Chapitre 10

Nous étions toujours dans la salle d'entrainement. Joan avait apparemment ramené avec lui mon arc lorsqu'il m'avait emmené au QG. À présent, nous nous entraînions tous les deux à l'arc, et je le battais à plate couture. 

Je lui avais montré mes différentes flèches et il s'amusait comme un petit fou à tirer mes flèches scintillantes, les étincelles qui les suivaient se répercutaient dans son regard.

- T'as pensé à des explosives ? Elles feraient des putains de dégâts !

Je hochai la tête tandis que j'encochai une simple flèche. Je tirai.

Dans le mille. Joan siffla d'admiration.

-J'y ai pensé, mais ce serait dangereux de les essayer ici. 

Les yeux de Joan pétillèrent et il me prit le bras pour m'emmener dans les bois. Après plusieurs minutes de course à travers les branches, nous arrivâmes dans une petite clairière où étaient entreposées deux cibles. Joan se retourna vers moi, un grand sourire aux lèvres. Je soupirai, puis le prévint :

-Ça marche pas du premier coup et ça demande beaucoup d'énergie alors...

-Tu peux le faire !

Je soupirai à nouveau et partis casser une branchette. C'était beaucoup plus simple de créer à partir de quelque chose, je l'avais remarqué lors de la création de mes flèches discrètes. Je me mis en position naturelle, soit debout, jambes écartées et me concentrai. Joan ne fit aucun bruit, et je l'en remerciai. Même à travers mes paupières clauses, je distinguai la lumière aveuglante de la transformation. Lorsque j'ouvrai les yeux, une simple flèche se trouvait dans ma main, je la lançai le plus loin possible et l'observai tomber mollement sur l'herbe. Joan ne su se contrôler, et partit dans un fou rire très bruyant. Je lui lançai un regard noir tandis qu'il essayait de retrouver son calme.

-T'aurais dû voir ta tête quand tu t'es rendue compte que ça n'avait pas marché !

Et il repartit dans son éclat de rire. Je soufflai et recommençai.


-De quoi est constitué la dynamite ? demandai-je après mes nombreux essais ratés.

Joan prit un air penseur.

-De la poudre à canon et de la nitroglycérine, il me semble... Tu n'étais pas en option sciences fortes à l'école ? 

Je ricanai.

-Plus en option "dormir pendant les cours" qu'autre chose !

Joan sourit et je me concentrai à nouveau. J'imaginai la nitroglycérine à l'intérieur du bois et pensai à la chauffer lorsque ma flèche se mettait en mouvement . Lorsqu'elle aurait touché sa cible, une explosion ardente ferait exploser le bois et des épines se feraient propulsées à travers la fumée. L'image était claire dans ma tête et j'actionnai la bouton "transformation" présent dans mon cerveau.

Lorsque j'ouvris les yeux, une simple flèche se trouvait dans ma paume, comme attendu. Il fallait à présent que le plus important fonctionne. Je l'encochai et, sous l'œil attentif de Joan, tirai.

-Baisse-toi !

Je ne compris que cela marchait seulement lorsque Joan m'attrapa à la taille pour me protéger de la déflagration. Il me colla contre son torse et se tourna afin que les échardes ne m'atteignent pas. Je l'entendis grogner lorsque celles-ci se fichèrent dans son dos.

Cela prit un certain temps avant que plus aucunes feuilles ne tombent sous l'effet de l'explosion. Dès que je sentis une légère détente dans les bras de Joan, je me ruai derrière lui afin de voir son état. Ce n'était pas beau à voir. De nombreuses échardes s'étaient profondément plantées dans son dos et il était brûlé au moins au deuxième degré : de grosses cloques parsemaient son dos. Je l'entendis grogner une deuxième fois lorsque j'effleurai ses blessures. J'étais au bord des larmes : tout ceci était arrivé à cause de moi et à présent, je ne savais même pas si Joan était capable de marcher avec un dos aussi mal en point. Mais je n'eus même pas le temps de le lui demander lorsque quelqu'un se mit à applaudir.

-Quelle explosion ! Je n'aurais jamais cru que tu étais capable de ça ! Une raison de plus pour te tuer !

Je n'eus pas le temps de comprendre ce qui se passait : une dizaine de petites têtes aux dents pointues fonçaient sur moi, et certainement pas pour me faire du bien. 

Leurs corps étaient parsemés de symboles complexes, un peu dans le style indien. Ils avaient tous un ventre rebondi, mais cela ne semblait pas les gêner dans leurs mouvements : j'arrivai à peine à les distinguer. De multiples boucles d'oreilles ornaient leurs uniques oreilles pointues et leurs canines faisaient bien la taille de mon petit doigt. Additionnés à leurs yeux fous et leurs sourires vicieux, ces petits êtres dangereux me faisaient penser à des démons. Je cherchai au plus profond de ma mémoire pour me rappeler de leurs noms : c'étaient des Rakshasas, démons de la mythologie hindoue.

Ils m'entourèrent rapidement, ne se souciant pas de Joan, toujours allongé, agonisant sur le sol. C'est vrai que dans son état il ne pouvait pas faire grand chose. Le plus grand du groupe s'avança, un sourire cruel sur le visage.

-Que me voulez-vous ? demandai-je. 

De ce que j'avais compris, ils souhaitaient me tuer, mais pourquoi ?

-Je te l'ai déjà expliqué, ma jolie.

-Mais pourquoi ?!

Le Rakshasa s'arrêta, ses yeux reflétant un étonnement que je ne compris pas. Mais il se reprit vite et me demanda ce que je savais.

-Pas grand chose, raison pour laquelle je vous le demande !

Il fronça des sourcils mais ses lèvres s'étirèrent en un sourire carnassier.

-Voilà qui nous aidera grandement dans notre tâche ! 

Et ils se jetèrent sur moi. Je ne savais pas comment, mais mes réflexes me prévinrent à temps et je sautai par dessus leurs petites têtes chauves, une flèche déjà encochée et pointée vers le chef. Ils s'arrêtèrent tous nets.

-Écoutez, vous êtes les troisièmes monstres qui tentent de me tuer cette semaine, et je ne sais toujours pas pourquoi. Alors vous allez très gentiment m'expliquer ce qui se passe et il n'arrivera rien à votre chef.

Ma voix était calme et froide malgré la panique qui paralysait mon corps. Je priai silencieusement pour que mon coup de bluff marche, parce que j'étais presque sûre que la flèche n'atteindra jamais le démon, il était assez rapide pour l'esquiver.

Mais je vis dans leurs regards qu'ils savaient ce que je savais. Et ils recommencèrent à se diriger vers moi. Ils n'eurent pourtant pas le temps de m'attaquer : une lumière aveuglante se propagea de je-ne-sais-où, nous privant tous de notre vue. Lorsque je rouvris les yeux, tous les Rakshasas étaient à terre, apparemment morts. Au centre du cercle que formaient leurs cadavres se trouvait mon amie la biche, aussi majestueuse que la fois où elle m'avait donné mon arc.

Bonjour, Thina.

-Bon...Bonjour.

Elle baissa gracieusement la tête, solennelle. Je tentai ma chance :

-Vous allez m'expliquer, cette fois ?

J'entendis un rire harmonieux dans ma tête. Je ne savais pas qu'une biche avait le rire facile. Mais ce que je demandai n'avait pas l'air facile à donner. Elle se contenta d'approcher Joan qui avait perdu connaissance durant mon "entrevue" avec les petits démons. Ses petites cornes touchèrent son front et je vis apparaître un sourire sur le visage de Joan. Ayant une vue sur son dos, je vis avec ébahissement ses plaies se refermer et ses brûlures guérir. En l'espace de quelques secondes, la peau de Joan était aussi lisse que celle d'un bébé.

Je retenais un petit cri de stupéfaction et tournai mon regard vers sa sauveuse. 

-Merci.

Elle hocha la tête, toujours dans sa grâce surnaturelle. Elle se replaça devant moi, planta ses yeux de biche devant les miens.

Tu ne sais pas qui je suis.

-Non, ni même ce que je suis.


On me connaissait sous le nom de la Biche de Cérynie.

Et toi, tu es connue sous le nom de la Chasseresse, unique fille d'Artémis.


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