Chapitre 7


Je partis prendre une douche afin de me débarrasser de tout le sang séché qui avait giclé jusqu'à moi. Lorsque je revins, les poussières des cadavres avaient déjà disparues. Tant mieux, moins de travail à faire. Je n'étais pas d'humeur à faire le ménage, Joan m'avait mise vachement en colère. On ne pouvait pas avoir de discussion sérieuse avec lui, il ramenait son petit bois à chaque question que je lui posais. Et de ce que je savais, les discussions allaient dans les deux sens, c'est ce que sont censés faire les amis entre eux.

Mon cul, ouais.

Joan savait quelque chose, c'était certain. Il savait peut-être même tout, mais préférait ne rien me dire. Pourquoi ? Parce que je suis une humaine. Bien, ça ne m'avançait pas à grand chose.

Je soufflai et partis me coucher, tentant d'oublier le temps d'une nuit tous ces mystères, en vain. Je ne dormis pas et réfléchis à tout ce qui se passait. Finalement, j'abandonnai l'idée de dormir au profit de l'observation de ma nouvelle arme, la dague que j'avais fait apparaître par enchantement dans ma main lors de l'attaque du Draugr. La lame était divisée en deux, tranchante. Entre celle-ci et le manche se trouvaient d'innombrables symboles et dessins, et je reconnus certains d'entre eux. Ils étaient tous entourés du symbole de l'Ouroboros, un serpent se mordant la queue. Il signifiait la fin et le commencement de toute chose, autant un signe d'espoir que de désespoir.

Pour cette dague, ce serait la fin de la vie, pensai-je.

Je lus également du grec ancien, dont le mot Ἄρτεμις, signifiant Artémis.

Mais qu'est ce qu'elle faisait là ?

Je décidai de poser la question à Joan, lorsqu'il se sera excusé et calmé.

Le soleil venait de pointer le bout de son nez et je n'étais toujours pas prête pour aller dormir. Pour me changer les idées, je partis au parc, ramassant des brindilles au passage. Je fus de retour là où la mystérieuse biche m'avait parlée, les cygnes toujours en train de patauger dans l'eau. Je m'approchai, souriant à la vue de leurs petits insouciants. Ils jouaient, s'éclaboussaient et s'approchaient en même temps de moi. Mais leurs parents n'avaient pas l'air inquiets. Finalement, les cygneaux se rendirent compte de ma présence. Mais ils restèrent, m'observant avec cette curiosité unique aux enfants. C'était bizarre de penser ça, puisque ce n'étaient que des animaux. Mais je ressentais leurs émotions, je comprenais leur envie de jouer. Je les arrosai et ils plongeaient, tentant d'éviter les gouttes. J'éclatai de rire toute seule, mais Dieu que ça me faisait du bien. Les petits me pinçaient gentillement du bec et jouaient avec les brindilles que j'avais ramenés. Je les laissai faire et me mis à m'entraîner à "l'invocation". C'était bizarre de dire ça, mais je n'avais rien trouvé de plus original.

Depuis la dernière fois, je m'étais beaucoup entraînée à l'invocation de flèches discrètes, je les maîtrisai parfaitement à présent. Je réfléchis à un autre genre de flèches. Je finis par réussir à invoquer des flèches de toutes les couleurs, même si celles dorées étaient les plus belles à mes yeux. Mais cela n'avait rien d'utile et je décidai rapidement de donner des effets à mes projectiles. Enfin, si c'était possible.

Je pensai à une flèche ayant une traînée d'étincelles à sa suite, ne voulant pas blesser mes petits cygnes avec des explosions.

Si tu veux une flèche, invoque-là.

Et je me concentrai. La brindille scintilla rapidement, mais je n'eus qu'une flèche ordinaire. Je soupirai, ça ne viendra jamais facilement. Je fermai les yeux et visualisai ma flèche. Elle était dorée, comme les premières que j'avais réussi à faire. J'imaginai de milliers d'étincelles la suivre, dorées, comme elle. Premier essai, raté. Second, raté.

Il me fallut quarante essais acharnés avant de voir des étincelles suivre ma flèche lorsque je la lançai.

Petite danse de la joie avec les cygneaux. J'avais réussi ! Je pouvais donc donner des effets à mes flèches. Comment ? Je ne savais pas encore, mais j'étais décidée à demander à Joan. Mes efforts me demandèrent beaucoup d'énergie, je décidai donc d'aller faire une petite sieste. J'avais été tellement concentrée que la journée avait passée, il était à présent quatres heures de l'après-midi.

Je rentrai chez moi et m'arrêtai devant la porte. Si un monstre, quel qu'il soit, m'attendait appuyé sur le bar de la cuisine, j'allai faire une crise d'hystérie. Je soufflai et entrai.

-Salut.

-PUTAAAAAIIIIN !

Et je lançai mon poignard que j'avais invoqué en un rien de temps.

Il alla se ficher à quelques centimètres de l'oreille de Joan. Heureusement que je ne savais pas viser.

-Moi qui voulait m'excuser... grommela-t-il.

Sur le coup, j'hésitai à ranger Joan dans la catégorie "monstre". Il était vraiment mal en point. Ses cheveux habituellement mis en bataille soigneusement n'avaient plus rien d'ordonné, des cernes immenses se tenaient sous ses yeux et son regard était presque vide. Cela ne faisait qu'une journée que je ne l'avais pas vu, comment avait-il réussi à être aussi fatigué en si peu de temps ? Mais je décidai de le laisser tranquille, pour l'instant. Je savais qu'il allait me ramener du petit bois, et je n'étais pas d'humeur à me disputer, encore.

Je courrai à sa rencontre et vérifiai son oreille. Il parut gêné.

-Arrête, j'ai rien.

Je ne m'arrêtai pas de m'excuser, j'avais failli le rendre à moitié sourd.

-C'est bon ! J'ai l'habitude, me dit-il nonchalamment.

Je m'arrêtai net. Ah oui, il chassait les monstres, c'était son dada. Je soupirai et m'affalai sur le canapé, les mains devant les yeux.

-Je n'arrive pas à y croire...

-De quoi ?

-Des monstres, andouille !

Il grimaça, puis s'installa sur le fauteuil en face de moi, les mains jointes.

-J'imagine que c'est dur à encaisser.

-Evidemment. J'ai failli me faire tuer deux fois en deux jours !

Il grimaça à nouveau. En y regardant de plus près, c'était mignon. Il était gêné et je compris pourquoi : je le regardai depuis plusieurs secondes déjà et je ne devais pas avoir une tête normale. Je détournai les yeux, sentant mes joues rougir. Je m'enfonçai dans mon canapé, la tête haute. J'avais le droit de le regarder, quand même.

Puis je me souvins de la raison pour laquelle je ne l'avais pas encore éjecté de la maison : la dague. Je me levai et allai la chercher, toujours plantée dans le mur. La vache, j'y avais été fort. Puis je revins.

-Pourquoi c'est écrit Artémis sur cette dague ?

J'y allai droit au but, pas le temps de faire des manières. J'avais appris de manière brute en me faisant attaquer par des monstres tout droit sortis de mes livres, autant continuer de cette manière.

Joan se pencha, me prit l'arme et l'examina. Il passa son pouce sur les symboles, dessinant les contours de l'Ouroboros.

-D'où la tu eues ?

Ses yeux brillaient, comme un gosse devant une vitrine de jouets. Je haussai les épaules.

-Quelle importance ?

Il daigna enfin poser les yeux sur moi, les sourcils froncés.

-Tout.

Je gigotai sur mon siège. Je ne voulais pas qu'il me prenne pour une folle. Mais après tout, il avait très bien réagi à des zombies dévoreurs d'hommes, alors... Je soupirai et partis chercher mon tas de bois. Je me plaçai devant lui et fermai les yeux. Je sentis la brindille changer de forme et entendis le cri étouffé de Joan. Lorsque j'ouvris les yeux, ma nouvelle dague était toujours en train de scintiller et Joan était debout de l'autre côté de la salle, les yeux écarquillés. Mais je ne pris pas le temps de rire à son air terrorisé parce qu'une dague, c'était assez. Là, j'en avais deux, et je voyais des points noirs à la place de Joan. Je n'eus pas le temps non plus de me demander ce qui se passait : je sombrai dans l'inconscience due à ma fatigue.

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