Chapitre 13

Je courrai, furieuse, des gouttes ruisselant sur mon visage. J'étais dans le parc, sauf qu'il drachait. Mes vêtements ainsi que mes cheveux me collaient au corps, c'était loin d'être agréable, surtout lorsqu'on était gelée.

-Hey, salope, t'es où ?!

Je criai, tout simplement parce que j'en avais marre. Comme ça, elle se dit qu'elle va transgresser l'une de ses plus anciennes promesses et avoir une fille, à qui elle pourra pourrir la vie ? Mais en plus de lui pourrir son avenir, elle ne peut même pas profiter du présent ?! Elle allait m'entendre, celle-là.

-PUTAIN MAIS RÉPONDS !

Un orage éclata, mettant mon humeur au plus bas. Je shootai dans une flaque d'eau. J'avais atteint le stade où je n'en avais plus rien à foutre de devoir tout relaver le lendemain. La pluie se fit encore plus insistante et j'avais l'impression que mes yeux lançaient des éclairs.

Je finis par m'agenouiller dans la boue, mes larmes sillonnant mes joues jusqu'à rejoindre les tonnes d'eau qui se déversaient vers le lac en contre-bas. 

-VIENS ICI SALE PUTE !

-Je ne te permets pas.

Je levai les yeux, soudain calmée. Une femme d'une prestance incroyable se tenait devant moi. Ses longs cheveux blonds lui arrivaient jusqu'au dessus des fesses et ses yeux verts me foudroyaient du regard, méprisants. Ils étaient garnis de longs cils et, par-dessus, ses sourcils parfaits étaient haussés, comme une mère grondant son petit. Elle était habillée comme je m'y était attendue : le même genre de combinaison divine que m'avait offerte Cérynie, d'un vert se fondant parfaitement dans n'importe quel genre de végétation. Contrairement à moi, ce n'était pas une petite couronne discrète qui ornait sa tête, mais celle d'une véritable reine. Je pouvais voir, accrochés dans son dos, un arc et son carquois rempli de flèche. 

Artémis haussa à nouveau ses sourcils, attendant.

-Et bien ?

J'avouai ne pas m'être attendue à ce qu'elle réponde à ma demande, je n'avais donc pas récité un discours clair et précis expliquant la manière à laquelle je souhaitai être débarrassée de tout cela. Je me relevai donc, époussetant en vain mon pantalon totalement trempé. Je voulais garder un semblant de dignité, car je n'allai pas me mettre à genoux devant celle qui m'avait abandonnée dès ma naissance.

-J'ai besoin de savoir pourquoi je m'attire tout le temps de la merde.

Elle ricana, puis reposa ses yeux, à présent doux, sur moi.

-Telle mère, telle fille, je présume. ( Elle haussa élégamment ses épaules ) Tu es ma fille et la Chasseresse. Je ne l'ai pas choisi, c'est écrit depuis toujours que tu viendrais. Ce fût et un choc, et un honneur de savoir que tu allais te charger de ce rôle.

-Le rôle de me charger des milliers de monstres qui tentent et de me tuer, et de tuer la Terre entière ?! C'est tout simplement impossible. Désolée, mais je démissionne !

Je levai les mains en l'air en signe d'abdication. Mais elle refusa, secouant la tête.

-Pas le choix, ma grande. Mais tu n'es pas obligée de t'occuper de tous les monstres, il suffit de couper la tête.

Je réfléchis un moment. Oui, mais quelle tête ? Il y avait des dizaines de chefs monstrueux sur Terre. Mais je n'eus pas le temps de lui demander. Elle posa délicatement sa main sur ma joue, dans une caresse maternelle.

-Je n'ai jamais été là physiquement, Thina, mais je t'ai toujours aimée.

-Tu as laissé Papa se faire tuer. Je ne pourrai jamais te le pardonner.

Ses yeux reflétèrent une tristesse telle que j'eus envie de la prendre dans mes bras, afin que nous puissions pleurer toutes les deux la perte de l'homme de nos vies. Mais je m'abstins. Elle n'était que ma mère biologique, même si je savais, dans mon cœur, qu'elle n'aurait jamais pu être plus, faute de ses engagements.

-Ton père a été la meilleure chose qui me soit arrivée, mais également ma plus grosse erreur, je suis tellement désolée, Thina.

Je n'eus pas le temps d'en dire plus qu'elle avait déjà disparue, mais j'eus tout de même le temps d'entendre ses dernières paroles :

-Et ne me traite plus jamais de pute, je suis ta mère. La prochaine fois, je t'enferme dans ta chambre.

Je vois, à présent je savais d'où venait mon humour bien pourri. Mais je souris et hochai la tête, comme n'importe quelle fille de 5 ans l'aurait fait.

***

Je sifflotai tranquillement en rentrant chez moi, enfin contente d'avoir reçu des réponses. J'envoyai un message à Philip, qui devait être mort d'inquiétude. Je lui dis que tout allait bien et que j'étais simplement partie pendant plusieurs mois pour faire des études approfondies en mythologie.

Décidée, je m'installai confortablement sur mon fauteuil, deux livres sur le sujet dans les mains. M'ayant préparée un chocolat chaud, je ramenai une couverture sur moi et commençai à lire, cherchant, un peu au hasard, un monstre - ou autre - qui pouvait bien être la tête de ce gang apocalyptique. En vain.

Il devait bien être minuit lorsque je décidai enfin d'aller me coucher, attendant avec impatience mon entraînement avec Joan du lendemain.

***

Je tapai du pied, impatiente. Cela faisait plus d'une demi-heure que je l'attendais. Nous nous étions pourtant arrangés pour se retrouver devant le QG afin de s'entraîner à la magie. Finalement, je décidai de partir chez lui, qui n'était qu'à quelques pâtés de maisons de là. Je pensai monter des marches afin d'arriver à un petit kot ressemblant au mien, mais ce ne fut pas un immeuble qui avait été indiqué par Joan, mais bien une charmante maisonnette aux murs oranges. Fait étonnant, la porte était ouverte et je me permis d'y entrer après avoir toqué, mais sans réponses. Je débouchai sur un salon très neutre, plus utile que décoré et vit un escalier menant certainement aux chambres, je m'y engouffrai.

-Hé ho, Joan ?

Rien. Je montai rapidement les marches, inquiète. Lorsque je fus à l'étage, une légère respiration se fit entendre, comme s'il dormait.  Je commençai à me mettre en colère, les réveils, ça existaient ! Je finis par identifier dans quelle chambre Joan dormait et je rentrai en trombe.

-Putain t'es sérieux ?! J'étais....

Je m'arrêtai net. Les yeux écarquillés de Joan me regardaient, accompagnés de deux autres yeux d'un bleu turquoise, accentués par du mascara. 

D'où j'étais, je pouvais voir le torse nu de Joan et devinai facilement le prolongement sous la couverture. La petite blonde franchement coquette l'avait remise au-dessus de ses seins d'un air outré.

-Merde, je... t'attends au QG. 

Ma voix avait été sèche et je n'attendais pas une quelconque réaction de la part du couple, je sortis aussi rapidement que lorsque j'étais entrée dans la chambre de Joan. Je courus, des larmes s'échappant de mes yeux alors que je ne voulais pas pleurer pour un salaud.

Merde, il m'embrasse, me dit que c'est impossible puis se réfugie donc dans les bras d'une pimbêche et tout cela, en une seule putain de journée.

J'arrivai en un temps record dans mon parc, à présent seul soutien contre cette vie de merde. Je m'assis devant le lac de mes amis les cygnes, pleurant en silence. Je lui avais dit de me rejoindre au QG, mais je n'en avais finalement plus le courage. À son tour d'attendre pour rien.

Connard.

-Tu l'as dit.

Je m'arrêtai, fronçant des sourcils. C'était la voix de Cérynie, je l'avais à présent suffisamment entendue pour en être sûre. Je me tournai et vis une magnifique panthère me fixer de ses yeux verts. Elle s'assit tranquillement à côté de moi, observant le lac, en aucun cas menaçante. Je la regardai, légèrement terrorisée par la présence d'un félin en pleine ville. Certes, Valhali n'était pas très grande, mais assez pour tenir des fauves de cette envergure à distance.

La panthère se tourna vers moi, ses yeux calmes me sondant de l'intérieur. Elle me montra ses crocs en un semblant de sourire.

Étonnée ? Faut pas, je suis métamorphe, après tout.

Cérynie. C'était elle, la panthère. Je la regardai, les yeux ronds. Elle gronda, comme si elle ricanait, cette chieuse. Je lui souris, contente de trouver une alliée.

-Que fais-tu là ?

Je t'ai dit que j'avais été envoyée pour te protéger. Ta mère a insisté pour que ce soit aussi bien physiquement que mentalement. Là, tu vas mal, super Cérynie à la rescousse !

J'éclatai de rire devant cette piètre imitation de super-héros. Cérynie prit le temps de me faire sourire et de me réconforter. Je remarquai qu'elle était beaucoup plus " folle " que lorsqu'elle se montrait en tant que biche.

Je faisais ça pour t'intimider, ça marchait d'ailleurs super bien !

Je ris une nouvelle fois. Finalement, je décidai de repartir vers le repaire des Chasseurs, déterminée à  en faire voir à Joan de toute les couleurs.

Lorsque j'arrivai, il faisait les cent pas devant le repaire, soucieux. Lorsqu'il me vit, ses yeux retrouvèrent leur énergie et il se précipita vers moi. Je levai la main, lui intimant d'arrêter sa course.

-Bon, on s'entraîne on non ?

-Thina, je ne...

-Tu es un salaud, Joan. Mais je n'ai pas le choix et je souhaite me perfectionner. Donc, on va faire simple. Toi ( je le pointai du doigt ), prof, moi ( je me montrai ), élève. Rien de plus, ou tu le regretteras. 

Je me retournai, toujours le visage froid, et descendais tranquillement les marches, me dirigeant vers la salle d'entraînement et laissant derrière moi un Joan tout secoué et totalement à l'ouest.

À son tour de souffrir. J'ai toujours été rancunière.


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