Chapitre 19

J'avais abandonné l'idée de rentrer à la maison, tout simplement parce que j'avais besoin d'oublier.

Un verre à la main, je regardai d'un œil morne le match de foot et remarquai l'équipe visitée : notre favorite, de mon père et moi.

Le score indiquait 0-3. Je grommelai et retournai à ma boisson.

Étant donné le tournant catastrophique qu'avait pris ma vie et celle de mes proches, mon cerveau aurait dû tourner à plein régime pour trouver un indice, quel qu'il soit. Mais j'avais besoin d'un verre, juste un seul.

Ou peut-être deux.

Cérynie ne m'accompagnait pas. Contrairement à moi, elle savait gérer cette merde sans péter un câble. Je l'entendais toujours lorsque j'avais décidé de prendre un verre :

-Thina ! Ils ont besoin de toi !

Ouais, mais si je ne pouvais rien faire ?

Je commandai mon deuxième shot et observai les alentours. Bien que je sois dépressive, je ne voulais pas mourir, et toute une espèce voulait ma mort, aux dernières nouvelles.

Lorsque la boisson tant attendue arriva, je la buvais d'une traite. Le serveur me fit de grands yeux lorsque je lui en commandai un dernier.

-Et bien, en voilà une qui sait boire !

Un homme prit la place libre à ma droite. Il fit signe au barman qu'il prenait la même chose et se tourna vers moi, un grand sourire aux lèvres.

Lui aussi avait des cheveux noirs corbeaux. Une mèche rebelle barrait son front tandis que le reste de sa tignasse était soigneusement coiffée, et quelle tignasse ! On pouvait facilement deviner ses cheveux épais et je me demandai comment il réussissait à les garder dociles. Je me retins de le lui demander. Le reste de son visage était tout aussi beau : ses pommettes saillantes et sa mâchoire carrée lui donnait un air d'homme mature. Ses yeux bleus azur sondaient mon âme. Je frissonnai.

Bien que je restai méfiante, la politesse et son joli visage me fit sourire à mon tour. Lorsque nous reçûmes nos verres, je le levai en l'air et l'invitai à boire avec moi. Nous descendîmes nos shots ensemble et soupirèrent d'aise au même moment.

-Hé bien, je suis content d'avoir rencontré une fille qui tient ses descentes ! C'est rare de nos jours, me dit-il en me faisant un clin d'œil complice.

Ne sachant me retenir, je rotai bruyamment. L'eau pétillante que j'avais pris avant de me bourrer m'était restée dans la gorge. Quelques clients se retournèrent, choqués, vers moi. Mon nouvel ami écarquilla les yeux mais un grand sourire s'afficha sur son visage.

-Merde, désolé ! Quel porc je fais ! me dit-il. Il prit un air désolé et les hommes assis à nos côtés se retournèrent, soulagés de savoir que c'était lui.

Je le regardai et souris.

-Tu sais, tu n'avais pas besoin de faire ça, j'aurais assumé.

Il haussa les épaules. Son sourire commençait vraiment à me plaire.

-Tout gentleman de ce nom l'aurait fait.

-Ah, tu te penses gentleman ?

Il me regarda et éclata de rire.

-Quoi, je n'en ai pas l'air ?!

Je levai les mains en signe de paix.

-Je ne l'ai pas dit !

Nous rîmes ensemble de bon cœur. Je commençai à avoir le rire léger, et ça me faisait peur. Je me relevai tant bien que mal et lui tendis la main :

-Je m'appelle Thina, enchantée.

Il me lança un de ses sourires dont il avait le secret et, au lieu de me la serrer, il prit ma main pour y déposer un léger baiser.

-Je me nomme Gabriel.

Oh putain.

Soit il se fout de ma gueule, soit je suis à croquer quand je suis saoule. Les deux me semblent impossible.

Toujours aussi anormalement joyeuse, je lui fis un clin d'œil et lui dis :

-J'espère que tu n'es pas aussi sage qu'il n'y paraît.

Il rit doucement.

-Si ça peut te soulager, je peux aussi être très méchant.

Je ris à mon tour. Hé ben, qu'est ce qu'il était rigolo celui là !

J'essayai tant bien que mal de marcher droit, mais le serveur m'interpella avant que je ne parte trop loin : j'avais oublié de payer ma note, qui était considérable. Gabriel posa une main sur mon épaule afin de me garder en équilibre. La chaleur de ses doigts puissants traversa mes vêtements et réchauffa mon cœur. Enfin, c'est ce dont j'avais l'impression.

-Laisse, je paye.

Je le regardai, abasourdie, aller vers le barman et sortir quelques billets de sa poche. Dès qu'il m'avait lâché, j'avais senti un vide immense s'emparer de moi. C'était incroyable l'effet qu'il avait sur moi après 5 minutes. Mais quand il se retourna et me lança son magnifique sourire, j'oubliai mon problème et lui lançai un sourire qui, je l'espérai, ne montrai pas trop mon statut de "bourrée". Il me rejoignit et posa sa main sur le bas de mon dos, et tout redevint un rêve.

Nous sortions du bar comme nous le pouvions. Étant donné que j'étais loin de marcher droit, Gabriel avait un peu du mal à me garder en équilibre. Finalement, il passa son bras sous mes genoux et me souleva comme si je n'était qu'une plume. Une jolie plume, vu la manière dont il me regardait. Je passai mes bras autour de son cou et posai ma tête contre son torse. J'entendais son cœur battre, rythme qui m'entraîna dans un profond sommeil.

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Lorsque je me réveillais d'un rêve agité, je me trouvais dans un lit tellement douillet que je pensai y rester quelques temps supplémentaires. Mais à présent, j'étais totalement saine d'esprit et je me rendis compte de la boulette que j'avais certainement faite. Je m'étais laissée endormir dans les bras d'un homme que je connaissais à peine.

Je me relevai difficilement et le regrettai très vite : une douleur lancinante se propagea dans toute ma tête, je n'avais pas l'habitude des gueules de bois. Je grognai et continuai malgré tout.

Ma première impression fut la bonne : je me trouvais effectivement dans un lit. Il était tellement grand que l'on pouvait y dormir à trois sans être gênés. Le reste de la chambre était, comme le lit, blanc. J'avais l'impression que les couleurs n'existaient plus. Une grande armoire, un bureau et un miroir - tous blancs - constituaient la chambre, en plus du lit dans lequel j'étais assise.

J'entendis un grand fracas par delà l'une des deux portes de la pièce. J'imaginai que le restant de l'habitation était de l'autre côté. Prudemment, je me levai et me dirigeai vers elle. Mais avant que je puisse poser ma main sur la poignée, la porte s'ouvrit d'elle-même sur un Gabriel à tomber par terre. Avec tout ce blanc, on avait l'impression qu'une aura angélique encadrait son beau visage.

-Tiens, la belle au bois dormant s'est enfin réveillée ! Et promis, je n'ai rien fait pour que tu reviennes, me dit-il, complice.

Je lui lançai un sourire timide. Maintenant que j'étais en possession de mes moyens, je restai prudente. Il s'en aperçut et son sourire s'effaça légèrement. Gabriel se tourna et me fit signe de passer, ce que je fis. Le restant de l'appartement était bien plus coloré que la chambre. Le rouge et le blanc dominaient. La pièce qui suivait était un salon dont une partie servait de cuisine.La seconde porte de la chambre devait sûrement donner sur une salle de bain. Je marchai au centre et le regardai : je ne savais pas quoi faire.

-Euh, merci de t'être occupé de moi pendant que j'étais... enfin...

-Totalement bourrée ?

J'eus un petit rire.

-Ouais, c'est ça.

Il me fit comprendre que ce n'était rien et me dit :

-Je n'allais pas te laisser endormie en plein milieu de la ville, le soir. Quand je te dis que je suis gentleman.

Je lui souris et le remerciai une fois de plus. Je remarquai mon sac et le pris. Gênée, je ne savais pas ce qu'il fallait dire. J'étais à présent prête à partir.

-Bon ben, merci encore ! C'était sympa, enfin...

Il éclata de rire et me fit signe de partir.

-Allez, va rejoindre tes amis !

Je lui souris et me tournai vers la sortie.

-Hé, Thina.

Je me retournai. Il me sourit d'une telle tendresse que j'eus envie de rester encore un peu.

-À bientôt.

Je lui souris et sortis, toute chamboulée.

Il savait qu'on allait se retrouver. Et pour une raison inconnue, j'en étais contente.

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