ahah !
- Tu y repenses encore beaucoup à cette période ?
- Tout le temps... Avec tout ce qu'il s'est passé...
- Tu m'étonnes, et en si peu de temps...
- Ouais...
- Ça va aller, David ?
- Ce n'est pas tous les jours facile, mais ça ne peut qu'aller mieux... Maintenant que ce monstre est mort, il ne pourra plus me faire du mal. Tu sais, au début, je faisais des cauchemars toutes les nuits... J'ai dû voir un psy, qui ne m'a servi absolument à rien car ce gros connard m'a quand-même dit que "nous, les homosexuels, étions propices à ce genre de débordements", et qu'en gros, j'avais cherché ce qui m'était arrivé. Mais tu comprends, j'étais l'objet médiatique, "la victime, le survivant"...
- Je ne te force pas à parler de tout ça, hein.
- Je sais, mais j'ai envie que tu saches. J'ai besoin que tu le saches... J'ai mis du temps avant de vouloir te reparler. Pas parce que je t'en voulais, mais parce que je m'en voulais. Tu m'avais prévenu, dès le tout premier signe, tu m'avais mis en garde, pour la photo. En discutant longuement avec mes amies, j'ai pris conscience de son premier geste, que tu avais toi-même qualifié du même mot : une agression. Tu avais comparé ça à un exhibitionniste, et la comparaison était tellement pertinente !... Et pourtant, je n'ai pas tenu compte de tes conseils, j'ai foncé tête baissée...
- Comme un ado.
- Comme un ado... J'avais besoin de céder à la tentation, de braver des interdits. Mais je n'aurais jamais imaginé que tout ce qu'il avait fait était faux. Sa photo, son âge, même son prénom, tout... Jusqu'à son histoire de viol.
- Son histoire de viol ?
- Oui, il m'a raconté qu'il aurait été violé étant jeune ado, par le mari de sa tante.
- Il y a de fortes probabilités que ce ne soit pas un mensonge.
- J'y ai pensé aussi, mais je n'aurais jamais la réponse. Maintenant, il a été arrêté, jugé, et ce gros lâche s'est donné la mort. Il ne pourra plus me faire de mal, et justice a été faite... Tu sais, le plus dur pour moi, c'est de me dire que jusqu'au moment où ça a basculé, j'étais attaché à lui. Mais lui, depuis le tout départ, c'était un monstre.
- Un prédateur.
- Exactement. Un prédateur. Tissant peu à peu la toile qui lui servirait à me tendre son piège abject... On m'a retiré de ma mère, et ma grand-mère a demandé à ce que je sois placé sous leur tutelle. Cette décision fut le plus beau cadeau et une très belle chance de repartir à zéro. J'ai pu intégrer un lycée privé où personne ne savait ce qu'il s'était passé.
- Ça me fait tellement plaisir de t'entendre dire tout ça... Si tu savais à quel point je m'en suis voulu !
- Oh, mais je le sais ! BiM et Suma sont venus me voir à l'hôpital. Ils m'ont raconté qu'après ton interrogatoire vous vous êtes violemment disputés, et notamment parce que tu n'arrivais pas à te sortir de tête que tu n'étais pas responsable de ce qu'il m'est arrivé.
- Jusqu'au bout, ils n'auront pas su tenir leur langue, ces deux là...
- Ahah ! Ouais !... J'étais triste de ne pas te voir avec eux. J'ai cru que tu ne voulais plus entendre parler de moi, en sachant que j'étais hors de danger. Et j'avais besoin de toi, inconsciemment, car tu étais la personne qui m'avait mis en garde, qui avait essayé de me protéger. Et, de toute ma vie, jamais personne n'avait tenté de me protéger.
- Je suis désolé.
- Tu n'as pas à l'être. Si l'un de nous deux doit l'être, c'est moi. J'aurais pu revenir vers toi, également, mais je ne m'en sentais pas prêt. J'avais besoin de temps. Besoin de me reconstruire.
- Mais tu as réussi !
- Oui... Au bout de deux ans. Grâce à toi. Sans toi, je n'aurais pas réussi à faire à nouveau confiance à un garçon. Maintenant je suis majeur, je sais que tu es là pour m'aimer et me protéger, et si je te dis tout ça, c'est parce que je t'aime. Je t'aime, pour ta patience, et ta compréhension. Ta douceur et ta protection. Je ne serais pas moi à 100% sans toi... Tu pleures ?
- Bah oui, pauvre nouille !!! Comment veux-tu que je reste insensible à ce que tu viens de dire ? Tu as frôlé la mort, tu as été violé, mutilé. Et si j'avais insisté, on aurait pu éviter ça... Et pourtant, nous sommes là, ce soir, et tu me dis ces si jolis mots... Pour y répondre, et je sais que je n'ai même pas besoin de le dire pour que tu le saches, mais moi aussi je t'aime. Je suis tellement heureux que la vie nous ai remis sur le même chemin !
- J'ai longtemps cru que BiM et toi étiez toujours en couple.
- Et pourtant... Il est parti très vite aux States, on n'était pas fait pour être ensemble.
- Ouais, bah heureusement, j'ai envie de dire !... Dis, ça te dérange si j'apporte quelques affaires chez toi pour mes futurs séjours ici ? Genre une brosse à dents, une tenue de rechange, un pyjama...
- Dis-donc, c'est notre première fois qui te fait prendre autant d'initiatives ?!
- Peut-être...
- T'as aimé ? Ce n'était pas trop brusque ? Ou trop difficile, pour toi ?
- Mais non, c'était parfait. Tu as été parfait. Tu es parfait, Jérémy... Bon, et mes affaires, alors ?
- Ok pour la brosse à dents mais le pyjama, pas la peine, ici, on dort nu, et c'est non négociable !
- Tant que tu me tiens chaud la nuit, nu, ça me va !"
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