Chapitre 37
Ses yeux étaient parsemés d'étoiles d'or. Plus je l'observais, plus je m'y perdais. Son sourire éclatant me répondit lorsque je lui demandai s'il avait un couteau sous la main, j'étais trop épuisée pour invoquer mes dagues. J'étais tout aussi fatiguée physiquement que moralement, j'avais besoin de sommeil, d'un long et profond sommeil.
Accédant à ma demande, il recula légèrement et farfouilla dans sa veste en cuir. Il en sortit une petite fiole contenant un liquide violet. Rien que de le voir, je me sentis nauséeuse : je ne voulais pas mourir, mais il le fallait.
Timidement, j'attrapai le poison et l'observai d'un regard soupçonneux. Fallait-il vraiment en arriver là ?
-Thina, rappelle-toi...
Le cadavre me revint en mémoire et cette envie d'épargner mes amis également. Je ne méritais ni Cérynie, ni Joan, quoi qu'ils puissent me dire.
Soudain, de nombreux craquements retentirent dans la forêt, mais je ne réussissais pas à en trouver l'origine. Les sourcils froncés de Gabriel me donnèrent l'impression que c'était également son cas. Finalement, quelque chose s'avança dans la clairière.
C'était Sunshine... Putain mais qu'est ce qu'elle foutait là ?!
Ses cheveux blonds n'étaient plus aussi brillants et ordonnés que la fois où je l'avais rencontrée dans les bras de Joan. Ses yeux étaient tellement écarquillés que j'en voyais le blanc, comme un animal effrayé.
Une truie ?
Alors qu'elle semblait se rendre compte de l'endroit où elle se trouvait, j'entendis Gabriel jurer. Quittant momentanément l'inattendue des yeux, je vis le beau visage de mon incube inquiet, et lui demandai s'il avait un problème.
-Aucun, ma chérie. Juste une... connaissance.
Ils se connaissaient ?! Ah ouais, il était un incube et l'autre devait être facile à mettre au lit...
-Bah tiens !
Au son de ma voix, Sunshine se tourna vers moi, tétanisée :
-Chasseresse ! Loué soit Zeus, je suis sauvée !
-Euh...
Primo, mauvaise personne à remercier, secundo, comment me connaissait-elle ?! Je n'eus pourtant pas le temps de lui poser la question qu'elle se jeta dans mes bras, toujours en train de bénir le ciel.
-Tu vas me sauver, hein, Chasseresse ?! Elles ont toutes déserté lorsque la première vague est apparue... J'ai tenté de les suivre, mais j'ai été emportée par une foule d'humains ! Lors de la deuxième vague, je me suis réfugiée dans un café qui empestait la cigarette ! Je pensais qu'elle était posée cette loi, là, où il faut arrêter de fumer dans les bars... C'était horrible ! Et puis, puis... À la troisième vague, le bâtiment tanguait à cause des tremblements de terre ! C'est pas censé il y avoir des tremblements de terre, ici ! Je suis vite sortie au cas où ça tomberait en poussière, et maintenant regarde comme je suis crade !
Elle avait parlé si vite que j'avais eu de la peine à la comprendre, mais ses hoquets ininterrompus lui permettaient de faire des pauses dans son récit ô combien passionnant. Alors qu'elle continuait à geindre contre moi, elle s'arrêta un instant pour renifler. Je retins une grimace de dégoût en imaginant toute la morve dont je serais pourvue lorsqu'elle aurait fini de pleurnicher.
Tentant de trouver un soutien quelconque, je me tournai vers Gabriel, qui la regardait avec bien plus de répugnance que ce dont je me permettais. D'un petit signe de tête, je lui demandai de m'aider à me débarrasser d'elle. Gêné, il prit délicatement Sunshine par la main et tenta de l'éloigner de moi. Lorsqu'elle comprit ce qu'il tentait de faire, elle cria et le gifla, telle une diva outrée.
-Ne me touches pas, goujat ! Je sais ce que tu fais aux femmes de mon espèce.
-Certainement pas ce que tu crois...
-Vraiment ?! Vous, les incubes, vous cherchez la perle rare, évidemment, c'est chez les plus belles, les succubes, que vous les trouvez !
Je la regardai, abasourdie, alors qu'elle fusillait Gabriel du regard. Totalement dépourvu de son assurance, il l'observait avec la même surprise que moi.
C'était une succube ?! Je compris immédiatement pourquoi ils s'entendaient mal... Un homme du sexe contre une femme du même genre...
Enfin, tout devint plus clair sur une chose que je n'avais jamais comprise...
Joan.
Elle l'avait attiré dans son lit sans qu'il ne puisse faire quelque chose, ce n'était pas lui qui avait cherché du réconfort auprès d'une autre.
Bizarrement, je n'en voulais pas à Sunshine : c'était dans sa nature d'être sexy. Elle restait pour moi une gamine diva et insupportable, mais j'en comprenais maintenant la raison.
Alors qu'elle continuait sa tirade contre l'incube, je vis Cérynie du coin de l'œil. Elle était toujours immobile, et maintenant que j'avais les idées plus claires, je me demandais ce qui lui arrivait. Contrairement à tous les autres, elle me comprenait et je mettrais ma main à couper qu'elle resterait avec moi jusqu'au bout.
Laissant les tourtereaux à leurs affaires, je me dirigeai vers elle. Gabriel ne sembla pas s'en réjouir :
-Thina ! Reviens ici !
-Ah non, mon grand, tu restes là !
Sunshine l'avait attrapé par la ceinture alors qu'il tentait de me rejoindre. Propulsé en arrière, il finit assis contre un arbre, totalement confus. La succube, elle, continua sa tyrannie :
-Tu as brisé le cœur de plus de femmes que tu ne puisses compter ! Et beaucoup d'entre elles étaient mes amies !
-Vous faites exactement la même chose avec les mecs !
-C'est pas pareil !
Retournant mon attention sur ma panthère, je lui soufflai gentiment :
-Mon chat ? Qu'est ce qu'il y a ?
Elle ne me répondait pas, ne me regardait pas. Lentement mais sûrement, je paniquai.
-Cérynie ?! Réponds-moi !
Au loin, j'entendis les paroles de Gabriel :
-Tu ne peux pas la réveiller tant que tu es là ! Viens avec moi avant que je ne parte ou tu la perdras pour toujours !
Agacée, je lui lançai :
-Ce n'est pas juste en existant qu'on produit des choses pareilles, imbécile !
-Et pourtant !
Le son distinctif d'une gifle retentit :
-Ce n'est pas à elle que tu dois parler, mais à moi !
Plus elle pétait les plombs, plus je l'appréciai.
-Lâche-moi.
La voix de Gabriel était grave, profonde et menaçante. Il n'avait pas dû apprécier la baffe. Alors qu'il se relevait, les agitations de la terre, auparavant insignifiantes, prirent plus d'ampleur. Déséquilibrée, je m'affalai au sol. Les grondements allaient en un crescendo assourdissant. Au bout d'un moment, je dus tendre l'oreille pour comprendre les paroles de Gabriel :
-Ne me gifle pas, ne me parle pas, ne me regarde pas, stupide mortelle !
Ses yeux semblaient refléter les flammes de l'Enfer. Il observa Sunshine de toute sa hauteur et lui asséna un tel coup de poing qu'elle s'évanouit. Se tournant vers moi, je compris que son regard était réellement rouge.
-Maintenant, on va jouer selon mes règles.
Il se dirigea rapidement vers moi et je reculai, paniquée. La fiole mortelle toujours dans la main, il me prit violemment le poignet.
-Aïe ! Putain, Gabriel, qu'est ce que tu fous ?!
-Je ne suis pas Gabriel, imbécile. C'est lui.
Il me désigna son cadavre. Ah ouais, maintenant ça prenait tout son sens.
Je n'eus pourtant pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il me força à ouvrir la bouche de sa main.
-Même si tu ne veux plus, tu vas boire cette maudite potion, ainsi, on sera tous débarrassés de toi...
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