Chapitre 22

Nous marchions côte à côte à travers les couloirs. Les centaines d'incubes me dévoraient des yeux tandis que les succubes me lançaient des regards haineux. Inquiète, je me rapprochai sans le vouloir de Gabriel. Il dût ressentir mon trouble car il me prit la main et ne la lâcha pas lorsque j'essayai de me retirer. Bien que je soit encore plus inquiète par les regards à présent curieux des démons, je ne piquai pas de crise. J'étais en territoire inconnu entourée de milliers de démons, autant se tenir à carreaux.

Contrairement à notre QG, celui des démons était intégré à la ville. Je ne savais pas si nous étions à Valhali, même si je l'espérai. Je crus comprendre que le bâtiment se faisait passer pour une boite de nuit très branchée. Celle-ci se trouvait au rez-de-chaussée mais n'était qu'une couverture, même si elle rapportait une jolie somme à toute la famille. J'imaginai très bien le nombre de chambres privées également disponibles pour l'appétit des démons sexuels.

Toute la décoration laissait penser à leur passe-temps favori. Le rouge sang dominait et le seul éclairage disponible était un nombre incroyable de bougies de toutes tailles et de toutes formes.

Finalement, après de nombreux virages dans les couloirs, nous arrivâmes devant une grande porte rouge incrustée de rubis. Je voulais bien la même dans mon appartement, mais elle ne rentrerait sûrement pas. Les gardes m'observèrent longtemps avant d'ouvrir la porte sous l'ordre de Gabriel. Celui-ci leur lança un regard que je n'aurais absolument pas voulu recevoir.

La salle suivante était aussi grande que notre bibliothèque, mais beaucoup moins surchargée. Nos pas résonnaient tandis que nous avancions vers l'immense trône qui surplombait toute la salle. Il était vide mais j'imaginai facilement la magnifique Aphrodite assise dessus. Je jetai un coup d'œil à Gabriel : il regardait le trône avec une profonde tristesse. Je compris l'amour que leur portaient ses disciples et en fût touchée. Ma détermination se renforça davantage.

Je me dirigeai d'un pas décidé vers le trône, Gabriel sur mes talons. J'inspectai le siège et me tournai vers lui. Il me regarda comme si j'étais le messie tombé du ciel.

-Ok, mais que veux-tu que je fasse ? Je ne suis pas plus expérimentée que toi.

-Non, mais tu es plus puissante.

Ses paroles me surprirent. Je ne m'attendais pas à ce qu'il le dise aussi simplement. Personnellement, je me considérai toujours comme cette humaine fragile qui avait perdu son père à 7 ans et n'avais jamais connu sa mère. Mais ce temps était révolu. Maintenant, je devais être la grande Chasseresse et botter le cul à tous les monstres qui essaieraient de tuer le monde entier. Sauf que je n'en avais pas la force, je restai l'innocente Thina.

-Je ne vois pas quoi faire.

Il me regarda comme si j'avais perdu la tête.

-Tu es une animale, renifle son odeur et retrouve-la.

-Hein ?

Je le regardai, les yeux ronds. Autant qu'il me traite de truie tout de suite. Il fronça des sourcils et ressortit son adorable sourire.

-Bah quoi ? C'est vrai ! Ton odorat est censé être aussi développé qu'un félin.

-Je ne savais pas...

Ses sourcils se froncèrent encore plus. 

-Quels ignorants, ces humains !

Je levai un sourcil et me positionnai pour lui signifier que j'attendais la suite et qu'elle n'avait pas intérêt à être désagréable. Il reprit immédiatement une expression neutre.

-Enfin, je taquine...

-Ouais, ouais.

Je fis une chose que je n'aurais certainement pas dû faire. Je m'assis sur le trône et observait la vue donnée. Gabriel retint son souffle et me regarda comme si j'avais fait la plus grande offense possible, ce qui était certainement le cas. Je haussai les épaules et le défiai :

-Si vous voulez que je vous aide, il faut que j'ai toutes les données à ma disposition.

-Je suis sûr que ce n'est pas nécessaire.

C'était vrai, mais j'avais besoin d'être à l'aise pour me concentrer. Je fermai les yeux et respirai un grand coup. Joan m'avait dit que je m'adaptai à toutes les spécialisations, je devais donc me mettre en mode "animal", même si je ne savais pas si c'était possible.

Je sentis l'odeur d'Aphrodite, subtile, et l'imaginai colorée dans des nuances de rose. Celle de Gabriel devait être plus foncée, mais je ne savais pas comment.

-Viens-là.

Il s'approcha suffisamment pour que je puisse coller mon nez à sa veste. La situation devait être étrange et je sentis Gabriel se crisper sous mon nez. Je pensai à une nuit fraîche en forêt, courir pieds nus et rouler dans l'herbe mouillée. Bien, Gabriel sera en vert foncé. Je fis abstraction de mon odeur car je ne pouvais pas la sentir. Maintenant que j'avais les composantes principales de la pièce, j'ouvris les yeux.

Je ne m'attendais pas à ce que je vis. Je ne voyais pas les quelques meubles présents dans la pièce. Mon attention était totalement focalisée sur les odeurs et, chose étonnante, je les voyais. Ici s'étaient tenues de nombreuses personnes, sûrement lors d'une réunion. Là, les traces des pas de Gabriel lorsque nous étions entrés dans la salle. Il avait avancé en ligne droite puis s'était arrêté. Plus tard, il s'était dirigé vers moi et les traces s'arrêtaient là. À la place de Gabriel se trouvait une fumée verte foncée mouvante et je compris que je voyais son odeur corporelle, et pas lui. Je levai la tête vers ce qui me semblait être la tête. Soudain, il recula.

-Putain Thina, tes yeux !

-Bah quoi ?

-Ils sont... ils sont...

-Quoi ? Verts ou ils ont changé de couleur ?

-Bah ils sont toujours verts mais... en plus félin.

Oh. Je ne pouvais pas faire grand chose pour le moment. Étonnamment, la preuve réelle que j'avais des pouvoirs me faisait plaisir. Taquine, je lui fis un clin d'œil.

-Grrr...

Il inspira un grand coup et je compris ma boulette : j'avais un incube devant moi, vaut mieux ne pas prendre de risques si je voulais rester vierge.

Je retournai rapidement à ma tâche et remarquai quelque chose d'étrange. J'approchai et inspirai un grand coup pour m'imprégner de l'odeur. J'avais raison : c'était du sang.

Je désignai la tâche du doigt.

-Votre Reine s'est elle fait du mal ?

-Je ne pense pas, pourquoi ?

-Il y avait du sang.

Animée d'un instinct primaire, je m'accroupis et reniflai plus intensément. Il n'y avait pas que le sang d'Aphrodite, un autre se mêlait à la tâche. J'inspirai un grand coup et retint mon souffle afin de garder l'odeur le plus intacte possible. Je courus en-dehors de la salle et observai les traces. Là se trouvait celle que je cherchai. L'odeur était imprégnée de violence et de rage ; elle était rouge vif. Je suivis l'odeur, bousculant de nombreux incubes agacés.

-Thina, attends !

Je ne fis pas attention à Gabriel. J'étais comme une lionne en chasse et je devais trouver ma proie. Il me sembla que je descendais des escaliers, m'enfonçant dans les profondeurs de la terre. Je zigzaguai, déterminée, entre les couloirs sombres. L'obscurité ne me dérangeait apparemment pas, je devais tenir ma nyctalopie de ma part féline. Les traces de pas étaient très espacées, l'inconnu devait sûrement courir. La féline en moi s'en réjouit, comme si je le pourchassai.

Finalement, il s'arrêta un long moment et fit face à ce que je ne voyais pas pour le moment. Plus calmement, il marcha en ligne droite et, même si je voyais dans le noir, je finis par ne plus le voir. Comme les félins, j'avais besoin d'un minimum de lumière.

Curieuse, je me remis en mode "Humaine". Je ne savais pas comment j'avais fait, mais mon corps avait obéi dès que j'avais voulu revenir normale.

L'obscurité s'abattit devant moi et j'en fus très troublée. Je touchai le mur en face de moi pour trouver un point de repère. Gabriel arriva juste après, une lampe à la main.

-Putain Thina ! Préviens-moi quand tu...

Il s'arrêta. Comme moi il observait, stupéfait, le tunnel qui venait d'apparaître sous nos yeux. Des torches s'allumèrent comme par magie et éclairèrent le chemin qui s'offrait à nous.

-Tu n'as jamais vu cet endroit, n'est-ce pas ?

-Normalement, il devrait y avoir un mur...

Quelque chose avait déclenché l'apparition du passage, mais nous ne savions pas quoi.

Prenant mon courage à deux mains, je me tournai vers Gabriel.

-On y va ?

Il hocha gravement la tête.

-On y va.

Et nous avançâmes dans ce tunnel inquiétant.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top