Chapitre 34

Les dents du chevalier claquaient alors que nous tournoyons pour atteindre l'autre. Gabriel et Cérynie tentaient de trouver une ouverture, mais le squelette restait sur ses gardes. Carole, Spencer et Joan se contentaient de me regarder, gênés.

D'un geste rageur, je rappelai ma dague qui s'était - encore - fichée dans les côtes de mon adversaire. Depuis le début de ce combat, mes capacités étaient à leurs tops et je sus faire quelques manipulations sans beaucoup d'efforts, j'en étais fière.

Je ne trouvai aucune faiblesse, et cela me fatiguait. J'avais littéralement arraché sa tête, mais ses yeux avaient continué de rouler et de me regarder. Lorsque je l'avais lâchée, elle s'était tout simplement envoler pour se remettre à sa place. Je l'avais également démembré, en risquant plusieurs fois mes propres membres également, mais il s'était tranquillement refait, le son de ses dents toujours en train de me mettre à cran.

Parfois, il se permettait quelques commentaires :

-Hihihi ! Tu es tellement drôle !

Je n'aurais jamais cru qu'un squelette me dirait ça.

Après le démembrement et la décapitation, que pouvais-je faire d'autre ? 

En me posant cette question, j'eus l'impression de penser comme une psychopathe qui chercherait à torturer de la meilleure des manières. Parfois, je me faisais peur moi-même.

Grâce à mes multiples variantes de flèches, je tentai de le brûler. Tous mes amis reculèrent, mais le chevalier de l'apocalypse se contenta de partir dans un fou rire démentiel :

-Arrête ! Ça chatouille !

Mais putain !

Je ne savais pas quoi faire. Apparemment, le squelette était - plus ou moins - basé sur une certaine science. Le fait qu'il n'aie pas de nerfs et donc aucune sensation était logique. Restons donc dans cette pensée.

Qu'est ce qui détruisait les os, le calcaire ?

Je me figeai, juste le temps de recevoir un joli uppercut en pleine mâchoire. Je grognai et tombai au sol. Cette petite commotion suffit à me faire perdre mes idées. Je m'étais souvenue, mais je n'arrivai pas à trouver un sens à ma pensée.

Heureusement, ce qu'avait fait le squelette le laissait à découvert. Gabriel et Cérynie se jetèrent sur leur proie.

-Oh !

Il ne semblait pas plus embêté que ça. Ce n'était pas grave, il suffisait que je me rappelle...

Le calcaire dans l'évier... on utilise un produit...

Un acide.

Outch, là, ça n'allait pas être très beau à voir. Surtout que je n'avais pas d'acide sous la main. Enfin, si, je pouvais m'en procurer, mais je n'avais jamais pensé à invoquer un bidon d'acide sulfurique. Le manque de pratique allait me donner un gros handicap.

-Essayez de l'occuper le plus longtemps possible, j'ai une idée, annonçai-je à Cérynie.

-Contente-toi de ne pas faire la conne.

-Difficile.

Elle ne releva pas, trop occupée à éviter les flèches que lui tirait le monstre. Rapidement, je me mis en retrait et me concentrai.

J'avais fait des cours de sciences plus jeune, mais j'avais rapidement chuté, préférant les légendes à la dure réalité que nous étions des singes. Franchement, c'est plus stylé de savoir que nous avons été façonnés avec de l'argile !

À cet époque, je voulais tout de même faire de grandes études, pour mon futur. J'avais subi d'interminables heures de chimie, et je n'oublierai jamais l'acide sulfurique.

SO4

Une mole de soufre pour quatre moles d'oxygène.

Destructeur total à l'état pur.

J'imaginai un bidon assez résistant pour ses assauts acides. Je visionnai une petite boule jaune, représentant du souffre, et quatre autres boules, cette fois bleues, l'oxyde.

Ma vision d'un acide dangereux et compliqué à manipuler était tellement simpliste que j'eu peur de devoir tout recommencer, mais j'essayai.

Heureusement, ma magie était dans le même état que moi : elle voulait en finir avec cet être franchement infernal.

Ma lumière réconfortante apparut, et je priai pour que la nature comprenne mon dessin très schématique qui l'était peut-être trop.

Mais lorsque je baissai les yeux sur ce que j'avais en main, je souris. Souvent, lorsque je le souhaitai aussi ardemment qu'en ces moments, mes vœux étaient exaucés. J'étais véritablement étonnée de l'étendue de mes pouvoirs. Presque sans entraînements, je pouvais faire des miracles.

Merci, Maman. 

Relevant la tête, j'esquissai le même sourire narquois que faisait mon adversaire depuis le début de notre combat.

-Hey, vieux tas d'os !

Comme prévu, le squelette se tourna vers moi ; ses dents claquaient à tout rompre. Tranquillement, je dévissai mon arme, lui lançant un petit regard mystérieux. Curieux et pas du tout méfiant, il se contenta de me demander ce qu'il y avait dans le bidon.

Avec une rapidité calculée, je lui lançai son contenu.

Le son qu'il produit alors reflétait toutes les douleurs qu'avaient rencontrées les âmes des enfers qu'ils aimait tant. Il hurlait, pleurait, jurait. Du coin de l'œil, je vis un liquide couler de son corps, brûlant tout sur son passage.

Le squelette fondait.

Il tenta tout. Tout en se roulant dans l'herbe mouillée par la tempête, il se tapait le corps pour éteindre les quelques flammes qui s'emparaient de sa tunique déchirée.

Je reculai, soudainement horrifiée par ce que je voyais. D'accord, c'était de la légitime défense, mais je ne souhaitai à personne de mourir ainsi brûlé. Pas même l'annonciateur de l'apocalypse. Une larme coula sur ma joue. Ce que je voyais deviendrait le pire de mes cauchemars. Il fondait ! Totalement conscient de ce qui l'entourait, il ne pouvait rien faire, à part agoniser pendant un temps qui devait lui paraître interminable.

Mais il finit par disparaître, laissant un étrange liquide au sol.

Tous les trois, nous soupirâmes. Ce combat avait semblé ne pas vouloir s'arrêter. Mais, enfin, nous avions fini par trouver une solution. 

Soudain, le cheval de notre cavalier surgit, furieux. Pourtant, il ne nous attaqua pas, mais s'envola rapidement vers les cieux.

Lorsqu'il dépassa les nuages, un calme apaisant s'installa. Une fois de plus, nous soupirâmes. Mais, malheureusement, ce calme n'était qu'éphémère.

Un hennissement dix fois plus puissant qu'auparavant perça mes tympans, je criai et me bouchai les oreilles du mieux que je pus. 

La tempête qu'avait créé le squelette était toujours là, et ce fut à cela que s'ajouta des éclairs menaçants. Ils me semblaient vraiment proches, et la vision de mon père s'écroulant devant moi me revint en mémoire. J'étais totalement effrayée, soudainement peureuse des éclairs.

Le pire n'était pourtant pas ça.

Un deuxième cheval descendit des nuages. Sa robe était rouge sang, ses yeux lançaient les mêmes éclairs que ceux qui frappaient la terre.

L'homme à son dos tenait une grande épée, si grande qu'elle semblait pouvoir couper la terre en deux.

Je commençai à désespérer. D'une voix où toute ma peur transparaissait, je leur citai à nouveau :

«Et lorsque l'Agneau eut ouvert le second sceau, j'entendis le second animal qui disait : Viens, et vois.

Et il sortit un autre cheval qui était roux ; et celui qui le montait reçut le pouvoir de bannir la paix de la terre, et de faire que les hommes se tuassent les uns les autres ; et on lui donna une grande épée.»




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