Chapitre 20

Maintenant que j'avais eu ma petite journée de pause - qui m'avait plus épuisée qu'autre chose- je pouvais pleinement m'intéresser à la position de mes aînés.

Nous étions toutes les deux dans la bibliothèque, chacune plongée depuis des heures dans notre bouquin. Cérynie s'était transformée en ouistiti, toujours noir, pour pouvoir tourner les pages sans mon aide. Seule une tâche blanche se formait sur son œil droit, elle était trop mignonne.

Je l'entendis bailler et ne sut me retenir : j'ouvris grand la bouche à mon tour. Elle ricana mais ne releva pas les yeux. Nous étions toutes les deux sur les nerfs et plus les secondes passaient, plus le danger approchait.

Je soufflai et tentai de me concentrer à nouveau sur mes livres, mais rien n'y fit : je commençai à connaître Éris / Loki par cœur. Évidemment, tous les livres disaient la même chose, vu qu'ils avaient tous plus ou moins la même source.

Je m'arrêtai un instant.

Pas tous.

Ceux-ci traitaient les dieux comme des êtres fictifs, surnaturels, mais je connaissais une bibliothèque qui ne le faisait pas. C'était risqué, mais notre temps était compté. Je me levai donc et fit part à Cérynie de mon projet. Elle ne râla pas longtemps : elle savait tout aussi bien que moi que c'était la seule chose à faire. La seule chose pouvant nous aider, tout du moins.

Le QG n'était qu'à quelques pâtés de maison, mais nous décidâmes de retourner à la grotte, afin de pouvoir nous préparer au mieux pour notre escapade. Je décidai simplement de cacher mon visage et d'attacher mes cheveux dans ma casquette. Des corps minces comme le mien étaient monnaie courante dans un QG aux entraînements militaires. Cérynie choisit quant à elle de se métamorphoser en souris. Parfois, je rêvais de pouvoir être aussi efficace qu'elle.

Nous étions à présent devant l'entrée du souterrain, et personne n'était encore dans les parages. J'étais tellement nerveuse que je ne savais rester en place. C'était loin de m'arranger, niveau discrétion.

Cérynie revint quelques minutes après son escapade dans les couloirs. D'après elle, il n'y avait personne, mais nous restâmes d'une incroyable méfiance lorsque nous nous engageâmes dans les profonds tunnels. Aucuns sons ne nous parvenaient, même si nous avions l'impression qu'une ombre allait se jeter sur nous à chacun de nos pas. Il me semblait que la seule chose audible était les battements effrénés de mon cœur.

Nous arrivâmes dans la pièce qui servait de cafétéria, là où j'avais rencontré Carole, Spencer et Victor. Le spectacle qui se présentait me donna envie de vomir. Des cadavres jonchaient le sol et le mur autrefois beige ne contenait plus que des teintes rouges. Je vis des yeux rouges briller à la lueur de ma faible torche : un incube mort me regardait droit dans les yeux ; la douleur qui y était présente fit couler une larme sur ma joue. Je la séchai rapidement et continuai mon inspection ; je devais rester forte. De nombreuses queues fourchues se frayaient un chemin entre les cadavres, ensanglantées. Une odeur de soufre dominait celle du sang, mais la plus importante restait celle, unique, de la mort. La salle était assez grande pour contenir des centaines de cadavres, tous livides, les yeux ouverts. Je compris l'absence de cadavres dans les couloirs : on les avait tous entassés ici.

Je ne savais comment, mais je réussis à avancer au beau milieu de ce cimetière, me dirigeant vers la bibliothèque. Cérynie couina derrière moi et me suivit. Elle devait être tout aussi dégoûtée que moi, vu qu'elle sentait et voyait bien plus que moi. Voilà l'avantage à ne pas être une souris.

Je poussai la porte. Le grincement produit m'arrêta immédiatement. Le son était assez fort pour qu'une oreille attentive l'entende. Me maudissant de mon insouciance, j'avançai car je ne pouvais rien faire d'autre.

Mes pas résonnaient bien trop fort à mon goût dans la salle vide. Grâce à ma lampe, je discernais les quelques mètres aux alentours, mais rien de plus : la bibliothèque était dans le noir le plus complet. Même Cérynie, qui était nyctalope, ne devait pas voir bien plus que moi. Nous réussîmes tout de même à trouver le rayon, puis les livres que nous cherchions. J'ouvris mon grand sac à dos et commençai à entasser le plus de livres possible concernant Éris / Loki.

Un bruit se fit entendre, et je me figeai.

C'était le grincement de porte que nous avions fait retentir quelques instants plus tôt. D'instinct, je me collai aux étagères et tentai de me faire la plus petite possible. Finalement, c'était pratique d'être une souris.

Les pas se rapprochèrent et je fermai les yeux. Mon sang, mon souffle, mon cœur s'étaient arrêtés. Pour la première fois, je priai. Je ne savais pas à qui je m'adressai, mais j'avais besoin de me sentir écoutée, d'avoir de l'espoir.

Alors que je sentais que mon futur assassin n'était qu'à quelques mètres de moi, Cérynie fit une chose des plus stupides, mais qui me sauva. Toujours en souris, elle se faufila dans la direction opposée à la mienne et fit un boucan incroyable. Je ne savais pas qu'une souris pouvait en faire autant. Les pas s'arrêtèrent et je retins mon souffle. Ils finirent par se diriger vers mon amie, qui était déjà partie depuis longtemps.

Moi aussi, j'étais stupide : toujours collée aux étagères, je les longeai et jetai un œil vers l'inconnu.

C'était le séduisant Gabriel qui me cherchait du regard. Lorsqu'il comprit que personne n'était là, il fit demi-tour et ouvrit la porte grinçante. Après un dernier coup d'œil, il sortit.

Il me fallut un moment avant de comprendre ce que j'avais vu. Totalement prise au dépourvu, je m'adossai aux étagères et glissai au sol. Cérynie me rejoignit quelques instants plus tard.

-Wouah, t'as eu chaud !

-Encore plus que tu ne peux l'imaginer, marmonnai-je.

Elle décida de ne pas y prêter attention. Après quelques secondes nécessaires à me calmer, je me relevai et recommençai à fourrer des livres dans mon sac. J'étais tellement sur les nerfs que je ne l'entendis pas arriver.

-Niveau intelligence et discrétion, t'as encore du chemin à faire.

Sa voix de velours venait de juste en face.

-Que .. ?

Je n'eus même pas le temps de lever la tête pour le voir, tout devint noir.


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