Ses rêves s'étaient dissous et son esprit s'était éclairci. On l'avait installé dans l'infirmerie arrangée du restaurant. Une fois son équilibre rétabli, Joan se précipita au chevet d'Artémis. 

Elle était toujours pâle, dans un état effroyable. À côté d'elle, les machines émettaient un bip lent, mais régulier. Son état avait été jugé stable et étant une déesse, Artémis n'était pas en danger de mort. On avait donc autorisé Joan à s'approcher malgré sa propre faiblesse. 

-Mère, j'ai trouvé un remède.

Il n'y avait aucune réaction. Joan souffla, mais reprit son explication :

-J'ai rêvé de la fontaine de jouvence, Mère. Je ne sais pas où la trouver, ni même si elle existe, mais je me dois d'essayer, pour tout le monde, pour votre fille. Soyez assurée qu'elle s'en sortira, elle est forte, comme vous, Mère.

Il se redressa et tourna les talons. À la sortie de la chambre, il se retourna une dernière fois, mais Artémis gardait obstinément les yeux fermés.

Joan sortit donc et partit se renseigner sur l'emplacement possible de la fontaine de jouvence. 

La bibliothèque gardait toujours cet air impérieux qui impressionnait même les plus habitués. Ses dizaines d'étagères qui atteignaient le plafond vitré recelaient milles et unes connaissances indispensables aux Chasseurs. 

Joan ne s'attarda que très peu de temps sur sa splendeur, il n'avait pas de temps à perdre. Marchant rapidement à travers les allées, il finit par trouver la zone dédiée à l'eau, cet élément qui intrigue l'Homme depuis toujours.

Il avait la tête plongée dans les livres quand il entendit de légers crissements sur le sol qui se dirigeaient vers lui. Lorsqu'il leva la tête, il vit une panthère noire l'observer de ses yeux verts. C'était la bête qui suivait Thina comme son ombre. Joan s'en était toujours méfié, surtout depuis le jour où il avait surpris Thina lui parler comme à une personne consciente. Maintenant, il le savait, Cérynie était loin d'être ce qu'elle prétendait être. 

D'un pas tranquille, celle-ci vint se coucher au pied de Joan, mettant tendu comme la corde d'un arc. Bien qu'il aime les bêtes, celle-ci restait un fauve assez dangereux et Joan avait déjà eu quelques mésaventures avec le chat de Carole.

Mais Cérynie finit par souffler et ronronner, toujours pelotonnée aux pieds de Joan. C'est ainsi qu'il continua la majeure partie de la nuit, avant que le sommeil ne le trouve.

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Lorsqu'il se réveilla, Cérynie était toujours couchée contre lui, mais elle ne ronronnait plus. Elle avait les yeux légèrement ouverts, comme à l'affût. Lorsqu'elle se rendit compte que Joan l'observait, elle pris un air chaleureux et reposa sa tête sur ses pattes.

Le chasseur soupira et se ré-attarda sur ses livres éparpillés çà et là. Il avait comparé les différents puits, sources et fontaines et localisé leurs différents emplacements. Pour l'instant, aucun ne correspondait. La fontaine de jouvence se trouvait soit en Libye, soit en Amérique. Mais d'après les nordiques, la fontaine de Mimir se trouvait dans le Jötunheim, le territoire des géants de glace.

Ayant commencé par les mythes les plus répandus, Joan se devait maintenant d'éplucher les croyances les plus subtiles et trouver le détail qui l'aiderait dans sa quête. Dans un bâillement, il commença à arpenter le monde entier sur sa chaise.

Il lui fallut une journée et une nuit de plus pour trouver un semblant de lien : les croyances pré-islamiques situaient une fontaine dans les régions polaires. Là où il y avait des géants de glace.

Il finit cependant les derniers livres qu'il s'était promis de lire mais ne trouva rien de plus précis. Toujours dans les vapes, Joan tenta de se lever. Il s'attira un grognement de la panthère qui finit également par se redresser.

Ils partirent donc tous les deux de la bibliothèque pour aller dans la chambre de Joan. Bien qu'il soit gêné, celui-ci ne tenta pas d'empêcher Cérynie d'entrer. Sa chambre était son antre, son coin d'intimité. Il adorait profiter de son calme seul, un verre dans une main et un livre dans l'autre. 

Comme si la panthère en était consciente, celle-ci s'arrêta au seuil de la porte et observa Joan faire son sac. Il fourra quelques vêtements en vrac mais s'attarda plus longuement sur les armes et l'équipement qu'il avait à emporter. Sur le mur en face de lui, il actionna un petit loquet qui fit découvrir une armoire cachée dans le plâtre. Milles et unes armes se présentaient, toutes dangereusement belles. Au fil de ses missions, Joan avait traversé de nombreux pays et amassé une belle collection qu'il n'avait eu que le loisir d'observer, mais pas d'essayer. Mais n'étant pas habitué à chacune de ces armes, il se contenta de prendre sa dague, son arbalète, ses flèches et son revolver. Bien qu'ils soient serviteurs des dieux, les chasseurs savaient aussi faire dans la modernité. De plus, Joan le savait, une arme à feu restait plus efficace qu'une dague en combat éloigné. 

Joan se détourna de sa collection et se tourna vers une seconde armoire, plus discrète. Là se trouvait tous les équipements de survie nécessaires à n'importe quel environnement, allant du désert aux régions polaires. Il lui fallait également survivre contre la nature s'il souhaitait se rendre en Arctique. Cordes, vêtements chauds, lunettes, silex,... Il devait se préparer à toute éventualité. Il ne savait pas s'il allait trouver quelque chose et comment serait cette chose. Enfin, il prit ses livres sur la mythologie nordique et inuit qui pourrait l'aider durant sa quête.

Enfin paré, son sac sur ses épaules, Joan se retourna et fit face à la panthère.

-Tu m'accompagnes ? Je ne sais pas si ce climat te conviendra, mais j'ai l'impression que tu ne comptes pas me lâcher d'une semelle. 

Cela lui faisait bizarre de parler à un gros chat, mais il avait vu Thina faire la même chose, alors...

Cérynie grogna un semblant d'accord et se retira dans le couloir. Lorsque Joan fit de même, il rencontra quelqu'un qu'il ne comptait certainement pas croiser.

Sunshine se trouvait devant lui, hagarde. Sa chevelure d'or avait perdu son éclat et elle semblait elle-même très pâle. C'était encore plus troublant maintenant que le chasseur connaissait la nature succube de la belle blonde. Lorsqu'elle leva ses yeux sur lui, ses yeux noisettes reflétèrent un éclat de joie qui fit soupirer intérieurement Joan. Depuis qu'il s'était délivré de son charme suite à son inquiétude pour Thina, Joan n'avait plus aucune attraction pour la succube. Il avait même plutôt du dégoût envers tout ce qu'il s'est senti forcé de faire pour elle. La voir là, devant lui, ne faisait qu'attiser sa curiosité, rien d'autre.

-Sun, que fais-tu là ? Tu devrais rester à la clinique.

Lorsqu'elle avait été blessée par le troisième cavalier, son état ne lui permettait plus de guérir et de continuer son petit bonhomme de chemin. Elle avait donc été hébergée par les chasseurs le tant qu'elle s'en remette, ce qui prenait un peu trop de temps pour Joan.

-Je me sens mieux et... je voulais te voir.

Ah. Cela devenait embarrassant, surtout que Joan était pressé.

-Je n'ai pas le temps, Sun, pour tes amourettes de lycéenne...

-Mais ta gueule ! Je voulais te parler de Thina.

Elle prit sa moue boudeuse qui avait fait craquer Joan plus d'une fois. Il fut cependant surpris par sa manière de dire et le ton impérieux qu'elle avait pris. Sa détermination se laissait transparaître et son air d'adolescente avait complètement disparu.

Perturbé, Joan s'excusa :

-Désolée, je t'ai brusquée, mais je ne peux pas te consacrer le temps que je pourrais utiliser pour la sauver, elle et tous les autres.

-Je souhaiterais t'aider pour ça.

Une fois de plus, Joan fut surpris. 

-Pourquoi voudrais-tu le faire ? 

-Tes avis de chasseur concernant les succubes et les incubes restent très limités, mais sachent que même si nous restons des démons, nous n'avons pas pris le parti du Ragnarök car le monde que l'on connaissait nous allait. Maintenant... - elle se frotta le bras, comme prise de frissons - Maintenant que les ténèbres avancent, ils s'en prendront également à nous pour ne pas les avoir supporter.

En effet, cela prenait maintenant du sens pour Joan. Résigné, il dépassa Sunshine et continua d'avancer. Il finit par entendre ses pas derrière lui.

-Où allons-nous ?

-En Arctique.

Le silence régna derrière lui pendant quelques instants.

-Tu es sûr de l'itinéraire ?

-Non, mais c'est le seul indice que j'ai.