Chapitre 3
Je me retournai, le cœur battant la chamade.
Un homme se trouvait accoudé au bar de la cuisine, un petit sourire au bord des lèvres.
Je hurlai.
Deux immenses cornes ornaient son front, dont la peau virait au rouge sang lorsque je fit plus attention, et l'apparence de l'homme changea totalement.
Il passa ses griffes dans se chevelure noire d'encre, ses crocs découverts, satisfait de mon air épouvanté.
-Je vois que tu me vois comme je suis.
Sa voix avait également changé, devenant un grondement digne des plus grands monstres.
Je ne réfléchis pas longtemps, et me précipitai vers la sortie, des larmes inondant mon visage paniqué.
-Tut tut tut, Baka.
Il apparut entre la porte et moi alors qu'il était de l'autre bout de la salle une seconde plus tôt, son sourire satisfait toujours présent.
Malgré la peur panique qui me saisissait, mon cerveau réussit à rester en partie lucide, et je compris le charabia qu'il venait de me dire. "Baka" signifiait idiot, en japonais - je remerciai silencieusement les mangas de me l'avoir appris.
Cet homme - ou monstre - était japonais.
Oni.
Je me trompait sûrement, mais toutes les conditions étaient là pour l'identifier comme étant un ogre du folklore japonais, un Oni dévoreur d'hommes. Je paniquai d'autant plus.
Mais c'était quoi ce bordel ? Depuis quand ce qui était posé sur ma table de chevet venait me dire bonjour dans ma cuisine ?! Mes larmes inondaient mes joues, j'étais totalement paniquée, totalement perdue. Un Oni, quoi un Oni ? Merde ! C'était loin d'être ma spécialité, le japonais ! Je fis tout de même mon mieux pour me rappeler le petit paragraphe qui s'y attardait.
Du soja. Le soja était censé purifier les habitations des démons. Je n'y croyait pas beaucoup, mais les graines étaient plus proches de moi que les couteaux de cuisine. Je saisis ma chance.
Cela n'eut aucun effet, à part faire rire le démon tellement fort que je crus que je réussirai par l'étouffer en lui racontant des blagues.
Mais cet instant d'inattention me suffit à littéralement me propulser vers la cuisine, m'emparant d'un couteau, le démon à ma suite.
-Oni wa soto ! Fuku wa ushi ! ( Dehors les démons, que vienne la chance ) lui criais-je, désespérée, brandissant mon arme.
Il s'arrêta, m'observa un long moment, puis disparut.
Il disparut !
Un sanglot finit par sortir de ma gorge, je m'effondrai sur le sol, laissant échapper ma peur par tous les pores de ma peau.
Les Onis existaient, et peut-être pas seulement eux.
Je n'avais plus aucun repère, je finis ma nuit au lit puis, le lendemain, décidai de faire une balade dans le parc se trouvant quelques rues plus loin, chose que j'adorais faire. Je me sentais en plein contact avec la nature. Les arbres, les fleurs et les animaux me donnaient un sentiment de sérénité total, me calmant comme aucune séance de yoga aurait pu le faire.
Je m'assis sur un banc, observant les cygnes qui se rafraîchissaient dans l'eau du petit lac en face de moi.
Je pris de longues minutes à calmer mon cœur toujours en train de paniquer et je repassai la scène mentalement. Il m'avait surnommé "Chasseresse", sauf que je préférai plutôt jouer avec les bêtes que les chasser, j'étais presque végétarienne, ne supportant pas être la raison du mal d'un quelconque animal. C'était d'ailleurs très compliqué de trouver un éleveur qui s'occupait de ses bêtes avec respect, accordant une mort propre et rapide.
J'avais emmené avec moi mon livre de mythologie japonaise, et barrai la mention concernant le soja purifiant les maisons.
Mon œil, ouais.
Au contraire, j'entourai la formule qui m'avait sauvé la vie, n'en revenant toujours pas que de simples paroles aient pu faire une chose pareille. Par chance, Philipp s'était moqué de moi lorsque je lui avais sortis cette formule alors que j'était plongée dans mon livre et cela avait généré des heures et des heures de délires, ce qui finit par être inscrit dans mon cerveau.
Je levai la tête, interpellée par le bramement d'une biche. Elle était juste en face de moi, me regardant de ses grands yeux innocents. Le parc était quasiment vide, et les quelques occupants étaient trop loin pour nous voir. Étonnée, je ne pus rien faire d'autre qu'afficher un sourire béat devant la bête.
-Salut, ma belle.
Elle leva la tête, puis s'approcha. J'étais suffisamment fascinée pour tenter de la caresser, bien que je savais qu'elle ne se laisserait pas faire. Mais elle se contenta de fermer les yeux tandis que ma main touchait son front. J'étais sidérée.
Puis, comme si on avait fini de jouer, elle recula et recommença à me regarder de ses grands yeux.
Viens.
Et elle s'éloigna.
Tiens, après l' Oni, la biche dotée de la parole... Quoi d'autre ?
Curieuse et n'ayant rien d'autre à faire, je la suivis. Je crus que cette balade durerait des heures tellement elle me parut longue, mais nous finîmes par arriver là où je n'avais jamais été auparavant : une petite clairière entourée d'arbres étonnement verts, des frênes. Au centre, une souche d'arbre assez grande pour que je puisse dormir dessus.
La biche se mit derrière elle, posant son regard sur ce qui était posé dessus.
Un Arc.
Il était magnifique, son bois sombre était orné de symboles dorés semblables à ceux présents sur la garde des épées appartenant à des héros de légende. Il avait l'air tellement puissant. Son fil doré semblait incassable, pouvant propulser n'importe quelle flèche à une vitesse surhumaine.
Je levai les yeux, les posant sur la biche.
-C'est pour moi ?
Elle hocha la tête, m'enjoignant à me saisir de ce trésor.
-Je ne sais pas tirer à l'arc.
Tu apprendras.
-Je n'ai pas de flèches.
Cette fois, l'animal fit une pause.
Prends une de ces brindilles.
Je m'exécutai puis la regardai, les sourcils levés et un sourire moqueur sur mon visage. Cela devenait grotesque.
Si tu veux une flèche, invoque-la.
Hein ? Bon, va pour l'invocation d'une flèche.
Et elle vint. La brindille scintilla, au point que je dus détourner les yeux. Lorsque je pus à nouveau observer, ce n'était pas un bâton, mais une flèche qui était dans ma main, aussi belle que l'arc.
J'étais plus que sidérée.
Je regardai l'animal s'éloigner dans toute sa grâce naturelle, certaine d'avoir oublié de demander quelque chose.
Lorsque cela me revient en mémoire, elle était déjà partie.
D'où ce pouvoir me vient-il ?
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